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Salon Educatec-Educatice. Conférence plénière du jeudi 25 novembre 2021. Depuis le premier avatar du plan numérique pour l’école en 2014, les politiques publiques nationales et locales ont fait de l’équipement des lieux éducatifs un des leviers majeurs en faveur du développement de l’éducation au et par le numérique. Malgré l’importance des engagements financiers comme de la volonté des acteurs politiques, éducatifs et techniques locaux de faire vivre ces dynamiques, leur effet est resté jusqu’à aujourd’hui contesté. Ainsi, le dernier rapport de la cour des comptes sur le sujet (publié en juillet 2019) titrait-il sévèrement : « Le service public numérique pour l’éducation : un concept sans stratégie, un déploiement inachevé ».

Qu’a-t-on appris de ces années de développement ? A-t-on su tirer les leçons des plans numériques précédents ? A quelles conditions le développement de l’équipement numérique des écoles peut-il contribuer à l’évolution des compétences et à la réussite de tous les enfants et élèves ? Inscrit dans le cadre du plan de relance, les derniers appels à projets et appels d’offres (« pour socle numérique de base dans les écoles », TNE) constitueront-t-ils un levier positif pour parvenir à ces résultats ?

Animateur : Antonin COIS,  cofondateur du réseau Resnumerica

Intervenant(s)

  • Florence BIOT, sous-directrice de la transformation numérique au sein de la DIRECTION DU NUMÉRIQUE POUR L’EDUCATION - MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE 

  • Rozzen MERRIEN - PRÉSIDENTE DE L’ANDEV - DIRECTRICE GÉNÉRALE ADJOINTE DE LA VILLE DE NOISY LE SEC - ASSOCIATION NATIONALE DES DIRECTEURS ÉDUCATION DES VILLES 

  • Jean François CERISIER - PROFESSEUR DES UNIVERSITÉS, UNIVERSITÉ DE POITIERS, DIRECTEUR DU LABORATOIRE TECHNÉ - LABORATOIRE TECHNÉ 

  • Anne-Charlotte MONNERET - DÉLÉGUÉE GÉNÉRALE - EDTECH FRANCE 

 

1 antoninFFB9744XIAU8NFbEn introduction, Antonin Cois rappelle le bilan sévère de la Cour des Comptes (rapport de 2019) à propos du Service public du numérique éducatif français, notamment en raison d’un important écart entre les ambitions et les réalisations concrètes, bilan par ailleurs mis en tension lors du confinement qui fut une espèce de crash test pour le système éducatif. Deux ans après où en est-on ?

La première question qu’il faut se poser est : « Pourquoi le numérique à l’école ? » 

Pour Jean-François CERISIER la question du sens se pose de plus en plus à tous. Il s’agit d’apprendre mieux et autrement et d’apprendre le numérique à l’école. 

Rozzen MERRIEN : On pourrait considérer que les jeunes utilisent déjà largement le numérique : dans les poussettes, et dans la sphère familiale et de loisirs. Donner aux jeunes une culture éclairée des écrans et leur apprendre à traiter l’information : il y a un enjeu de réduction des inégalités. L’École est un levier pour lancer une transformation numérique entre les acteurs, vers une continuité éducative. 

Florence BIOT : faire de tous des citoyens éclairés. Dans la crise, il faut construire la résilience de l’école. Le numérique permet la continuité du lien entre école et famille. Quelle plus value apporte le numérique dans l’apprentissage des disciplines ? Il y a un doute, car des études montrent que ce qui apporte un plus, ce n’est pas l’outil, mais l’enseignant. Il faut s’attarder sur ce point de l’efficacité. 

Anne-Charlotte MONNERET : l’enjeu est d’adapter l’école à un monde professionnel qui se transforme. Le numérique n’est pas un outil, mais un modèle d’organisation. Il y a un primat de l’usager et de l’immédiateté. Le confinement a montré l’urgence de mettre l’école à niveau. Toute la société bouge et on se demande pourquoi l’école ne bougerait pas aussi. La question est « comment faire en sorte que ça fonctionne ? Comment permettre à l’école de ne pas rater le tournant de la transformation numérique ? ».

Question : Le déploiement du numérique à l’école fait l’objet de critiques récurrentes, car le ministère et les collectivités sont responsables.

De nombreuses critiques s’expriment sur le déploiement des moyens.

