Les technologies numériques ne sont pas hors sol, il faut le rappeler avec force. Elles doivent, dans leurs utilisations, composer avec la réalité du terrain. Alors oui, bien sûr on peut s’inscrire à un MOOC et apprendre, Oui, bien sûr on peut organiser des classes virtuelles de 20 heures à 22 heures, oui, bien sûr on peut inviter des étudiants des collègues situés sur différents fuseaux horaires … On peut, on peut, on peut … !
Sauf que …. La liberté d’organiser son temps est un concept théorique. Il ne faut pas oublier que notre temps professionnel est cadré, organisé. Nous avons tous un agenda professionnel contraint. Dit autrement nous avons des obligations de service.
Alors faisons un peu preuve de réalisme et sachons nous extraire du miroir aux alouettes technologique. La liberté d’apprendre ne peut se faire que dans une logique d’extension du temps consenti (individuellement et / ou collectivement).
Que ceux qui profèrent (en toute bonne foi je pense) que l’on peut travailler quand on veut aillent au bout de leur discours et expliquent que c’est nécessairement en plus du temps normé.
Il s’agit donc ici d’arriver à concilier le potentiel des technologies et des principes d’organisation sociale.
Or le numérique bouleverse cette organisation en proposant un autre modèle. Il nous engage pour de nombreuses années et doit nous inviter à ne pas penser les modèles éducatifs comme des objets neutres, simplement inféodés aux potentiels d’une technologie. Elles sont des objets sociaux et politiques.
Le politique c’est inventer, proposer, c’est se référer à l’étymologie. C’est être « Sage et adroit dans le gouvernement des hommes »
Cette introduction véhémente me permet de développer ce que pourrait être le modèle de mon école rêvée. Une école du temps et de l’espace libérés.
Répondre à une question aussi complexe consiste d’abord à baliser les contours. L’école rêvée par qui et l’école rêvée pour qui ?
– L’école rêvée par qui ? Si le rêve est un projet individuel, une escapade buissonnière de l’esprit, nous restons dans l’anecdote. Nous sommes nombreux à parler de collaboration, alors pourquoi ne pas rêver ensemble. Le rêve commun est un pilier de la société. Sans rêve collectif il n’y a pas d’alternative.
– L’école rêvée pour qui ? Si c’est l’école rêvée est celle de quelques uns pour quelques uns alors elle trahirait notre belle devise républicaine, liberté, égalité, fraternité.
Je rêve donc d’une école fruit d’un rêve collectif, d’une concorde cicéronienne du savoir. On peut, à cette condition, s’autoriser toutes les fantaisies puisqu’il y a rêve commun.
C’est dans ce cadre que je veux rêver d’une école élargie au sens physique comme au sens humain. Elle s’exerce (j’exclue le conditionnel volontairement) dans un continuum fait d’une alternance entre le réel et le virtuel. Une école qui tient compte des envies de chacun. L’envie d’apprendre et l’envie d’enseigner.
Cette école ne considère pas que le travail efficace soit une mise en scène d’une tragédie grecque et de son tryptique d’unité de temps, de lieu et d’espace. Cette école accepte la présence, comme la distance, accepte de penser que le principe de formation est un processus itératif. Elle accepte l’erreur et donne à qui le souhaite une autre, plusieurs autres chances.
Elle est l’école de l’envie.
Jean-Paul Moiraud
https://moiraudjp.wordpress.com/2016/08/20/un-reve-oui-mais-collectif/
Dernière modification le mardi, 30 août 2016