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Ce billet sera court. Au moment de le commencer, j’y suis résolu.
 
Vous savez l’importance que j’attache au chantier en cours sur les programmes. 
Il est fondamental. Pour la première fois, le Conseil supérieur des programmes, au-delà de la définition de ces derniers, est missionné pour faire des propositions et, peut-être même, de fortes recommandations, sur la formation des maîtres, sur les modalités des enseignements, sur les champs disciplinaires, sur les référentiels de connaissances et, surtout, de compétences et, peut-être, allez savoir !, sur les services, les horaires, les temps scolaires, les parcours, les progressions, les approches, les espaces, les postures, les organisations, les hiérarchies, que sais-je encore…
Vous savez aussi, et c’est très fortement lié au point précédent, quelle importance j’attache, et d’autres avec moi, à ce que l’école s’imprègne du numérique, en accord avec son temps, en action pour mettre en œuvre l’innovation pédagogique. Il s’agit bien d’accueillir et surtout de comprendre les jeunes, ses élèves, tels qu’ils sont et non tels que certains aimeraient qu’ils soient.
Je suis profondément attaché à la réussite de cette révolution-là, inéluctable conséquence de celle que vivent en ce moment même la société, l’économie, l’entreprise, les rapports sociaux, les organisations sociétales et sociales… Et c’est bien ça le problème : pendant que la société avance, le plus souvent d’ailleurs après ou à la remorque de ses jeunes, l’école, elle, réfléchit, soupèse le pour et le contre, tergiverse, évalue, temporise, lambine et s’attarde. 
 
C’est plus qu’un problème. À trop s’attarder, la fracture s’accentue et les réparations sont, à terme, inopérantes. 
 
Et pendant ce temps-là, Vincent Peillon diffère la réforme des programmes du primaire et du collège. C’est en tout cas ce qu’annonce Le Monde dans cet article, reprenant en cela les termes mêmes d’un courrier du ministre au président du CSP, lequel avait souhaité, comme certains partenaires sociaux, pouvoir disposer d’un temps additionnel « pour la conduite de ses missions et de la consultation du terrain ».

Vous noterez qu’il n’est pas dit pas un mot des programmes du lycée et, surtout, du baccalauréat.
Les mots du président du CSP, rapportés ici dans L’Expresso, sont importants : « On ne peut se situer dans l’urgence et le temps court… […] C’est en voulant aller trop vite qu’on renoncerait de fait à toute réelle ambition… […] Rien n’est plus délétère que l’agitation permanente et les changements de cap incessants. ».

De leur côté, rapporte encore Le Monde, les principaux syndicats de la FSU avaient estimé, eux, que « La réécriture des programmes doit pouvoir se faire dans les meilleures conditions, pour aboutir à des propositions de qualité et les plus consensuelles possible ».

Enfin, en appui de cette annonce de délai supplémentaire, Christian Chevalier, secrétaire général du SE-UNSA, renchérit : « Depuis trop longtemps, notre système éducatif est piloté à marche forcée, sans pour autant produire de bons résultats. Le temps de l’éducation est un temps long. ».

On accumule là, à mon avis, les erreurs majeures, les anachronismes, en n’étant pas lucides du tout sur l’état de l’école et l’ardente obligation qu’il y a de la réformer maintenant, de fond en comble, à l’aune du numérique. Les chantiers, je le répète, sont considérables, qui concernent tant les les organisations et les structures que les acteurs eux-mêmes — à l’exception des élèves auxquels il faudra s’adapter et qu’on ne pourra contraindre — et les postures qu’ils prennent ou les apprentissages qu’ils mettent en œuvre.
 
On imagine peut-être que la refondation de l’école fera consensus ? S’il est nécessaire de convaincre, et c’est là faire bon travail politique, il est absolument certain qu’on ne convaincra pas tout le monde. Il faut s’y résoudre dès aujourd’hui. Il n’est qu’à observer comment s’organise et s’amplifie la résistance au changement et à la nouveauté — et je n’évoque même pas la réaction parfois systématique, notamment chez les cadres, à l’innovation. J’y reviendrai dans un prochain billet.

On imagine pouvoir prendre son temps ? Et pour quelle raison, s’il vous plaît, sinon pour différer ce qui ne peut l’être, à commencer par le bouleversement des valeurs, de la transmission des connaissances et de la construction des savoirs ? Il n’est jamais simple, je vous l’accorde, de casser les piédestaux et autres estrades, mais ce sera d’autant plus difficile si on prend trop son temps.

On imagine éclairer sa réflexion à l’aune des mutations d’hier ? on se trompe d’époque, sans doute. La collision du numérique et de la société, dont l’école fait partie, a, je le répète, quelque chose de cataclysmique qui ne s’est jamais produit jadis. Jamais. L’invention de l’imprimerie, révolution comparable à ce qui se passe aujourd’hui, n’a pas eu de conséquences immédiates sur l’école et les apprentissages ne se sont nourris à cette époque de cette nouvelle approche que pas à pas, au rythme muletier où se transmettaient alors les connaissances. Aujourd’hui, tout le monde est concerné, à commencer par les élèves qui, les premiers, se sont emparés goulûment du numérique et en ont fait leur affaire.

Si le temps de l’éducation fut un temps long, à n’en pas douter, pour venir en écho aux remarques du dirigeant de l’UNSA, ce n’est évidemment plus le cas. Le numérique a tout changé. Les mutations technologiques et donc politiques, culturelles, économiques, sociétales… sont si nombreuses et si fréquentes que l”éducation ne peur rester à l’écart, dans une sorte de sarcophage géant, à l’abri douillet des secousses du monde !

Différer, attendre, ne pas vouloir mettre les moyens humains, organisationnels et politiques nécessaires à la réflexion et à la prise de conscience collectives, procrastiner en quelque sorte est toujours possible, mais le risque est chaque jour de plus en plus important — j’essaie de peser mes mots et d’alerter, sans paraître vouloir jouer les Cassandre — de ne pouvoir réduire la fracture entre l’école et le monde, jeune, très jeune, mais très inventif et réactif qui l’entoure.
Rien n’est plus délétère que l’agitation permanente et les changements de cap incessants, disait à juste titre Alain Boissinot. C’est la raison pour laquelle il est impératif de ne pas s’écarter, dans le calme résolu et la réflexion, mais sans tarder, du cap d’une refondation, dans toute l’acception de ce mot, de l’école de France, qui s’éclaire des modifications et des paradigmes de ce nouveau millénaire.
Ne pas en prendre conscience aujourd’hui est une erreur très grave.
Ce billet ne fut pas court, pardon. Et pourtant, j’étais pressé…
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Crédit photo : Micdes 2013 via photopin cc
Dernière modification le jeudi, 02 octobre 2014
Guillou Michel

Naturaliste tombé dans le numérique et l’éducation aux médias... Observateur du numérique éducatif et des médias numériques. Conférencier, consultant.