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Dans le cadre d’une formation destinée aux élus et cadres territoriaux souhaitant actualiser leurs connaissances en matière d’ingénierie numérique, Ecoter proposait le 26 septembre 2018 de découvrir ce que l’Internet des objets pouvait apporter à la transformation numérique d’une ville pour en faire une Smart city.

Claire Hugonet photo

Claire Hugonet, ingénieur, présidente d’ACITI (Agence de Conseil en Innovation pour des Territoires intelligents), présentait les innovations dans ce domaine, à partir de l’étude des cas d’usages testés dans la ville de Limours, commune de 6700 habitants située à trente et un kilomètres au sud-ouest de Paris dans le département de l’Essonne en région Île-de-France.

La Smart city, c’est tout une histoire

La Smartcity est née d’un défi lancé par Bill Clinton en 2005 à John Chambers, président de Cisco dans le but de rendre les villes plus durables[1] : il s’agissait d’assurer la convergence de deux révolutions de la fin du 20ème siècle : l’urbanisation massive et l’explosion des TIC (objets connectés, BigData, modélisation 3D, intelligence artificielle).

En 2011, Cisco évaluait à 50 milliards le nombre d'objets connectés en 2020, soit un marché potentiel gigantesque qui entraina des investissements colossaux et des expérimentations partout dans les grandes villes du monde (Helsinki, Séoul, San Francisco, Buenos Aires, Nice…). Il s’agissait de rendre la ville beaucoup plus efficace et soutenable dans ses services en réduisant en même temps les coûts et l’impact environnemental (exemple de Barcelone, avec son concept de ville intelligente). De multiples applications furent testées, containers à ordures  stationnement, état des rues etc.

Le bilan des expérimentations fut mitigé, car financé par les fournisseurs de solutions selon une approche plus technophile que par les usages. On a négligé le coût et le retour sur investissement : ces solutions ne sont pas transposables à l'échelle des petits territoires. Or, les 30000 villes françaises de moins de 10000 habitants représentent 50,3% de la population.

Comment adapter le concept de Smartcity à l’échelle des petits territoires jusqu’alors laissés pour compte ?

Claire Hugonet s’est donc engagée dans cette recherche avec la ville de Limours autour de son Living Lab.

Pour mémoire, le Living Lab est une méthodologie où citoyens, habitants, usagers sont considérés comme des acteurs clés des processus de recherche et d'innovation. Ses objectifs sont de tester un maximum de cas d’usages de l’internet des objets répondant aux besoins de la commune et de ses habitants, en axant la priorité sur la supervision des équipements dont la commune a la charge.

Il est à noter que Le Living Lab fonctionne sur fonds propres afin d’éviter l'effet d'aubaine d'une grosse subvention. Ici aussi c’est un développement « soutenable » qui est visé.

Quelles sont aujourd’hui les perspectives pour les territoires périurbains et ruraux ?

Le concept de Smart city couvre énormément de domaines, mais il s’agit dans ce cas avant tout de rechercher et de mettre en œuvre des applications utiles en employant des objets connectés qui sont des capteurs communicants multiples et variés dont la fonction est de relever des informations qu'ils communiquent via un réseau de bas débit, sans fil (radio vers le cloud) ou via des réseaux filaires reliés en bout de chaîne à des interfaces de supervision. Le but est en fait d’améliorer la qualité des services urbain tout en réduisant les coûts.

  • L’arrivée massive des objets connectés pour des usages multiples

Suivi des consommations de fluides, supervision des places de parking, optimisation de la collecte des déchets, télégestion des éclairages publics, supervision d'équipements publics (bornes d'incendie de compétence communale), contrôle de la chaîne du froid en cantines scolaires, bornes de sondages connectés, mesure de la qualité de l'air, contrôle d'accès à des sites sensibles, maintien à domicile.

Objets connectés 1

  • Dans le domaine agricole aussi, les objets connectés sont présents:

contrôle des plantations, suivi des ruches, alerte inondation, contrôle de clôtures électrique, supervision des terres agricoles (hygrométrie de la terre), et même alerte au vêlage (un objet connecté est posé sur la queue de la vache !).

Objets connectés 2

On reste admiratif face à une telle profusion d’applications, cependant les collectivités se trouvent confrontées à la difficulté d’unifier tous ces protocoles, car sont souvent proposées des solutions selon des approches verticale par métier, chaque fournisseur ayant son protocole réseau avec une multiplication des antennes et passerelles pour remonter les données : sans mutualisation possible des équipements ni des coûts.