Florence BIOT: le ministère souhaite offrir le socle minimum de base à toutes les écoles. Nous avons fait les États généraux du numérique pour l’Éducation, mené la concertation avec les collectivités sur « kit de base » déployé dans les écoles grâce aux crédits du Plan de Relance, ceci afin de réduire l’écart entre les territoires : en fait, les zones rurales sont mieux équipées que certaines villes. Nous avons un cadrage accepté avec les collectivités. On a fait la même chose pour les collèges et on espère avoir bientôt ce « kit collèges. » 

Rozzen MERRIEN : Il y a bien un partage de responsabilités avec les collectivités qui sont responsables du matériel et de la maintenance, dans un partenariat construit avec l’État. Cela représente un budget important pour les collectivités qui doit être efficient. On souhaite que les investissements soient utiles et utilisés. L’objectif est la transformation des pratiques et du rapport à la connaissance et à l’accès à la connaissance. On se pose la question du pilotage : les investissements sont ancrés sur le territoire avec les IEN, les directeurs, les enseignants. On souhaite qu’il y ait mutualisation sur les différents temps de l’enfant ; projets éducatifs territoriaux sur temps de loisir et temps périscolaires, y compris, dans certaines collectivités à disposition des familles pour réduire la distance au numérique. 

Anne-Charlotte MONNERET : L’entreprise Edtech doit être un facilitateur de l’usage du numérique. Le confinement a bousculé des cadres, notamment l’investissement et le pilotage pédagogique. Deux temps : premier pilotage à court terme, faire en sorte que ça marche, deuxième à moyen terme simplification du pilotage du numérique en France. L’instauration d’un compte ressources est importante pour que les établissements puissent s’équiper rapidement, il y a le GAR (Gestionnaire d’Accès aux Ressources), las Territoires Numériques Éducatifs, la formation des enseignants et la nécessité d’avoir des lieux « accélérateurs pédagogiques » mis à disposition par les collectivités, pour faciliter les usages. Des exemples de gouvernance commune fonctionnent notamment au service de la santé. Il faut définir des projets mieux adaptés aux besoins et mise en oeuvre.

Jean-François CERISIER  pose la question : « comment faire au mieux avec des moyens finis et des acteurs multiples ? »

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C’est la finalité qui doit nous guider, la question du sens est au début. Si chacun a ses objectifs, il faut avoir un référentiel commun pour des finalités communes. Il faut faire des choix : utilité/investissement. On ne peut pas tout faire. Il faut avoir aussi un principe de parcimonie : les moyens finis sont financiers, mais aussi environnementaux (la planète), les acteurs doivent travailler ensemble autour de mécanismes de gouvernance. Il faut aussi penser des écosystèmes en incluant la Recherche avec tous les acteurs. Également régler les iniquités territoriales avec une dimension nationale en respectant un principe d’inclusion et d’équité. 

Florance BIOT : l’Éducation nationale est habituée à la sobriété. Le socle numérique de base est défini comme l’incontournable. (Archiclasse est la classe du futur) : on en est à se battre pour le socle numérique de base. Il faut travailler sur les Communs numériques : les acteurs publics privés pourraient mettre au service de la communauté des ressources et des moyens en partage, pour les améliorer et les partager à leur tour. Le but est d’entrainer les enseignants dans des modes, non de consommation, mais de production enrichissant les produits entre pairs. 

Question :  Quand les intentions de formation rejoindront-elles les actes ?

Canopé est repositionné sur les formations au numérique. La certification des compétences numériques des enseignants est reconstruite avec PIX, le réseau CANOPÉ, le CNED.

Anne-Charlotte MONNERET insiste sur la nécessite d’une formation des enseignants à hauteur des enjeux. La formation au numérique est notoirement insuffisante pour les enseignants : 80 % jugent avoir besoin d’une seconde mise à niveau, et 45 % des professeurs des écoles disent n’avoir reçu aucune formation au numérique. Il faut aussi favoriser la formation da pair à pair. 

Rozzen MERRIEN rappelle que la formation relève de l’Éducation nationale, mais les collectivités peuvent travailler avec Canopé sur la prise en main du matériel et organiser le partage, la mutualisation des ressources numériques entre les partenaires. 

Jean-François CERISIER : Les défis de la formation sont énormes. Car 1 million d’enseignants à 1000 euros, cela représente 1 milliard d’euros par an. Ce n’est pas possible. Le schéma classique avec un formateur et des formés ne peut fonctionner que marginalement : les enseignants ont besoin de temps de co-formation, d’un apport d’expertise pour une co-formation. Quand on évoque la formation, les enseignants parlent souvent de formation continue. Il faut aussi reconsidérer la formation initiale où le numérique a une place trop faible. Il y a également la formation de tous les autres : les techniciens, les parents etc. au travers des Territoires Numériques Éducatifs.

