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Michel Guillou, Observateur du numérique éducatif et des médias numériques et Anne Lehmans, Professeure à l’INSPÉ de l'académie de Bordeaux sont invités par Caroline Levacher à échanger sur les valeurs de la citoyenneté numérique lors du Printemps du numérique à l’atelier Canopé 47.

Qu’est-ce qu’un citoyen ?

Anne Lehmans pose en préalable la question : "C’est celui qui habite la cité, qui jouit de droits, qui a plus de droits que de devoirs et qui participe à une communauté politique. Il appartient à une communauté avec une institution pour le protéger, gérer les affaires communes, qui lui donne la possibilité d’être en accord ou en désaccord, dans les démocraties, ce qui peut différer de la situation du citoyen dans des régimes totalitaires. Se posent quelques questions bien entendu : Comment faire partie de la Cité ? Comment faire confiance ?"

Michel Guillou se dit engagé personnellement dans sa propre citoyenneté, comme citoyen associatif et qui essaie de garder une certaine distance pour exercer son esprit critique. Je suis citoyen, je m’engage, pour vivre les désaccords, pour apprendre l’un de l’autre, pour vivre ensemble.

Anne Lehmans cite John Dewey, (psychologue et philosophe américain  qui a également beaucoup écrit dans le domaine de la pédagogie qui fait référence en matière d'éducation nouvelle. Source Wikipédia) affirme qu’un citoyen est un enquêteur, qui pose des questions, et trouve les réponses avec les autres.

Et que fait le numérique pour cela ? Exacerbe-t-il les conflits ? Accroit-il la possibilité de résoudre les questions par plus de communications ? Plus d’échanges ? Plus d’engagements ?

Michel Guillou : Qu’appelle-t-on numérique ?

D’abord nommé sous les appellations « outils informatiques » outils multimédia, le substantif numérique  représente un mélange d’engagements, d’utilisations ; il est convenu de dire « outils numériques » pour les TV, applications, appareils photos, réseaux, téléphones…Il est utilisé pour l’économie, on parle des métiers du numérique…Mais y a-t-il aujourd’hui un seul métier sans numérique ? Peut-on s’en extraire ?

Pour les chercheurs, Jean -François Cerisier directeur du laboratoire TECHNE à Poitiers, pour Pascal Plantard, chercheur au CREAD à l’université de Rennes, pour Divina Frau-Meigs, professeur à l’université paris sorbonne nouvelle, la définition du numérique est très différente :

Le numérique est un fait global social dont il est le paysage. L’ensemble de nos gestes s’effectue dans un contexte numérique. Catherine Becchetti-Bizot parle d’un paradigme qui s’impose à l’école.

Tout a changé : Le numérique a modifié la manière de s’approprier les connaissances, l’économie, les médias, et bien entendu l’école.

Anne Lehmans :

Il s’agit bien d’un écosystème, une culture qui change l’entrée dans la lecture, dans l’écriture. Si on est dans un écosystème devons-nous l’accepter comme tel ? Irions-nous jusqu’à la suppression des livres ? Jacques Ellul, professeur d'histoire du droit, sociologue affirmait « la technique nous détériore » et parle de perte d’humanité. Dominique Wolton, notamment Directeur de recherche au CNRS en sciences de la communication affirme également que la communication par la technique pose problème (Dominique wolton : dix idées clés pour une » speed détox  Article 2017 »

Peut-on résister à la technique ?

Michel Guillou :

Pourquoi changer de posture ? Nous étions critiques de nos environnements avant ! Nous sommes des citoyens engagés, le numérique ne change rien ou pas grand-chose à nos manières de nous engager et de porter un regard critique sur ce qui nous entoure. Il est important de raison garder, de conserver une réflexion rationnelle.

