Une présentation optimale de l’exercice de recherche d’information pour une réussite facilitée
En plus de connaissances préalables nécessaires, une réflexion sur la manière dont les exercices scolaires de recherche d’information doivent être présentés est cruciale pour améliorer les performances des élèves.
La formulation des questions
Il s’agit d’être au clair sur le type de questions que l’on pose aux élèves : est-ce que c’est une question spécifique nécessitant de localiser un fait précis dans le texte (par exemple : « En quelle année a été couronné Clovis ? ») ou une question plus générale ou de comparaison nécessitant d’intégrer des informations provenant de plusieurs paragraphes ou documents (par exemple : « Quelle race de chien a la mâchoire la plus puissante ? ») ?
En effet, ces 2 types de questions ne font pas appel au même niveau de ressources cognitives et ne s’appuient pas sur les mêmes stratégies de recherche.
Les questions dites « de comparaison » sont ainsi plus complexes et plus coûteuses cognitivement pour les élèves (Potocki, à paraître ; Rouet, 2003). En effet, des élèves de CM2 donnent peu de bonnes réponses (50 %) aux questions de comparaison et éprouvent des difficultés à garder la question en tête tout au long de l’exercice (Potocki, à paraître). Cette difficulté supplémentaire est également retrouvée chez des étudiants universitaires qui répondent moins bien et cherchent plus longtemps lorsque la question est générale (Rouet, 2003). L’enseignant doit donc faire attention aux efforts qu’implique le type de question posée et adapter la forme de l’exercice en conséquence (accompagnement par l’enseignant, temps imparti pour réaliser la tâche, outil d’aide mis à disposition de l’élève, etc.).
L’accompagnement par l’enseignant
Pour réussir sa tâche, l’élève doit être guidé de manière à ce que lui soit clairement explicitée la nécessité de rechercher de l’information pour répondre à la question.
Une étude de Dreher et Sammons (1994), travaillant sur l’influence du type de tâche sur les performances de recherche d’information dans un document papier chez 59 élèves de CM2 avec de bonnes capacités de compréhension, peut être ici éclairante. Ils devaient chercher des informations pour répondre à 3 questions sur un sujet familier. Un groupe est guidé pour réaliser cette tâche et l’autre non. Ces résultats avaient alors mis en évidence l’effet facilitateur des questions guidantes avant et pendant la recherche d’information.
En effet, les élèves dans cette condition utilisent de meilleures stratégies, par exemple en utilisant l’index pour localiser des mots clés précis. Or, dans cette expérience, peu d’enfants n’ayant pas utilisé l’index réussissent la tâche. De plus, les résultats d’une étude de Cataldo et Cornoldi (1998) ont montré que les performances en recherche d’information des élèves avec un faible niveau de compréhension écrite s’améliorent lorsqu’on leur demande explicitement de chercher l’information dans le texte. Ainsi, les auteurs en déduisent que leurs difficultés sont plus dues à un déficit d’utilisation de stratégies efficaces (métacognition) qu’à une incapacité intrinsèque à chercher une information pertinente dans un texte. Plus récemment, Carretti, Caldarola, Tencati et Cornoldi (2014) ont développé un programme d’entraînement des compétences métacognitives et ont formé des enseignants à sa mise en œuvre.
45 élèves de CM1 et de CM2 ont pris part à ce programme comprenant 22 séances d’une heure à raison de 2 séances par semaine (le groupe expérimental). Pendant ces séances, les élèves étaient sensibilisés au fait que chaque activité de lecture répond à des objectifs différents (lire pour apprendre, pour se distraire, pour répondre à une question…) et qu’ils doivent adapter leurs comportements et stratégies de lecture en conséquence.
