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Lundi 7 novembre 2022, le monde du numérique éducatif avait rendez-vous avec la Cnil, en présence, ou à distance, pour débattre des enjeux éthiques posés par le numérique, appliqué à l’éducation aussi bien formelle qu’informelle.

Marie-Laure DENIS, présidente de la CNIL a ouvert la conférence en rappelant la grande diversité d’acteurs présente dans l’écosystème de l’Edtech.

Les objectifs de la conférence air 2022 avaient pour but d’interroger les avancées dans le domaine de l’éducation numérique, avec une optique de dialogue entre les acteurs. L’enjeu de souveraineté, lié au modèle de société que nous souhaitons est posé. « C’est également un sujet lié à notre souveraineté puisque les données d’éducation sont révélatrices de notre modèle de société. » Fondamental outils respectueux des valeurs que nous défendons. La présidente a appelé à la promulgation d’une gouvernance pour mettre en avant les valeurs de la France, et de l’Europe.

La prise de conscience de la citoyenneté numérique s’améliore mais reste éloignée d’une trop grande partie des élèves. La crise sanitaire a accéléré l’éducation numérique. Et la Loi de refondation pour l’éducation a permis l’adaptation et les échanges en classe comme en dehors.

Les données scolaires sont considérées comme des données personnelles particulières.

Les produits proposés par les sociétés sont évolutifs et vont employer des outils comme l’IA, il est donc nécessaire de s’y préparer. Le positionnement de la CNIL est celui d’une pratique numérique raisonnée, une approche positive du numérique.

L’ancien secrétaire général de la CNIL, désormais directeur général de l’enseignement scolaire au sein du Ministère de l’éducation nationale, Edouard GEFFRAY s’est exprimé pour insister sur la représentation du rapport à l’éducation ambivalent, et sur le renouvellement voulu au sein de l’Education nationale. Il a fait mention d’un parallèle avec les lois administratives de Rolland, soit la mutabilité du service public, sa continuité, et l’égalité de ce dernier à servir tout citoyen.

Il a également fait mention des craintes qui peuvent être liées à l’exploitation des données scolaires comme celle de la présélection des élèves.  Il a présenté la vision du ministère comme devant respecter les orientations données par le ministre Mr NDIAYE soit : Excellence/Bien être des élèves/Réduction des inégalités. Son appréciation de l’usage des Edtech se tourne vers une vision de personnalisation du parcours scolaire et de remédiation aux problèmes individuels rencontrés par les élèves.

La notion de maitrise de la trajectoire numérique de l’élève a été abordée avec trois enjeux identifiés tels que suit : responsabilité des mineurs, responsabilité de réussite, et responsabilité face aux modes d’accès à la connaissance.

Mr GEFFRAY a cependant précisé que le numérique ne remplace pas la classe et ses interactions.

Les outils déjà en place, comme Pix, ne font que créer de nouvelles interactions. De plus il a tenu à rappeler les efforts déjà mis en place par l’Education nationale dans le domaine de l’éducation au numérique, dans sa partie « technique, informatique », en tant que matière scolaire, notamment en mentionnant la création d’un Capes et d’une Agrégation informatique.

Il a enfin conclu sur la dimension de cadre éthique et d’accompagnement des élèves aux usages du numérique. Il a insisté sur la nécessité d’armer les élèves et de leurs données, d’avoir un cadre éthique commun et d’avoir conscience des limites des outils.

I- Les données d’éducations : Chasse gardée ou nouvel eldorado.

Intervenants :

  • Bénédicte JEANNEROD la Directrice France d’Human Rights watch
  • Sylvie ROBERT, Sénatrice et membre de la CNIL
  • Bernard GIRY, Directeur général adjoint du pôle de la transformation numérique du conseil régional d’Ile de France
  • Audran LE BARON, Directeur du numérique pour l’éducation au ministère de l’Education nationale et de la jeunesse

Le questionnement de ce panel concernait les données d’éducation comme données sensibles [comme aux US], et quels en sont les usages acceptables.

