Certes, y réfléchir c’est essentiel; j’ai le grand privilège de pouvoir le faire dans le cadre de mon travail. Mais ce n’est pas suffisant. Il n’y a que dans l’action, collective, que cette école se fait autrement. Pas assez vite pour certains. Fausse route pour d’autres, nostalgiques et accrochés à l’école qu’ils ont connue petits.
On est témoin aujourd’hui d’innovations pédagogiques racontées de façon saisissante, de questionnement sur des pratiques devenues dépassées par leur temps ou en manque d’actualisation, de tentatives de mobilisation collective pour atténuer ce sentiment d’isolement professionnel et j’en passe. Surgissant de partout surtout quand ses antennes réseaux sont déployées…
En vrac :
Intention pédagogique avant toute action — espaces réinventés pour mieux apprendre — déploiement efficace de flotte de tablettes à l’école — finalités de l’éducation revues pour le monde d’aujourd’hui et de demain — pratiques évaluatives à revoir en profondeur — identité numérique (= identité tout court), pas seulement celle des jeunes, à construire — architecture de réseau numérique à l’école à la fois ouvert, performant ET sécuritaire — partenariats bidirectionnels fructueux entre l’école et sa communauté — instauration d’un état d’esprit ouvert à la croissance (growth mindset) chez TOUS les enseignants — chevauchement « à la diagramme de Venn » entre les pratiques en salle de classe et la recherche en éducation — gouverne éducative qui soutient (pas « gère ») fondamentalement l’accomplissement de chaque jeune — réorganisation du temps et des nouveaux rapports aux savoirs (Finlande anyone ?) — passer de labos créatifs (makerspaces) à école créative — valorisation et reconnaissance du développement professionnel du personnel éducatif —
Je pourrais continuer. L’école, ce n’est pas un système, c’est un écosystème.
En 2009, j’écrivais ceci :
Être capable de suivre ses passions, avec les habiletés que l’on a. Pour ce faire, et indépendamment de l’avenir, l’individu doit maîtriser les compétences suivantes :
- Savoir faire ce qui est bien de faire (avec éthique; pensée critique; avec des cibles; avec jugement; en prenant des décisions éclairées)
- Compléter ce qu’il y a à faire (planifier; résoudre les problèmes; auto-gérer et auto-évaluer; procéder en réiterant)
- Le faire avec d’autres (assumer du leadership; interagir avec d’autres, par le biais des technologies; interagir avec la technologie – i.e. programmation- ; interagir avec un public à l’échelle mondiale; interagir au-delà des différences culturelles)
- Être créatif en le faisant (savoir s’adapter; avoir une pensée créative; « bidouiller », « bardasser » – terme acadien – et faire des designs; essayer; trouver sa voie)
- Améliorer constamment ce qu’il y a à faire (réfléchir sur ce qu’on fait/a fait; être proactif; prendre des risques calculés/prudents; penser au long terme; améliorer constamment par l’apprentissage qu’on fait.)
Cela semble à priori des bases solides pour un curriculum actualisé, ciblé sur le jeune. Mais au fond, l’enseignant, la direction d’école, le conseiller, la direction générale, les gens de la gouverne, ce sont TOUS des apprenants. Ce référentiel est pour NOUS AUSSI.
Car voyez-vous le réel défi, à mon humble avis, est d’aller au-delà des innovations individuelles réalisées par des gens de grande qualités humaines et professionnelles mais qui sont trop souvent marginalisées, en isolement dans leur école. Ils réalisent avec leurs élèves quelque chose de cool, bravo ! oui, voire pédagogiquement exotique mais oups, là, la cloche sonne, ouvrez votre manuel à la page 52…
Il faut sortir de cette période d’îlots d’innovation et tendre, le plus rapidement possible à mon avis, vers ce que George Couros appelle une culture de l’innovation au sein de TOUTE la communauté éducative, qui inclut les parents et les partenaires de l’école.
En 1996, je disais que l’école, c’est comme un avion qu’il faut améliorer, mais qu’il faut changer les moteurs alors que l’avion est en vol. 1996 !! Ça fait 20 ans déjà. Où en sommes-nous ? Où sont les juridictions, les écoles, les territoires qui ont su actualiser leur école ? Commentaires bienvenus. Actualiser ne veut pas dire la fixer pour de bon, au contraire; tout change, tout le temps. On rame vers un phare, on s’y approche, mais le phare continue (et continuera) de reculer. Ce sera ainsi toujours.
Cette culture de l’innovation, Couros indique qu’elle peut émerger moyennant beaucoup de leadership, en particulier dans les actions suivantes :
- Cesser ce constat que « nul n’est prophète dans son pays » en devenant imputable envers tous et chacun. Voudriez-vous être un élève dans VOTRE classe ? Si non, qu’en faites-vous. L’imputabilité professionnelle, la vraie, celle qui soutient l’innovation, n’est pas verticale mais horizontale. S’épauler l’un et l’autre pour chacun devienne encore meilleur…
- Savoir poser les questions difficiles et débattre d’enjeux réels, avec savoir-faire et respect. C’est une forme de modelage, au fond. Il faut savoir aborder des questions difficiles avec en toile de fond la considération de « ce qui est meilleur pour l’enfant/le jeune ».
- Il faut examiner son environnement scolaire immédiat avec un regard neuf. Pour avoir visité de nombreuses écoles au fil des ans, laissez-moi vous dire qu’il ne suffit que 5 minutes à l’intérieur pour y dégager une appréciation assez juste de son esprit, de sa culture. Cela transcende les murs peint et les casiers propres ! Vous allez toujours recevoir des visiteurs qui viennent chez vous pour une première fois.
- Il importe que chaque enseignant soit un « enseignant de l’école », pas juste « l’enseignant de sa classe ». Majeur. Vital.
Would there not be a significant increase in the environment of schools if each individual took ownership over the success of the community as a whole? Impact one other teacher in your school, and you impact probably a minimum of twenty students (that year only). When it is “our school”, the influence we have on one another, is more powerful than the influence of one administrator.
Maryus Bourgeois parle de leadership pédagogique, un leadership par le milieu qui s’exerce à tous les niveaux. John C. Maxwell décrit 5 niveaux de leadership. J’aimerais en ajouter un 6e : lorsque le/la leader ne sera plus à l’école, les gens continueront quand même.
Une école, c’est complexe. Et Chaque école école a sa culture dominante. Laquelle voulez-vous pour VOTRE école ? Pour VOS enfants ? Pour le monde dans le quel on vit ?
Trop facile à terminer ainsi, mais je le dis quand même : soyez le changement que vous voulez voir, disait l’autre…
https://zecool.com/2016/11/15/culture-pour-une-complexite-et-complexite-pour-une-culture/
Jacques Cool
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