Ils expérimentaient cela au travers d’exercices sur des documents imprimés (un ou plusieurs textes, avec ou sans images) durant lesquels on leur demandait également d’évaluer leur niveau de compréhension et de réfléchir sur les stratégies adaptées ainsi que sur l’importance des titres pour préjuger du contenu d’un texte. Un autre groupe de 57 élèves de CM1 et CM2 réalisait des activités sans lien avec les compétences métacognitives durant 22 séances (le groupe contrôle). Les expérimentateurs mesuraient le niveau de compréhension des élèves des 2 groupes, avant et après les 22 séances, en leur demandant de lire un texte et de répondre à des questions dessus.
A l’issue de ces 22 séances, seuls les élèves du groupe expérimental ont amélioré leurs performances de compréhension. Ces résultats confirment donc le rôle des compétences métacognitives sur le niveau de compréhension d’un texte mais attestent surtout de l’importance de la capacité à adapter ses comportements de lecture de manière stratégique en fonction de l’objectif fixé.
Un outil pédagogique en support d’une recherche d’information sur internet efficace : la « CyberEnquête »
En plus d’un apprentissage préalable et nécessaire des connaissances métatextuelles, métacognitives et des sources des informations disponibles (cf. article 2) ainsi que d’une présentation et d’un accompagnement optimal de la tâche de recherche d’information, des outils pour soutenir les élèves spécifiquement lors de leur navigation sur internet existent.
Dans la littérature scientifique portant sur la pédagogie de la recherche d’information sur internet, un des outils qui est le plus régulièrement cité est le WebQuest, que l’on peut traduire par « Enquête sur le web » ou par « CyberEnquête ».
Inventé par Bernie Dodge en 1995, il a pour but de créer une situation d’apprentissage, la plupart du temps collaborative, dans laquelle les élèves doivent mener une enquête, c’est-à-dire chercher des informations à partir de sites web présélectionnés par l’enseignant pour répondre à une question posée (Boubée & Tricot, 2010). Cet outil permet de guider la recherche (identification explicite des buts de la recherche, demande de réponse élaborée) et d’aider la compréhension profonde (réflexion, comparaison, évaluation critique des informations), ce qui en fait donc un outil intéressant à exploiter pour les enseignants (Coiro, 2003).
D’après la revue de littérature de Abbitt et Ophus (2008), les résultats des études ne permettent pas d’affirmer un effet direct de la « CyberEnquête » sur l’amélioration des performances en recherche d’information, comparativement aux méthodes académiques traditionnelles comme la création individuelle de poster (Strickland, 2005) ou la prise de notes sur une lecture de l’enseignant, le visionnage de vidéos, la discussion sur un sujet donné (Gaskill, McNulty & Brooks, 2006).
Cependant, un effet positif sur les compétences de collaboration et sur l’attitude des apprenants est démontré. Ainsi, d’après les réponses qualitatives des élèves, l’utilisation des WebQuests introduit, chez la majorité (71 % au primaire d’après Halat, 2013), un aspect motivationnel lors des tâches de recherche d’information sur internet. Les élèves de primaire et de collège déclarent s’amuser et apprendre davantage lorsqu’ils utilisent les WebQuests et apprécient notamment les photos et les images qui y sont intégrées (Halat, 2013 ; Lipscom, 2003). La motivation étant unanimement reconnue dans la communauté scientifique comme un facteur facilitateur de bonnes performances d’apprentissage, l’intégration de WebQuests dans les pratiques pédagogiques semble donc intéressante.
Conclusion
Cette série de 3 articles a permis d’expliciter la difficulté spécifique que représente l’activité de recherche d’information, qui plus est sur internet (cf. article 1), de proposer quelques pistes de pratiques pédagogiques afin de faciliter l’apprentissage préalable des compétences nécessaires (cf. article 2 ) et, enfin, avec ce dernier article, de mettre en garde sur l’importance d’une présentation réfléchie de l’exercice ainsi que de présenter un outil d’aide pour une recherche d’information plus efficace.
Toutes les recommandations évoquées dans ces 3 articles sont à prendre en compte dans leur globalité et à combiner pour essayer d’amener les élèves à devenir des lecteurs stratégiques et efficaces.
Julie Ayroles, doctorante en Psychologie cognitive, CeRCA et Réseau Canopé