Le premier intervenant était Mr LE BARON, directeur du numérique pour l’éducation au ministère. Il a débuté son intervention par la priorisation de la continuité aux dépens des données personnelles des élèves qui avait été mis en place lors de la crise Covid. La formation des professeurs, comme des élèves, a été nécessaire.  Elle a été, et est toujours découpée en formation initiale et continue.

Il existe une formation initiale au numérique avec l’appropriation des notions du numérique. Le CRCN (cadre de référence compétence numérique), en cours dans l’éducation est une adaptation d’un cadre européen. Il a présenté l’existence d’un ‘PIX+ Edu’ pour les enseignants afin qu’ils se certifient sur des compétences numériques. Le ministère cherche désormais à bâtir une vision stratégique globale pour tous les acteurs du numérique éducatif. [Suite aux Etats Généraux, un colloque en juillet 2022 a confirmé les …]

L’organisation en plateforme interopérable appelée plateforme des données d’éducation est une piste proposée afin que les briques d’infrastructures étatiques (éduconnect/le GAR pour la minimisation des données) définissent des règles communes imposées. Le ministère a également produit un code de conduite numérique qui permettra de créer des contenus pour tous les élèves.

Pour le ministère la mesure la plus urgente serait un enseignement du numérique plus important. Et un passage à l’échelle des outils disponibles.

Mme JEANNEROD a présenté le rapport « Comment ose-t-il épier ma vie privée » de 2021, de Human Rights Watch. Ce dernier montre la vente de données éducatives à des compagnies de publicités. L’analyse a été effectuée sur 163 Edtechs et 145 d’entre eux traquaient, ou avaient les moyens de les traquer, pour le compte de 196 entreprises tiers. « Comment ils traquaient, qu’est-ce qu’ils traquaient, pour quelles finalités ? » sont les questions que se sont posé l’ONG. L’écrasante majorité des technologies qui traquait sans consentement. Les plateformes ont installé des traqueurs hors des heures de cours, et ont tagué leurs cibles de façon définitives (aucun moyen de désactiver les traqueurs hormis destruction du matériel).  Une des conclusions a été que les sites web éducatifs plaçaient autant de cookies que les sites populaires tout publics. Un enfant qui allait sur une plateforme était suivi en moyenne par 7 cookies durant sa navigation. La France a fait partie du panel examiné par Human Rights Watch. Parmi les cinq produits recommandés par le gouvernement, il s’est avéré que 3 étaient conformes et 2 au contraire ne l’était pas (English for Schools et Deutsch für schulen, opérés par la même entreprise). HRW a salué l’action rapide du gouvernement pour remédier au problème.

La campagne HRW a généré des réactions de la part de l’écosystème Edtech et des gouvernements. Le rapport émet des recommandations à tous les acteurs Edtech.

Dans le cadre des technologies éducatives, les enfants et les tuteurs ne sont pas libres de leur consentement. Il y a une nécessité de prendre en compte le consentement réel et non imposé. Une des recommandations est de donner un recours aux enfants qui ont été victimes des sites suggérés par le ministère, puis faire des audits et des contrats écrits entre le ministère et les acteurs privés.

Human Rights Watch considère que la mesure urgente est de retravailler sur les contrats entre les Etats et les acteurs Edtech concernant la protection des données personnelles des élèves.

Mr GIRY, directeur général adjoint en charge de la transformation numérique de la Région Île-de-France est ensuite intervenu pour donner le point de vue de la gestion Régionale des outils d’éducation numérique. Il a affirmé que la Région a la responsabilité des lycées et dans ce sens la Région Ile-de-France a créé une direction spécifique aux données. Aujourd’hui, le Pôle « Transformation numérique » comprend trois directions : La DSI découpée en trois services : Réseaux et Infrastructures ; Bureautique et Grands SI de gestion (SIRH et finances pour la collectivité…) ; Une direction de la Donnée (décisionnel, open data, information géographique, RGPD, gouvernance de la donnée) et une direction du Numérique et de l’Innovation qui comprend le numérique des lycées.