  • Les nouveaux réseaux LPWA (low-power wide-area)[2] ont apporté la solution.

La solution technique n’est pas négligeable, car ces liaisons sans fil à faible consommation énergétique permettent de faire fonctionner des équipements connectés ou des réseaux de capteurs de manière très fiable et à moindre coût.

Ces réseaux offrent une très longue portée avec une bonne pénétration extérieur/intérieur, ils sont peu coûteux et les batteries ont une longue durée de vie. Un réseau LoRa[3] fut donc déployé via le réseau national opéré par Objenious (Bouygues Télécom). A l’extrémité se trouve une plateforme mutualisée d’agrégation et de visualisation des données permettant à la commune d’avoir une vue globale sur les équipements dont elle a la charge via un unique point d’entrée et de donner une vue par utilisateur aux données qui les concernent.

  • La mise en place de ces réseaux est adaptée à tous les types de territoires :

urbain, périurbain ou rural, qu’il s’agisse de gérer un logement, un quartier, une ville, des EPCI ou communauté d'agglomération. Mais il est indispensable de mettre tous les  acteurs potentiels autour de la table afin d’assurer la cohésion et la pérennité du service.

Le modèle doit être bien adapté aux différentes collectivités, notamment pour l'interaction entre élus et gestionnaires chargés d'effectuer des choix et de prendre des décisions : le fait que l’interface soit visible sur téléphone mobile permet une réactivité immédiate.

La ville de Limours est aujourd’hui devenue la vitrine de la Smart city grâce à son Living Lab avec le réseau LoRa d'Objenious

Smart City

L’utilité des informations relevées est remarquable : qu’il s’agisse de surveiller la montée des eaux de la rivière (alerte inondations), de rechercher les causes d’une hyper consommation électrique dans un local municipal, de surveiller le maintien des personnes âgées à leur domicile via la régularité de leur consommation de fluides, de superviser les emplacements disponibles dans les parkings ou des zones de stationnement dangereux, les exemples sont nombreux.  

Aujourd’hui, les collectivités  ont obligation de contrôler dans les écoles la qualité de l'air dans les classes et de mettre en place des systèmes de prévention : on a alors installé des capteurs uniques  permettant de contrôler la température, l’hygrométrie, le CO2 (confinement de l’air) qui assurent une visibilité absolue sur la qualité des installations scolaires.

Les élus trouvent dans cette visibilité des résultats tangibles qui leur permettent d’adapter les décisions d’investissement ou d’entretien aux besoins et aux usages constatés, et ainsi de mieux gérer l’emploi des fonds publics et l’action des équipes municipales.

 

En outre Limours Smart City, offre un excellent exemple pour la citoyenneté numérique en donnant aux habitants une réelle visibilité sur leur consommation en les incitant à mieux la gérer, de façon à économiser l’énergie. Car, la meilleure énergie c'est celle qu'on ne consomme pas.

Il reste un autre sujet d’importance qui ne peut être traité complètement via les réseaux bas débits. C’est celui de la participation citoyenne qui est aussi un sujet très important dans la gouvernance de la Smart City. Il existe de nombreuses d’initiatives dans ce domaine, basées sur l’utilisation du numérique et des réseaux hauts débits. Il s’agit d’un autre domaine qui sera probablement analysé dans une prochaine conférence.

Michel Pérez


[1] « Pourquoi ne pas utiliser votre savoir faire technologique pour rendre les villes plus durables ? »

[2] Les liaisons sans fil à faible consommation énergétique (LPWA) sont de plus en plus utilisées afin de faire fonctionner des équipements connectés ou des réseaux de capteurs (Wikipedia).

[3] LoRaWAN est l'acronyme de Long Range Wide-area network que l'on peut traduire par « réseau étendu à longue portée ».

Pour en savoir plus sur LoRa : https://www.youtube.com/watch?v=hMOwbNUpDQA

Dernière modification le lundi, 25 novembre 2019
Pérez Michel

Président national de l'An@é de 2017 à 2022. Inspecteur général honoraire de l’éducation nationale (spécialiste en langues vivantes). Ancien conseiller Tice du recteur de Bordeaux, auteur de nombreux articles et rapports sur les usages pédagogiques du numérique et sur la place des outils numériques dans la politique éducative.