Comment revaloriser la fraternité dans un monde globalisé de plus en plus inégalitaire et individualiste, où règne un pouvoir sans partage ?
Partager se montre parfois faux-ami. Pour tous ceux qui associent partager et diviser, au sens de désunir, séparer, cloisonner, fragmenter, compartimenter… partager ne peut mener qu’à la mésentente. Ainsi, partager revêt des sens antinomiques dès lors que les finalités sont opposées. Ce peut être la pire ou la meilleure des choses…
Comment, dans ce contexte, inventer de nouvelles solidarités pour partager pouvoirs et ressources ? Comment bâtir une société plus équitable ?
Tout l’enjeu de ce siècle sera de diviser, non pour régner, mais pour multiplier. L’individualisme a vécu et, à l’ère digitale, partager devient la norme. On accepte moins de propriété pour davantage de liberté. On accepte d’accéder au lieu de posséder (un bien plus grand en co-location au lieu d’un bien à soi seul ; pléthore d’informations en échange d’un peu d’information).
Du partage d’information à la colocation ou au covoiturage, de la production et la revente d’électricité de particulier à particulier en passant par la recherche scientifique en open science, partager concerne tous les pans de la société et de l’économie.
Partager, c’est aussi une nouvelle façon de concevoir sa relation aux autres, de penser le monde.
« Cette nouvelle approche permettrait de passer d’un système de rapports de force, de concurrence et de compétition acharnée, à un système de rapports de flux et d’échanges solidaires mettant en œuvre de nouvelles valeurs, de nouvelles actions et de nouvelles responsabilités. (…) L’échelle des valeurs se déplace de la concurrence traditionnelle pour s’imposer et réussir, vers le partage, la solidarité, l’échange, le « gagnant-gagnant », qui autorisent plus de souplesse dans la conduite de sa vie. »
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Aucun domaine aujourd’hui n’échappe à ce désir d’inventer de nouvelles règles du jeu, de passer à l’acte pour prendre en main son destin et s’émanciper des grands lobbys ou des circuits traditionnels. Parmi les initiatives collaboratives réussies, citons : Nickel et Cresus : le compte en banque sans banque pour les personnes exclues du système bancaire ; les MOOC’s : cours en ligne ouverts et massifs pour tous ; Pilo’ty’s : les habitats en bois pour tous, KissKissBankBank : plateforme de financement participatif ; Babyloan : micro-crédit solidaire ou HackYourPhd : la science et l’accès à la connaissance comme bien commun…
Partager, un état d’esprit
Par temps de crise ou de grande mutation, l’instinct de survie ne doit pas obligatoirement conduire à se replier sur soi ou à entrer en compétition avec les autres. La loi du plus fort fonctionne… tant que vous êtes le plus fort. Elle menace en permanence la cohésion sociale.
En coopérant, en partageant davantage les ressources et les pouvoirs, en régulant mieux les richesses, les êtres humains se conduisent en individus co-responsables et œuvrent pour le bien commun autant que pour leur propre bien-être. En dépit des risques, l’expérience et la théorie des jeux démontrent que le partage de l’information est un « jeu à somme non nulle », cumulatif (alors que l’échange d’énergie ou d’argent est à « somme nulle », en d’autres termes : ce que j’ai donné, je l’ai perdu).
Toute la croissance d’Internet se fonde sur ce principe : plus l’information est partagée, plus elle a de valeur.
Le Forum Changer d’Ère, organisé par Les Di@logues Stratégiques, se déroulera le 5 juin prochain à la Cité des Sciences & de La Villette (Paris) : www.forumchangerdere.com [↩]
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Joël de Rosnay, Surfer la vie. Comment sur-vivre dans la société fluide ? Edition Les Liens qui Libèrent, Paris, 2012. [↩]
Dernière modification le vendredi, 08 mars 2019