Cela a représenté un investissement massif sur les 474 lycées de la région. Il a reconnu une accélération due au Covid. Les autorités ont pu constater que les salles informatiques existantes n’étaient pas suffisantes. La région a donc passé des commandes de tableaux interactifs. Dans une optique similaire, les ENT (phase de marché) vont subir une réorientation vers un traitement de volume informationnel massif. Les instances régionales recherchent à améliorer la qualité des services prodigués avec une emphase sur la cybersécurité. Cette volonté semble privilégier une prise en compte des solutions « privacy by design ». Les investissements ont été conséquents, environ 100M d’euros, avec un questionnement documenté sur l’usage des manuels numériques.

Mr GIRY a insisté sur l’enjeu d’homogénéisation des outils. Certains usages des données concrètes échappent au ministère selon la région. Un autre axe de travail est la formation des enseignants, où la stratégie devrait être adaptée aux propositions des services. Mr GIRY considère que les attaques sur les systèmes informatiques des lycées sont équivalentes à des attaques physiques.

La mesure d’urgence proposée par la région concernant les Edtechs serait une absence de géolocalisation ou un paramètre par défaut inaltérable pour les services qui le nécessitent. Il a également mentionné un Hub de données numériques.

Questions et remarques concernant le panel :

Le fondateur de Beneylu, ENT spécifique au premier degré, a tenu à rectifier la qualification « d’eldorado des données en el povrado des données », concernant les données scolaires. Il a insisté sur les normes auxquelles les acteurs français se soumettent et qui ne sont pas dans une recherche effrénée de profit. Le marché des Edtech françaises étant les abonnements et non la revente de données. Il a également attaqué l’optique de l’ONG Human Rights Watch qu’il a jugée culpabilisante.

Une question a été posée concernant l’interopérabilité européenne des Edtechs. Le ministère a répondu que les solutions étaient développées d’abord avec les standards français, avec une recherche d’harmonisation nationale en tête, mais qu’un alignement sur des standards européens serait l’étape suivante.

II - Apports des Edtechs à l’éducation : réalités et prospectives

Intervenants :

  • Georges-Etienne FAURE, Directeur du programme économie numérique au Secrétariat général pour l’investissement
  • Anne Charlotte MONNERET, Déléguée générale de l’association Edtech France
  • Béatrice PIRON, la Députée des Yvelines, membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
  • Jean-Yves HEPP, Président et fondateur de la société Unowhy

Mme MONNERET a commencé par faire un état des lieux de l’Edtech en France. Selon elle moins de 2% des entreprises Edtech vendent des données. L’écosystème économique est composé de 500 entreprises avec filière une Edtech jeune, les modèles économiques sont classiques pour moitié en « B to B ». Prés de 60% des entreprises ont un chiffre de moins de 500 000 euros. Les financements sont compliqués à obtenir, et la filiale se repose beaucoup sur le marché public. Les perspectives qui sont le plus étudiées en ce moment se concentreraient sur le suivi du niveau des élèves. Le fonctionnement des matériels numériques est lié à de nombreux facteurs, et pas simplement liés au simple usage de l’outil. Selon une étude présentée par Mme MONNERET, 60% des enseignants considèrent que le numérique impacte positivement leurs enseignements. Une perspective supplémentaire dans l’avenir serait l’inclusion des parents qui ouvrirait un marché à une éducation numérique à tous les niveaux. La séparation de compréhension de l’éducation numérique se fait entre socle de base et spécialisation, entre ceux qui ont un capital numérique conséquent en dehors des cours et les autres.

Selon l’association Edtech France les mesures d’urgence sur le numérique éducatif à adopter, sont d’une part la simplification de l’achat d’outils numériques par les enseignants et d’autre part une nécessité d’expérimentation coconstruite avec les enseignants. Mme MONNERET a proposé plus de test-beds à l’image des pays nordiques.

