En effet, à l’heure du web social et des outils mobiles, le numérique réinvente les pédagogies qui se basent sur les apprentissages collaboratifs. Mais quelle place pour la créativité collective à l’école ? Le but est bien de répondre au défi des réformes des systèmes éducatifs que Ken Robinson tente également de définir dès 2007 dans cette conférence animée par RSA Animate.
La question de la créativité était déjà soulevée en d’autres termes par Daniel Pink en 2005 avec son best-seller A whole new mind (pitoyablement traduit en français par L’homme aux deux cerveaux). Même si Pink utilise souvent quelques raccourcis simplificateurs et qu’à la base son discours s’adressait plutôt aux jeunes entrepreneurs américains, les questions qu’ils posent au monde de l’entreprise sont au coeur des refondations scolaires de tous bords : par qui et par quoi le système éducatif pourrait-il être dépassé ? Pink répond par les 3A : l’abondance (à l’heure de wikipédia, la question du statut du savoir est clairement posée), l’asie (il reste du temps avant que l’on délocalise notre système éducatif en Asie me direz-vous et pourtant les systèmes éducatifs asiatiques s’imposent de plus en plus (Peut mieux faire, blog Le Monde, décembre 2012) enfin l’automatisation (et c’est bien la crainte de beaucoup d’enseignants qui voient toujours et encore dans les outils numériques de véritables machines à apprendre qui les remplaceraient). Pink émet alors l’idée que la créativité était la seule issue de nos systèmes productifs. C’est aussi un peu ce qu’évoque Michel Serres lorsque celui-ci déclare que "les nouvelles technologies nous ont condamnés à devenir intelligents" (INRIA, 2007). Daniel Pink quant à lui fait reposer la créativité sur 6 piliers : le design (qui pose la question de la fonction et du sens), l’histoire (dont le storytelling est une émanation politisée), la symphonie (qui évoque la pensée systémique défendue par Edgar Morin ou encore Joel de Rosnay dans L’homme symbiotique en 2000), l’empathie (à savoir le fait de dépasser la logique pour tenir compte de l’émotion), le jeu (inutile de revenir sur la gamification qui fait grand bruit depuis plusieurs mois comme à travers le livre de Karl Kapp paru en mai 2012.)
Après l’intelligence collective au coeur des débats en allant de Wikipédia aux publications scientifiques les plus pointues (Les Echos, novembre 2012) en passant par la vague des MOOC (défendue et expérimenté en France par Jean-Marie Gilliot avec #itypa) et les universités ouvertes qui déferlent depuis de grandes universités américaines comme sur Edx.org, les réseaux de collaboration sont aujourd’hui au coeur de nombreux systèmes apprenants innovants. Des premiers BarCamps de 2005 aux "FabLabs" en tous genres (que la ministre Fleur Pellerin veut "voir partout" en France (OWNI, 2012), les rendez-vous créatifs sont en vogue. On commence à évoquer l’idée qu’il existe "un esprit du numérique" (c’est-à-dire la logique des réseaux) qui se transpose dans la réalité. Museomix, qui est à l’origine même du titre de ce billet, en est un très bon exemple : on fait se rencontrer (dans les réalités et les réseaux numériques) des talents, des amateurs, des compétences mais surtout des approches différentes pour renouveler le musée et le rendre plus "ouvert, vivant et en lien avec ses visiteurs-acteurs". Muséomix se distingue d’abord par le fait qu’il s’agit d’un processus, "les participants ne viennent pas écouter, ils mettent la main à la pâte".
A l’heure des débats sur l’open data, certains n’hésitent pas à formuler les contours d’une "éducation ouverte" (juin 2012) qui répondent aux nouveaux enjeux éducatifs définis par la tribune de François Taddéi "6 milliards d’autodidactes" (Libération, avril 2009). Mais alors sur quoi se baserait un cour remixé ? Que signifie "enseigner à l’ère des hackers" ? La connaissance est diffusée massivement, il s’agit dorénavant pour tout enseignant de réfléchir à la façon d’apprendre aux élèves à trouver l’information, "à la valider, l’organiser, la structurer, l’interpréter et la contextualiser" (Robert Bibeau) pour finalement transformer cette connaissance en savoirs appropriés, en connaissances et compétences. L’école a besoin de réseaux, de lieux ouverts pour favoriser les rencontres et libérer l’innovation, de "coach" et de "propulseurs" de tous horizons pour accompagner les enseignants et les élèves dans cette révolution culturelle à laquelle nous contribuons chaque jour un peu plus et où le numérique n’est pas "juste" un outil, mais un environnement capacitant, un écosystème qui favorise la collaboration et la créativité. Tout un programme, pour une refondation ambitieuse qui place enfin l’école dans son époque, peut-être même en avance sur son temps...