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Oui, la " société apprenante " est un peu à la mode. Oui, la ruralité n’est pas apprenante si l’on oublie que le principe métonymique permet de parler du contenant pour le contenu ou autrement dit le territoire pour les habitants qui l’habitent. Et encore oui, on trouve ce concept souvent à toutes les sauces, surtout si l’on ajoute résilience, agilité, pivot… Alors pourquoi parler de ruralité apprenante ? Vous l’aurez compris, je vais avoir beaucoup de questions et j’ai besoin de vous pour nous aider à y répondre.

Dans un article intitulé “Transformation numérique : les petites collectivités restent dans la course” du 16 novembre 2018 de la Gazette des Communes Claire Chevrier écrit :

Les villes de moins de 10 000 habitants ont bien compris que la transformation numérique impacte toute la société. Ne voulant pas rester sur le bord de la route, elles se démènent avec les moyens du bord pour offrir à leurs concitoyens des services en ligne mais aussi revoir leur organisation interne”.

Le sens de l’aménagement

Aménager le territoire n’est pas une question nouvelle dans l’histoire pour nos territoires en France. Le titre du livre, Paris et le désert français en 1947 écrit par Jean-François Gravier, exprime, au-delà du constat, la nécessité de penser le territoire. Après le désenclavement physique, le défi est de réussir le désenclavement numérique. 5G, blockchain, intelligence artificielle, véhicules autonomes, les leviers sont nombreux pour réussir la transition mais un peu comme les pharmakons, le remède peut être poison. Les géographes parlent même parfois de non-lieux avec tout ce que cela peut exprimer de difficultés économique, sociale et éducative. Pour pasticher le concept d’hyper-lieu, la province ne peut pas être un hypo-lieu.

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Il ne s’agit pas simplement de fournir mais d’accompagner pour que la relation au changement se ne détériore pas. Trop souvent les plans échouent sur les rochers de l’évidence. Mettre en capacité un territoire et ses habitants prend du temps, il s’agit moins d’outil numérique que de culture numérique. Le FFTH, oui, mais pour quel projet ? Pourquoi cela va être utile et quel sens le projet a-t-il pour moi aujourd’hui et à quoi il me conduit demain ?

Mais qu’est-ce que la ruralité ?

Faut-il résumer les territoires ruraux aux communes rurales en tant qu’ensemble d’habitations n’entrant pas dans une communauté urbaine, c’est une zone de bâti continu qui a moins de 2000 habitants ? Du point de vue du géographe ce n’est pas loin de la vérité, mais se vivre comme rural est-ce une question de chiffres ou de représentations culturelles ? Est-ce que l’on peut séparer le département de sa préfecture ou même de sa région. La ruralité est une tonalité où les décisions prises pour les collectivités ont des effets sur l’espace qui les entoure. Privilégier le point à la surface, c’est oublier l’approche écosystémique.

Vision, visualisation

Il reste que l’expérience de la ruralité est éminemment locale. A l’école numérique rural du 27 août 2018 publié sur Educavox, Michel Perez écrivait :

“Plus on se trouve dans des zones isolées, plus les questions relatives à l’accès au numérique se posent. Il faut accélérer les processus d’équipement et EN MÊME TEMPS créer et faire vivre des « Tiers-lieux » d’animation qui permettent l’alphabétisation numérique et l’inclusion numérique de la société, afin de combattre aussi l’illettrisme numérique. L’éducation citoyenne est au cœur des choix faits par ces élus”.

Le contexte économique et écologique invite à la sobriété comme à l’optimisation des moyens. Il n’y a pas l’École d’un côté et le territoire de l’autre, sans vision holistique point de salut. En matière d’Éducation comme d’aménagement, préférons la transversalité au silo. Et si l’école, demain, devenait un lieu d’acculturation au numérique transgénérationnelle ? “Sharing” ou en bon français le partage n’est pas qu’une économie de plateforme. Le sens du collectif, voilà une compétence douce qu’il faudra développer demain, Être apprenant en plaçant le prestige dans un ailleurs pour faire avancer le groupe.