Mme PIRON a tenu à remercier les enseignants qui sont passés outre le refus du numérique afin de rendre possible la continuité de l’éducation. La crise sanitaire a selon elle forcé la main au corps enseignant. Elle a cependant relevé qu’il y avait eu une recherche de pluralité des solutions numériques. Les Brigades d'Interventions Numériques (BIN's) qui permettent de former tous les enseignants et les élèves, ils ont vocation à être généralisé. Les parlementaires chercheraient à unifier les ENT, avec une vision pour un Environnement National de Travail. Il est nécessaire selon Mme PIRON de simplifier le numérique pour les parents et les élèves. La position de la députée est que le risque de vente de données est « infime » par rapport à l’apport du numérique. Elle a également abondé dans le sens d’une individualisation des travaux qui est, selon elle, la voie à suivre. L’argument principal en faveur de cette évolution est l’inclusivité qu’elle représenterait pour les élèves. L’attachement de l’enseignant à sa liberté pédagogique est important mais ce dernier subit les politiques d’outils publiques. Il serait nécessaire de consulter les enseignants sur les choix d’outils. La députée PIRON a proposé la création d’un chèque Edtech qui laisserait un achat direct de matériel par l’enseignant pour ses élèves. Mme PIRON a rappelé que la place des parents est majeure et malheureusement ils ne comprennent pas toujours les usages du numérique de leurs enfants. Elle a émis la proposition d’une « école des parents », car les outils préinstallés ne se substituent pas à un contrôle vigilant de leur part. Il semblerait qu’un ‘Pix’ pour les parents soit prévu.

Selon la parlementaire la mesure d’urgence serait d’inciter les enseignants à s’approprier les outils du numérique.

Mr HEPP a souligné la particularité de la co-construction française. Pour illustrer son propos il a présenté son entreprise qui a été créé après un PIA. Unowhy, représente environ 27% de ‘parts de marché’, les solutions de la société sont utilisées par près d’un élève sur trois. Il a présenté son optique ‘française’ dans la construction de produit exclusivement pour l’éducation a contrario des outils généralistes. Selon lui le problème ne vient pas des mastodontes USA/Chinois, mais de la conception même du numérique éducatif en France. Mr HEPP a affirmé que le ‘Plan informatique pour tous’ est un fardeau pour les Edtech. Les appels d’offres ouverts aux GAFAM créé un déséquilibre structurel. Il a cependant concédé que la question des données personnelles a permis de s’orienter vers des structures proches et des clouds locaux. La spécialisation des produits Edtech français font que selon lui il n’y a pas d’exposition à la publicité, avec un audit des contenus avant de les intégrer. Il considère malgré tout que la formation au numérique pour les enseignants est lacunaire, en effet selon une étude, qu’il a présentée, seulement 29% d’entre eux se considèrent formés. La formation des enseignants est un enjeu majeur, et l’équipement devrait être encore plus pris en compte par les régions. Mr HEPP a déploré le fait qu’il n’y ait pas de stratégie globale de gestion de parc numérique. Il a également mis en avant le peu de partage des initiatives enseignantes au sein du milieu éducatif, qui représente malgré tout une communauté de 4% des salariés français. Mr HEPP a ensuite fait la promotion de ses propres initiatives comme la « SQOOL académie » qui permet d’apprendre les bases du numérique aux enseignants et la « SQOOL TV », une chaine de discussions sur « l’école de demain » retransmise sur YouTube et le bouquet Freebox.

Les mesures d’urgence sur le numérique éducatif suggérées par Mr HEPP seraient dans un premier temps de mettre en place un plan numérique enthousiasmant. Il envisage l’invention d’une éducation numérique européenne humaniste avec 3-4 acteurs européens majeurs et ambitieux pour mener cette vision. Il a présenté les deux voies actuelles dans ces termes : les USA avec les annonceurs qui sont au cœur du système d’un côté et la Chine où le gouvernement est au cœur du système de l’autre. La seconde mesure serait de former en urgence les enseignants de façon plus approfondie.

Questions et remarques concernant le panel :

Une personne a mentionné l’appropriation par les enseignants de ressources gratuites comme les logiciels libres ce à quoi les intervenants ont rétorqué qu’il n’y avait pas assez d’acteurs mais qu’aucune porte n’était fermée pour l’avenir.

Une question a été posé sur le nombre de régions qui équipaient leurs enseignants et apprenants en matériel numérique. La réponse factuelle des intervenants a été 13 mais ils ont été forcés de nuancer cet équipement en affirmant que la répartition du matériel était très disparate. Mme PIRON a également souligné que le numérique ne passait pas uniquement par les écrans.

