1) Le « quiz » : questionner pour former
La question peut en effet être considérée comme l’outil de base de l’interaction pédagogique. Les enseignants utilisent par exemple les QCM, et de manière plus large les questions comme outils de diagnostic, de formation ou d’évaluation.
D’une séance sur l’autre, il est aisé de mettre en ligne un quiz de 5 questions sur les points clés à connaitre lorsque l’on demande de « réviser tel chapitre ! ». De nos jours des outils comme Socrativeou google-formulaire permettent de faire cela simplement et gratuitement, d’archiver et de réutiliser les quiz d’une session à l’autre.
Les résultats obtenus permettent de constituer 3 groupes lors du cours suivant :
o Les non répondants (quiz non réalisé volontairement ou involontairement)
o Les répondants avec erreurs (apprentissage partiel)
o Les répondants avec maitrise (niveau atteint)
Les étudiants qui ont réussi vont assister ceux qui ont fait des erreurs. Ils doivent s’interroger mutuellement pour parvenir aux bons résultats. Quant à moi, je vais pouvoir me concentrer sur la remédiation avec les étudiants qui n’ont pas voulu ou pu faire le travail ainsi que me consacrer aux difficultés particulières.
En cours, j’utilise aussi un système de questionnement qui implique tout le monde au lieu de ne faire réfléchir et travailler que l’élève questionné. Il suffit pour cela de poser la question à la classe en laissant un temps de réflexion et d’échange en binôme. Ensuite j’interroge un élève au hasard. Ce protocole, pour être efficace, doit être expliqué à la classe avant de poser les questions de cette manière[1].
2) Le « non-travail » : questionner pour s’intéresser
Lorsque nous questionnons nos étudiants sur leur « non-travail », les réponses fournies sont parfois surprenantes mais aussi souvent légitimes, voici les principales :
o Problème matériel (internet, ordinateur, transports, finances, autres…)
o Indisponibilité physique ou intellectuelle (maladie, urgence, soucis familiaux ou amoureux…)
o Priorisation du travail (autre devoir à rendre ou tache plus importante)
o Travail salarié pour subsister
o Manque d’intérêt pour la tâche, manque de sens…
o Abandon
Le facteur humain doit être pris en compte, car nos étudiants ne sont pas des « machines à apprendre ». Il m’est arrivé à plusieurs reprises de pouvoir débloquer une situation d’échec ou d’abandon en posant des questions et en m’intéressant à la vie d’un étudiant. Il suffit d’un peu d’intérêt de la part de l’enseignant pour qu’un étudiant en difficulté vienne ensuite spontanément lui faire part de ses soucis, et reprenne le chemin des études.
Cependant, la taille des groupes ne permet pas de passer du temps avec l’ensemble des apprenants et le scénario vu plus haut (ou tout scénario de classe inversée par exemple) permet, de temps en temps, de mieux partager son temps en classe.
Avant d’aborder la question pour évaluer, intéressons-nous à l’évaluation elle-même.
3) « Pourquoi évaluons-nous ? »
L’évaluation fait partie de notre société, à tous les niveaux et dans tous les domaines, que ce soit en entreprise par exemple (pour déterminer la qualité d’une production, d’un collaborateur, d’un service ou de l’entreprise), dans notre vie personnelle ou bien dans l’éducation. Selon Bloom[2], Il s’agit d’une étape de haut niveau d’un processus d’acquisition de compétences constitué ainsi :
o Connaissance
o Compréhension
o Application
o Analyse, évaluation, synthèse
Cette étape permet de « boucler » le processus par une rétroaction conduisant à reformuler les connaissances, pour les assimiler et les appliquer d’une manière plus satisfaisante jusqu’à ce que l’évaluation soit à la hauteur de nos attentes…
L’évaluation, de même que l’erreur[3] est capitale dans le processus d’apprentissage. En effet elle permet de positionner le sujet évalué sur une échelle de progression et de savoir ainsi ce qu’il reste à faire pour arriver au but ; ce que les Américains appellent le « who needs to be taught what next » !
L’évaluation est un processus couteux en temps et difficile à mettre en œuvre, du moins avec une visée de précision et de reproductibilité. Tant que l’évaluation porte sur l’humain, une dose plus importante de subjectivité est à attendre concernant le résultat. Tout enseignant doit donc accepter l’imperfection de son système de mesure de la progression, donc l’imprécision de son système de notation, sans parler de favoritisme, préférence de genre, discrimination, fatigue, surcharge de corrections, problèmes personnels... Il ne s’agit pas de capituler, mais d’être conscient de nos faiblesses et de travailler à en minimiser l’impact sur nos évaluations.
4) « Quand évaluons nous ? » : Types d’évaluations et temporalité
Les enseignants ont besoin d’évaluer en 3 temps :
o Avant ou au début d’un cours : « Evaluation diagnostique » pour vérifier la présence des connaissances nécessaires à la poursuite du cours. En général les questions portent surtout sur les connaissances nécessaires à la poursuite du cours (voir paragraphe 1).
o Pendant le cours : « Evaluation formative » pour valider au fil de l’eau les connaissances acquises par le groupe. Les questions posées permettent de valider la progression. Leur niveau doit être calibré et progressif. En effet, Il est tentant d’utiliser des questions d’évaluations terminales durant le cours, mais elles sont souvent d’un niveau difficile. Une reformulation à minima est importante.
o Après le cours : « Evaluation sommative » pour tester l’ensemble des connaissances acquises et apporter une note. Si ce test de fin est réussi, le cours est terminé. Sinon cette évaluation peut déclencher un cours de rattrapage. La question en évaluation sommative doit utiliser le vocabulaire utilisé en cours ainsi que les notions conceptuelles étudiées et correspondant au référentiel de formation. Une évaluation doit être conçue pour fournir un 20/20 si le contenu est du niveau attendu et juste ! pas évident pour tous les enseignants…
Il est à noter qu’il existe d’autres formes d’évaluation comme l’auto-évaluation, l’évaluation par les pairs, la co-évaluation (par l’enseignant et par les pairs) qui peuvent être utilisées à tout moment. Apprendre à se poser des questions ou à poser des questions à son binôme est très formateur pour l’apprenant. Nos situations d’apprentissages doivent donc proposer des activités à ce sujet.
5) Comment questionner ?
Poser une bonne question est une démarche difficile. La question doit être si possible personnalisée à l’élève (niveau de compréhension, problématique) et avec un objectif clair et cohérent (référentiel, tutorat administratif, motivationnel, organisationnel…). Des méthodes existent sur le net[4], le plus important pour ma part étant de faire preuve d’empathie. La question doit donc être posée si possible dans l’intérêt de l’élève et pas simplement pour satisfaire un scénario préétabli par l’enseignant.
La question est souvent égoïste et impatiente : « j’ai un besoin d’information et je dois le satisfaire ! ».
Mais,« Etre prof, c’est donner, pas prendre ! » me disait une collègue de Français.
Pour l’enseignant, il s’agira plutôt de se mettre au service de la compréhension d’autrui et de construire des questions qui déclencheront un processus de réflexion ou d’ancrage mémoriel. Mais pour cela, nous devons prendre le temps de poser des questions…
Avec l’essor du numérique en éducation, les capacités de communication nous permettent désormais d’être en contact permanent, synchrone ou asynchrone avec nos apprenants. Il est donc techniquement facile d’instaurer des liens de tutorat davantage individualisés. La difficulté est davantage de qualifier et quantifier les temps d’apprentissage, ainsi que la réussite et les difficultés rencontrées.
Il s’agit donc de « poser les bonnes questions ! »
Dernière modification le vendredi, 03 octobre 2014