Florence BIOT évoque le rôle de l’opérateur Trousse à Projets qui a déjà produit des ressources pour les parents accessible sur Eduscol. Et Anne-Charlotte MONNERET évoque le dispositif des Conseillers numériques proposés par la Caisse des Dépôts en complément de la Trousse à Projets. 

Question : Outiller les familles et les écoles, c’est bien. Mais ne faudrait-il pas que l’Éducation aux Médias et à l’Information fasse l’objet d’un enseignement et pas seulement d’une approche transversale? 

Florence BIOT rappelle que la matière informatique a été créée à partir de la seconde. 

Question : Quelle doit être la place des entreprises à l’école ? Peut-on s’appuyer sur le privé ? Quelle souveraineté numérique envisager? 

Anne-Charlotte MONNERET: parle de déconstruire la peur. Le numérique n’a pas pour objet de remplacer l’enseignant. Le marché des EdTech est évalué à 500 milliards de dollars en 2025 et il est loin d’être finalisé.

Selon Jean-François CERISIER, les EdTech sont assez vertueuses, elles observent bien ce qui se passe dans le monde de l’éducation. Comment se fait la régulation des EdTech ? L’offre est foisonnante et difficilement compréhensible pour les enseignants. On peut réguler le marché en passant de l’habituelle « offre et demande » à une construction « offre et besoins ». 

Question : en 2022, quelle feuille de route pour le numérique à l’école ? 

Florence BIOT : il importe de clarifier le sens que l’institution attend de ses personnels en matière de compétences numériques et des finalités assignées à l’école. Il est aussi essentiel d’assurer l’égalité et la mixité. 

Jean-François CERISIER : en période électorale, il faudrait parler aux candidats, pour faire du numérique pour l’éducation et de l’éducation un sujet pour la campagne électorale. 

Rozzen MERRIEN : il faut accompagner une éducation plus inclusive et répondant mieux à l’individualisation des apprentissages. Aller vers plus de collaboration entre les enfants, les enseignants et les familles. 

Anne-Charlotte MONNERET : faire confiance aux enseignants, aux entreprises, donner la capacité aux enseignants de tester. Il y a là un levier d’action pour transformer le plus beau métier du monde.

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Cet échange de vues entre d’importants acteurs du numérique éducatif (recherche, EdTech, collectivités et État) a fait apparaître de nombreuses convergences sur les objectifs à atteindre : une éducation inclusive, la résorption des inégalités, un partenariat réel et assumé entre les partenaires (collectivités, État) et les acteurs (familles, enseignants). 

 

Cependant, sont apparues un certain nombre de difficultés qui seront difficiles à résoudre. 

C’est tout d’abord la question de la formation initiale et continue des enseignants, notoirement insuffisante dans ce domaine, même si des pistes apparaissent : formation entre pairs, Conseillers numériques proposés par la Caisse des Dépôts, intervention des acteurs de l’éducation populaire, rôle accru de Canopé...

 

Par ailleurs, la question de l’équipement qui faisait l’objet du débat n’a été que très peu évoquée : on en reste à un niveau expérimental de quelques dispositifs ambitieux, mais encore embryonnaires « Socle numérique de base », Trousse à projets, Territoires numériques Éducatifs.

 

La généralisation d’un équipement robuste des écoles, des établissements et des familles est encore loin d’être réalisée, ce qui ne laisse guère de grands espoirs de voir advenir à court terme la transformation numérique de l’École pourtant annoncée depuis la Loi d’orientation et de programmation du 8 juillet 2013.

 

Toutefois, en ce qui concerne aussi bien l’outillage que les ressources éducatives à construire, il a été proposé de passer d’une logique de l’offre et de la demande, à une logique d’offre et de besoins, ce qui représenterait une véritable révolution pour la recherche et les industriels du numérique.

 

Une telle politique qui orienterait la recherche, la création de ressources et la formation en fonction des besoins réels de l’éducation et de la pédagogie, serait l’occasion de mettre en place un pilotage ferme et efficace de la part de l’État, des Collectivités territoriales et de l’ensemble des acteurs. 

Michel Pérez

Dernière modification le samedi, 22 janvier 2022
Pérez Michel

Président national de l'An@é de 2017 à 2022. Inspecteur général honoraire de l’éducation nationale (spécialiste en langues vivantes). Ancien conseiller Tice du recteur de Bordeaux, auteur de nombreux articles et rapports sur les usages pédagogiques du numérique et sur la place des outils numériques dans la politique éducative.