Un enseignant présent dans le public est intervenu pour rappeler que dans la majorité des lycées c’est à un référent informatique volontaire au sein du corps enseignant de gérer le parc informatique. Il ne bénéficie que d’un abattement de 6h par semaine alors que ce travail nécessite une personne à plein temps.

La dernière question du panel était tournée vers l’importance grandissante accordée aux entreprises dans l’éducation numérique. Mme PIRON a parlé de travail collaboratif entre tous les acteurs à parts égales. Mr HEPP a à nouveau mentionné le concept de co-construction comme base de travail. Mme MONNERET a renvoyé le développement des Edtechs au développement des HealthTechs. En effet les outils de la médecine numérique n’ont pas été développés par des médecins mais en collaboration avec eux. De plus Mr FAURE a précisé que les éditeurs de manuels scolaires sont des acteurs privés qui ont accompagné l’éducation nationale depuis des décennies.

III- Pratiques numériques : passer de l’addiction à la raison :

Intervenants :

-        Villano QIRAZI, Directeur de la division des politiques éducatives du Conseil de l’Europe

-        Isabelle DUFRENE Directrice de l’école primaire des Marronniers de Meaux

-        Dorie BRUYAS, Directrice générale de « Super Demain » et « Fréquences écoles », également présidente de la MedNum

La citoyenneté numérique du Conseil de l’Europe est directement attachée à l’éducation au numérique. Mr QIRAZI a mis en avant la production de plusieurs instruments afin d’introduire cette notion aux enfants européens à l’image de la « recommandation du développement à la citoyenneté du numérique ». Le second document mentionné était un ensemble de lignes directrices pour les acteurs privés dans l’éducation. Le Conseil de l’Europe s’est interrogé sur l’apprentissage des savoirs véhiculé par l’école. Mr QIRAZI est revenu sur l’inégalité des capitaux culturels numériques qui varient fortement. Les parents européens ont à cœur des éléments factuels comme la protection des élèves contre le cyberharcèlement, et moins les notions qui leur semblent abstraites comme la citoyenneté numérique. Le représentant du conseil a émis une proposition de « fond de collaboration » des enseignants européen. Mr QIRAZI est cependant resté assez détaché du débat et s’est raccroché à une vision éloignée des réalités de l’éducation au numérique.

Mme DUFRENE a précisé que certains élèves de CP savent utiliser les outils du numérique là où des parents ont des lacunes qu’ils peuvent passer à leurs enfants. La directrice a mis en avant la demande d’équipement et de pédagogie. La pédagogie des projets est importante pour impliquer les élèves. Elle a pris l’exemple des plateformes de mise en corrélation entre classes européennes qui avait enthousiasmé ses élèves. Ainsi elle a mené un projet auprès d’élèves de 6-7 ans qui consistait à maintenir un lien avec des classes jumelées en Europe via des outils numériques.

L’usage de l’IA dans les classes enchante les élèves, ils essaient des applications.

Des programmes se sont lancé dans son établissement pour une sensibilisation aux réflexes sur les droits des données via des demandes d’autorisation papiers à transmettre à leurs parents. Ces gestes ont permis d’ancrer des démarches virtuelles dans le monde réel ce qui a permis à la fois aux enfants et aux parents de prendre conscience de certains de leurs gestes en ligne. Les ENT sont massivement utilisés par les élèves, mais quasiment pas par les parents. Le projet du « Future Classroom Lab », qui est le projet expliqué précédemment, a démontré que le bond en avant n’a été totalement pérenne. Un nombre conséquent d’enseignants ont reculé dans leurs usages du numérique post-crise Covid. Mme DUFRENE a insisté lourdement sur la nécessité de communiquer sur les outils ouverts à disposition des enseignants.

Mme BRUYAS est revenue sur l’appropriation des sujets numériques par les apprenants.

