fil-educavox-color1

Une école, service public, est un lieu à la disposition de tous, mais que tous ont l’obligation de financer et le choix d’utiliser quand bon leur semble. Elle ne se limite plus à l’école obligatoire, elle peut être envisagée tout au long de la vie.

1. Repenser les programmes hors du cadre disciplinaire actuel

Il s’agit de sortir des habitudes, et notamment du corporatisme disciplinaire, pour se demander quels sont les savoirs vraiment « porteurs » pour un jeune, afin de lui permettre de comprendre et de vivre dans une société en mutation ?

D’évidence, apprendre à écrire reste un objectif prioritaire, mais pas en se limitant à la seule rédaction. Faire un rapport, réaliser une note, établir une synthèse, savoir prendre des notes, écrire un article, développer un argumentaire ou une intrigue sont autant de passages obligés.

Dans le même temps, apprendre à parler, à argumenter, à prendre du recul, à être critique, à être curieux, à avoir une bonne estime de soi et à entreprendre sont tout autant indispensables. Au-delà de ces bases inévitables, le jeune reste tout autant illettré de nos jours s’il n’a pas appris à rechercher, trier et à critiquer l’information, y compris visuelle, s’il ne s’approprie pas un optimum de savoirs sur le droit - ne vit-on pas dans une société de droit-, sur l’économie ou sur l’éthique.

Pourquoi attendre la terminale pour commencer la philosophie ? Désormais, il faut comprendre l’autre différent, gérer des conflits, changer son regard sur le monde, pourquoi l’anthropologie n’est-elle pas présente ? 9 enfants sur 10 habitent la ville, pourquoi n’apprennent-ils pas les bases de l’urbanisme pour lire leur cité ?

De même, pourquoi la sociologie, la psychologie, l’analyse des institutions, l’histoire des idées ne sont-elles toujours pas ycompris au programme des lycées ?

Tous ces savoirs sont tous indispensables pour comprendre notre époque, au même titre que la culture des techniques ou de la production industrielle, toujours dévalorisée, méprisée, alors que les objets et la consommation envahissent nos vies.

Pouvoir les décoder intelligemment, en repérer les usages et les limites font partie du bagage de base... Toutefois, tout n’est plus que contenus et contenu disciplinaire ; des savoirs transdisciplinaires sont à introduire, des savoirs organisateurs sont à définir pour éviter l’émiettement des connaissances.

Les démarches, comme l’analyse systémique, la pragmatique, la modélisation sont des outils tout autant nécessaires pour décoder un monde complexe et incertain.

Et pourquoi pas renouveler la rhétorique, tant il est important de communiquer et de convaincre. Enfin l’apprendre à apprendre, pourquoi n’est-il pas non plus au programme ?

2. Penser l’apprendre

Mais la question des programmes n’est pas la seule grande question à traiter dans une réforme de l’école. La question de l’apprendre est tout autant dramatique.

Tout n’est pas affaire d’heures de cours, contrairement aux discussions en cours.

L’institution scolaire demeure une institution des moyens, et non pas des résultats !

Que de temps perdu dans les classes ! Parfois dans une heure de cours, seules 10 minutes restent efficaces ; le reste est passé en organisation ou pour faire de la discipline.

Ensuite que de temps gâchés parce que les élèves attendent passifs que l’enseignant commence à enseigner.

La manière de transmettre et l’organisation de l’école sont à (re)penser.

Ce n’est pas quand le professeur dit ou montre que l’élève apprend. Bien au contraire, cette pratique quand elle devient permanente démotive ou inhibe l’élève ; il apprend à « consommer » des notions. Sans questionnement, sans repères, rien ne fait sens pour lui ; cette méthode unique lui enlève même le désir d’apprendre et le goût pour les études.

Le recours à l’activité (projet, défi, intrigue, travaux de groupe,..) paraît certes à introduire.Seul l’élève peut apprendre ; lorsqu’on ne prend pas en compte leurs conceptions en classe, celles-ci persistent et même peuvent se renforcer. Sans freiner l’enthousiasme des innovateurs, il importe cependant de prendre conscience que les pédagogies dites « de la construction » ont également de grandes limites ; surtout qu’une dérive existe : on confond souvent activité et apprentissage.

Apprendre implique que l’élève ne soit pas seulement « actif » (avec ses mains ou ses pieds), il doit être d’abord « auteur » (avec sa tête) !

Il lui faut tout à la fois élaborer un nouveau savoir et en même temps, déconstruire celui qu’il maîtrisait déjà. Il apparaît certes important de partir des élèves (ce qu’ils sont, ce qu’ils savent, ce qu’ils croient savoir, ce qu’ils ignorent). Toutefois, partir des élèves ne veut pas dire y rester !.. Beaucoup d’autodidaxie est à injecter à l’école. Ce qui ne veut pas dire que l’enseignant doit disparaître. Beaucoup reste à faire à ce niveau...

Apprendre est un processus complexe et paradoxal ; croire qu’il existerait une seule et « bonne » méthode est trop réducteur, l’enseignant doit pouvoir jongler avec plusieurs. Toutefois, un environnement didactique complexe mis à sa disposition par l’enseignant ou l’équipe d’enseignants est mieux à même de pouvoir motiver l’élève, l’interpeller, le nourrir et l’accompagner.

3. Faire évoluer le métier d’enseignant

A terme, la fonction du professeur devient plus celle d’un éveilleur, d’un repère, d’un confident, d’une sage-femme, d’un metteur en scène des savoirs que celle d’un transmetteur d’informations. Sur ce dernier plan, d’autres médias (DVD, Livre, document, Internet,..) sont bientôt plus pertinents, dans lesquels les enseignants auront sûrement un rôle d’élaboration et de critique. Le métier va fortement changer dans les prochaines années, la profession doit s’y préparer sous peine de disparaître !

4. Ne plus limiter l’école à l’école obligatoire...

André Giordan, Professeur Laboratoire de Didactique et Epistémologie des Sciences, Directeur Université de Genève

Courrier électronique <Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. style="margin: 0px; padding: 0px; border: 0px;">Site Web LDES : http://www.ldes.unige.ch Site personnel :http://www.andregiordan.com/<Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.">/Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.>

Dernière modification le jeudi, 21 mai 2015
Giordan André

André Giordan est le fondateur et directeur du Laboratoire de Didactique et Épistémologie des Sciences de Genève. Ancien instituteur, professeur de collège, animateur de banlieue, il  est l’auteur d’un nouveau modèle de l’apprendre (modèle d’apprentissage allostérique) et l’initiateur de nombreuses innovations scolaires, muséologiques et médiatiques.