Anne Lehmans évoque le rapport Bronner, « les lumières à l’ère numérique »

Le rapport de la commission Bronner intitulé "Les Lumières à l'ère numérique" a été publié le 11 janvier 2022. Il dresse un état des lieux de la désinformation sur les réseaux sociaux. Ce rapport présente une synthèse des "désordres informationnels" à l'ère numérique et des "perturbations de la vie démocratique" qu'ils engendrent.

Fausses nouvelles, théories complotistes... ces phénomènes existent depuis toujours mais sont amplifiés par le numérique. Comment renforcer la vigilance des citoyens sans limiter des valeurs essentielles comme la liberté d'expression, d'information et d'opinion ?

Les fakes news ont toujours existé, l’éducation critique renvoie à la responsabilité personnelle, mais ne perd-on pas la dimension sociale collective ? Un système politique est un système de valeurs qui ne relève pas seulement d’une dimension en psychologie cognitive.

Michel Guillou : Les nouvelles valeurs sont des leviers importants 

Le partage, le « co », coopération, co-construction et puis l’exercice de la liberté d’expression. Même si cela nous agace, il faut reconnaitre que chaque citoyen peut s’exprimer, personne ne le pouvait avant internet. On peut donc porter la contradiction, l’école d’ailleurs ne nous a pas appris à le faire…Les idées complotistes (Enquête diffusée ce mardi 22 mars à 21h sur la chaine W9 ) s’expriment dans des bulles, ne s’appuient pas sur des faits scientifiques qui eux, ne sont pas des opinions ou des croyances.

Anne Lehmans : Les tuyaux structurent l’information. Quel est le rôle de l’école ? Quelle culture de l’information développer ? Et puis quelles cultures ? Politique, technique, informatique ?

Michel Guillou : La culture est tout cela à la fois : et aussi culturelle, artistique, sportive. L’école doit apporter une culture en prise avec son temps.

Mais peut-on « enseigner » le numérique ?

Anne Lehmans :

Comment former les enseignants ? Comment amener les futurs enseignants à prendre conscience des questions, des opportunités, des limites et des contraintes ? Les formations sont centrées sur les disciplines qui n’ont pas pris en compte les dynamiques nouvelles. Les cloisonnements doivent disparaitre. Le numérique cependant décloisonne par des données ouvertes. Travailler ensemble devient alors une nécessité. Le numérique peut faire le lien dans le cadre de projets. Nous avons quelques blocages de culture. Peut-être faut-il observer des modèles ailleurs !

Et avons-nous confiance en nos institutions ?

François Dubet, sociologue : « Dans leur majorité, les jeunes expriment une perte de confiance envers les institutions, les médias, les hommes politiques, et parfois dans la démocratie. »

Michel Guillou :

La profusion nous contraint à nous construire des cercles de confiance. C’est ce qu’on observe dans les pratiques adolescentes.

Ces échanges sont le reflet des interrogations qui animent notre société et la difficulté d’enseigner.

En effet,  peut-on se satisfaire de voir les réflexes les plus anciens érigés en principes pour bâtir une société intégrant harmonieusement les nouveaux possibles ? Chacun peut créer son cercle de confiance et nous pouvons aussi nous éloigner les uns des autres.

Le doute qui crée peur, cynisme et violence inhibe l’action et crée le retour sur soi plutôt que la coopération, la solidarité, l’altruisme et le partage. Le spectacle du monde nous offre tout cela : cynisme et violences, coopération, solidarité, altruisme et partage.

L’éducation est un tel écosystème que chacun est concerné. Ces échanges prolongent la dynamique de coopération et de partage affirmée lors des premières interventions et les doutes ayant été posés, notre esprit critique étant stimulé, nous pouvons poursuivre nos réflexions lors la table ronde suit et qui donne la parole à divers acteurs de la communauté éducative.

(A suivre !)

Michelle Laurissergues

Dernière modification le jeudi, 26 septembre 2024
Laurissergues Michelle

Fondatrice et présidente d'honneur de l’An@é, co-fondatrice d'Educavox et responsable éditoriale.