Les acteurs non économiques sont globaux, avec notamment de nombreuses associations en plus de l’Education nationale. Les Edtech ne sont pas forcément liés à l’éducation par le numérique, mais également à l’éducation au numérique. Cette éducation au numérique peut être conçue comme une mise à niveau individuelle via les outils numériques là où en parallèle il existe une éducation par le numérique devant faciliter l’utilisation des outils communs. Selon la représentante, c’est le manque de communication et de définition des termes qui empêche les coopérations entre acteurs. L’éducation étant l’antichambre de la société elle se doit d’être accessible à tous. La pratique personnelle du numérique des outils par les élèves, et les parents, est déconnectée des outils d’éducation numérique. Elle a mené une expérience en demandant comment You Tube gagnait son argent à des collégiens. La première réponse fut « les impôts ». Ils n’ont pas conscience que leurs données, et in extenso leurs comportements, puissent être des produits. Lors de leur prise de conscience il n’y a pas de changement d’habitude significatif. L’éducation au numérique est parasitée par l’éducation par le numérique. Dans un master MEEF il n’y a que 3% des 800 heures de formation qui sont allouées à l’éducation au numérique. De plus l’association a constaté un phénomène de panique morale chez les parents et les enseignants, qui mène à une éducation au numérique stérile. Il existe encore une éducation d’opposition entre le « bon » numérique et le « mauvais » numérique.

Questions et remarques concernant le panel :

La première question du panel était « Comment intégrer l’éducation au numérique dans les programmes ? » Les intervenantes de terrain ont suggéré de trouver des outils pédagogiques adaptés au contexte local d’apprentissage. Le frein majeur exprimé étant que certains enseignants ont peur de se lancer seuls et donc se refuse à employer des outils qui leur seraient plus adaptés que les outils généralistes proposés.

La question du temps nécessaire pour l’adaptation au numérique s’est imposé en fin de panel. Les intervenantes ont répondu qu’il était nécessaire de prendre en compte et de coordonner l’ensemble des acteurs tiers existants qui peuvent intervenir à différents niveaux.

La dimension internationale est évoquée par monsieur Borhene CHAKROUN, directeur des politiques et systèmes d’apprentissage tout au long de la vie à l’Unesco.

Dans son discours de clôture de M. CHAKROUN souligne l’étendue et le rôle du numérique dans la vie des personnes, particulièrement les enseignants, et le changement que cela entraîné dans la société. Le phénomène est massif, et redistribue les cartes afin d’établir des sociétés inclusives et équitables. Le tournant numérique ouvre de nouveaux horizons positifs pour le droit à l’éducation mais cela rend les apprenants plus vulnérables et sensibles à de nouveaux écueils.

Dans un premier temps, si les outils peuvent permettre plus d’inclusion, ils peuvent également creuser et renforcer la fracture numérique déjà bien visible. En effet tout le monde ne dispose pas d’une connexion suffisante, tout le monde ne dispose pas des mêmes accès ni des nouvelles compétences nécessaires pour ce changement. M. CHAKROUN précise que si les Edtechs permettent de personnaliser les apprentissages, de connecter les espaces d’apprentissage et d’appuyer le travail des enseignants, malheureusement, il y a aussi un risque de réduire l’autonomie professionnelle des enseignants et d’amoindrir la composante humaine pourtant essentielle à l’apprentissage des élèves. Le numérique implique de nouvelles qualifications pour les enseignants. Dans ce contexte l’intervenant pose la problématique des communautés d’enseignants et de leurs moyens pour travailler de concert.

Le directeur des politiques et des systèmes d’apprentissage à l’Unesco a expliqué que l’on conçoit à tort le travail des enseignants comme un travail solitaire, cependant il est important de les considérer comme faisant partie d’un écosystème. Enfin, l’objectif de sécurité des Edtechs peut mettre à mal vie privée des apprenants et des enseignants. La transparence des algorithmes est un moyen, parmi d’autres, de rétablir la confiance et renforcer la protection des données personnelles.

 

M. CHAKROUN a conclu son discours en soulignant la nécessité d’un meilleur encadrement légal à un niveau international. Il propose l’adoption par la majorité des Etats engagés en faveur de l’éducation du plus grand nombre de cadre légal similaire afin de coordonner les efforts déjà en place. Cette étape est, selon lui, essentielle pour le droit des personnes à disposer de leurs données : enseignants et élèves confondus.

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Dernière modification le jeudi, 23 mars 2023