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On s'imagine souvent à tort que l'autorité s'exerce de haut en bas, qu'il faut pour cela une estrade, une voix de stentor. En réalité, "l à où la force est employée, l'autorité a échoué " rappelle Hannah ARENDT. N'oublions pas qu'en faisant silence, ce sont les élèves qui "autorisent " le professeur à parler et reconnaissent la légitimité de sa parole. Sans constituer son autorité, ils en valident le principe en consentant à ce que les places soient ainsi distribuées.

L'autorité n'est ni un titre officiel qu'il suffirait d'exhiber ni un trait de caractère individuel

C'est une relation sociale complexe qui dépend tout autant de celui qui l'exerce que de celui qui s'y soumet. Au coeur de cette relation, il y un acte de confiance. Si l'élève juge cette parole crédible, c'est parce qu'il croit en celui qui l'énonce, ici, le professeur, mais aussi au dispositif institutionnel qui la rend possible, (l'école), à ce qu'elle raconte (le savoir) et à ce qu'elle lui promet ('émancipation)...

Pour croire à la parole d'un professeur, il faut croire en beaucoup d'autres choses.et quand toutes ces croyances vacillent, l'autorité chancelle. Parfois au seuil de la salle de classe, la partie est déjà jouée et le professeur doit seul assumer la charge de la preuve, exhibant  héroïquement ses qualités personnelles comme unique gage de confiance. Il se risque alors dans une épreuve narcissique dont il peut sortir grisé ou brisé.

Pour restaurer l'autorité, il faut restaurer les conditions de la confiance.

Les quelques mesures venues d'en haut ne suffisent pas. Cela suppose de retisser patiemment, subtilement, lucidement cette immense toile de croyances enchevêtrées : fonction, institution, savoir, justice sociale... La tâche est d'autant plus délicate que l'adhésion  de l'élève n'est pas solitaire. Elle reflète la confiance que ses propres parents et que la société entière placent en l'école. 

Dans le face à face entre le professeur et l'élève, nous sommes présents; c'est de nous tous que l'enseignant reçoit son mandat, il se tient devant nos enfants parce que chaque matin de la semaine nous le lui demandons, parce que nous jugeons urgent que le monde se transforme et se perpétue. Aussi les hésitations de nos enfants ne sont-elles pas nos hésitations?

En ne pouvant garantir la présence d'un professeur devant chaque classe en cette année qui commence  ne trahissons-nous pas le peu d'importance que nous adultes octroyons à cette fonction et à cette mission? Y croyons-nous suffisamment? Faut-il dès lors s'étonner que les élèves peinent à faire silence si nous renonçons à leur parler?

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Dernière modification le lundi, 15 janvier 2024
Figeac Patrick

Proviseur honoraire, bénévole à https://radiobastides.fr/ en Lot-et-Garonne, président d’une association intermédiaire par l’activité économique, auteur. Pour retrouver les chroniques et autres actualités : https://radiobastides.fr/