D’ailleurs Michel Perez explique un peu plus loin dans son texte :

“La réalisation de tels tiers-lieux permet aussi de répondre au nécessaire besoin d’ACCOMPAGNEMENT, d’aide, de soutien et de formation (…) au-delà de la simple assistance technique.
Penser une société apprenante, implique une nécessaire “porosité” de l’école, un réel changement de posture, impliquant de prendre en compte de nouveaux rapports aux savoirs et aux autres, et de construire différemment les espaces éducatifs en prenant en compte les temps scolaires ET sociaux”.

La force de la résilience de nos campagnes. N’oublions pas que s’il y a eu une révolution industrielle, c’est parce que la révolution agricole a existé. Loin des caricatures, l’expérience du rural est dynamique. L’émergence d’espace flou pour ne pas dire tiers-lieu, de l’économie circulaire, des télétravailleurs, montre à quel point vivre la campagne évolue. Cette nouvelle organisation du travail peut-être déstabilisante pour une collectivité. Apprenante avant de le dire, inspirée par l’empowerment citoyen, la démocratie participative voir liquide, souvent sociale et solidaire, organisée de manière holacratique, pour ces nouvelles organisations comme pour ces acteurs l’important est moins la subvention que la confiance et le lâcher prise. Ouvrir un tiers-lieu pour une commune, c’est en abandonner la gouvernance au collectif.

 

1 9el48GmqnWkVgEHGoAM8uAD’ailleurs la question est moins celle de l’investissement que du réinvestissement et de l’ambition. Dans une petite commune où les moyens sont finis, faut-il renoncer à la transformation durable sous prétexte de ne pas avoir accès à l’obsolescence innovante programmée ? Être apprenant, n’est-ce pas résoudre des problèmes, imaginer, créer et finalement transformer la contrainte en opportunité. Pourquoi innover et apprendre quand tout va bien ?

Le défi pour ces territoires, c’est aller au-delà de l’acculturation au numérique pour celle du changement. Pour mal reprendre Michel Foucault, érotisons la transformation pour la rendre accessible et acceptable. Nous parlions de sens, il nous faut évoquer la curiosité. Celle de la représentation de l’urbain au rural. Il serait surpris de ces nouveaux artisans aux ateliers bien étranges et dont on ne sait pas vraiment quels sens ils ont pour le profane. Pourquoi coworker, téléworker, bricoler et apprendre avec les autres ? Quelles sont les frontières de tout cela ? La Mutinerie Village ou l’Écloserie numérique sont un exemple parmi d’autres de conduite du changement au service des autres. Il ne s’agit pas de nier le modèle économique car il en faut un mais de se dire que le projet et l’expérience humaine comptent d’abord !

Apprendre et se former tout au long de la vie est essentiel. La question d’un apprentissage de qualité, mais aussi accessible à tous et permettant la participation de chacun, est donc un enjeu majeur en éducation. C’est aussi celui des territoires ruraux. A la manière d’un enseignant avec un élève, il faut les accompagner au changement, leur donner les clefs de lecture de demain afin qu’il soit en capacité de se construire un futur commun. Favoriser l’émergence de territoires apprenants pour quoi faire ?

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J’ai quelques réponses : favoriser l’inclusion sociale, le développement économique à l’aide du numérique, le “long life learning” au service de la réussite de tous… Nos trois speakers sont au coeur du moteur. Chacun à son niveau pense et anime le territoire et la ruralité. Ils nous aideront, lors de la table ronde “Ruralité apprenante”, à répondre à toutes nos questions. Rendez-vous sur le stand de la Banque des Territoires à 15h au Stand D15 !

Nicolas Le Luherne

https://medium.com/@ProfLeluherne/jai-préparé-une-table-ronde-sur-la-ruralité-apprenante-et-voilà-pourquoi-j-ai-besoin-de-vous-c644819bd69e

Dernière modification le mardi, 27 novembre 2018
Le Luherne Nicolas

Nicolas Le Luherne est directeur des Ateliers Canopé de Beauce, blogueur, chroniqueur pour le Thot Cursus, Ludomag et Educavox. Il est administrateur de l’Association Nationale des Acteurs de l'École. Professeur au lycée professionnel Philibert de l’Orme à Lucé jusqu’en août 2016, il a intégré différents outils numériques tels que les tablettes, les jeux sérieux, la réalité augmentée, la cartographie numérique en diversifiant les approches pédagogiques. Il s'intéresse l’impact de la culture numérique sur nos sociétés, notre citoyenneté et nos démocraties notamment à l’esprit critique et au complotisme.