L’auteur a organisé son parcours en quatre étapes.
Une première partie intitulée « Les dynamiques essentielles » montre bien comment la question de l’orientation est reliée à toutes les fonctions du système, la scolarisation, les inégalités, la relation formation-emploi-insertion, le genre, mais aussi les grandes représentations et les paradigmes qui organisent notre pensée du système, mais aussi son fonctionnement.
Une deuxième partie porte sur l’aide à l’orientation sous ses aspects psychologiques et pédagogiques. Un premier chapitre porte sur l’organisation avec un rappel historique de cette spécificité française. Le deuxième chapitre s’intéresse aux méthodes et outils. Il est présenté également selon un ordre historique. Cette partie montre bien les continuités, mais aussi les ruptures dans les modes organisationnels, humains, techniques et même idéologiques ainsi que l’hétérogénéité des manières de traiter de l’orientation.
La troisième partie porte sur les aspects juridiques et administratifs et s’appuie en particulier sur mon livre[3] pour ce qui concerne la chronologie de l’élaboration des procédures d’orientation.
Enfin la quatrième partie réfléchie sur les chantiers en cours, l’enseignement supérieur, l’orientation tout au long de la vie, et les enjeux sociétaux..
Les trois premiers chapitres forment un panorama conséquent et passionnant des thématiques en les abordant tant sur un plan historique que contemporain. Dominique Odry propose quelques anecdotes vécues qui éclairent bien les difficultés, les contradictions, les conflits auxquels sont confrontés les acteurs sur le terrain.
Proposons quelques remarques sur la quatrième partie.
L’enseignement supérieur
Nouvelle préoccupation de l’État qui avec la loi ORE de 2018 a tranché sans le dire dans un vieux tabou, celui de la sélection à l’entrée à l’Université. Dorénavant tous les organismes de formation supérieure sont autorisés à pratiquer des choix concernant leurs entrants. Jusque-là, pour l’Université, une forme de sélection par les notes était de fait gérée par l’État lui-même au travers du dispositif APB. La grande différence avec Parcoursup porte sur le fait que désormais chaque Université définit ses critères et gère son algorithme d’admission.
Deux regrets sur cette partie. L’auteur n’insiste pas sur la modification de l’offre de formation supérieure, dans laquelle l’Université perd de son importance quantitative, ce qui a des conséquences sur les inégalités sociales et le poids financier pour les familles. Par ailleurs si l’intérêt pour l’orientation s’est maintenant déplacé et porte sur l’articulation lycée-enseignement supérieur, il ne faut pas oublier le triage toujours opérationnel en fin de collège.
L’orientation tout au long de la vie
Ce thème est très important à mon sens, car il rassemble bien des interrogations concernant l’orientation. D’abord l’auteur rappelle les différentes lois qui se sont succédées et comment elles mettent en œuvre la politique européenne qui a défini ce champ depuis vingt ans. On y voit également se mêler les deux préoccupations directrices de l’orientation : le développement, des capacités productrices en Europe relevant de l’économie, mais aussi une volonté philosophique, culturelle, d’assurer le développement personnel de chaque citoyen.
Orientation scolaire et enjeux sociétaux
« l’orientation n’est plus seulement assimilable à un parcours devant correspondre à un projet précis, mais concerne également les choix qui prévalent à l’organisation même du système éducatif, et aux valeurs auxquelles est référée cette organisation. » (p. 272)
Et l’auteur propose deux exemples. Tout d’abord la lutte contre le décrochage scolaire qui s’est particulièrement développée depuis le début des années 2000. Mais il insiste surtout sur l’enseignement spécialisé, qui fut une caractéristique très importante de l’organisation de notre système. Rappelons que l’invention du test d’intelligence de Binet-Simon répondait à une demande du ministère pour fonder la distinction entre les élèves relevant de l’instruction normale, et les « anormaux ». Depuis quelques années, c’est l’inclusion qui avance, réduisant petit à petit, mais pas sans difficultés, le champ de l’enseignement ex-spécialisé.
Un regret tout de même : la réorganisation du système en rapport avec de nouvelles conceptions d’orientation s’arrête toujours aux portes du collège soi-disant unique, et ayant soi-disant l’objectif de faire acquérir à tous les élèves le socle.
Comme l’écrit Dominique Odry en conclusion:
« Si l’orientation scolaire est d’abord perçue comme la possibilité de réaliser pour un jeune le projet dans lequel il s’épanouira, il ne faut pas oublier que son cheminement ne peut se faire qu’en empruntant des chemins qu’on ne peut comprendre sans la prise en compte de l’histoire de l’éducation (y compris dans son rapport avec le social et l’économique) et celle de la question du choix des politiques publiques. » (p. 280) Et comme l’a fait l’auteur dans son livre, on doit y associer également l’évolution des outils et des techniques.
Ce livre est une vision à 360 degrés des questions de l’orientation scolaire en France. Je vous en souhaite une lecture pertinente et enrichissante.
Bernard Desclaux
[1] Dominique Odry, L’évaluation dans le système éducatif. Ce que vaut notre enseignement, ed Margada, 2020. J’en ai fait une recension sur ce blog : L’évaluation un analyseur de système, http://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2020/09/03/levaluation-un-analyseur-de-systeme/
[2] Dominique Odry, L’orientation dans le système éducatif, Histoire, logiques et enjeux, Ed Margada, 2021
[3] Bernard Desclaux, Orientation scolaire : les procédures mises en examen. Quel débat dans une société démocratique ? L’Harmattan, 2020.
Dernière modification le samedi, 10 septembre 2022