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Dans un contexte de discussion entre enseignants au collège, certaines reparties au sujet du " plaisir d’enseigner ", ainsi que celles traitant des définitions sur la chose se réduisent trop souvent à un assemblage de conclusions et de réponses ordinaires et officielles. Des conclusions et des réponses, qui sont souvent le fruit des usages courants et communs généralement en vigueur dans notre merveilleux monde de l’éducation.

 

Il s’agira par exemple d’énoncés et de réponses tournant autour de la thématique " aimer son travail ", de faire classe en étant positif et en ayant un humeur agréable, d’aborder sa profession comme étant une vocation, d’avoir la chance de faire une profession qui est gratifiante, d’avoir un influence sur le future de jeunes adultes ; sont autant d'assertions communes sur ce plaisir d’enseigner que le serait de prétendre que les enseignants, comme tous autres acteurs professionnels de ce monde, doivent aimer faire ce qu’ils font. Mais l’expression " plaisir d’enseigner " va beaucoup plus loin que le lien évident la reliant au plaisir de faire cette profession qu’est l’enseignement.
 
Plaisir d'apprendre/Plaisir d'enseigner ?
 
De plus, nous pourrions nous demander s’il existe une corrélation entre le plaisir d’apprendre des étudiants et le plaisir d’enseigner de l’enseignant ? Et ma réponse est que cette interrelation est même inductive ; que le plaisir d’enseigner est un carburant essentiel et obligatoire au plaisir d’apprendre. Que ce plaisir d’apprendre de l’élève passe, entre autres choses et ce n’est pas la seule, par une reconnaissance rapide du plaisir d’enseigner chez l’enseignant. Comme je suis un mathématicien de formation, j’expliquerais cette relation comme suit :
 
PA = F (PE, MIB, ME)
 
Que le plaisir d’apprendre (PA) est une fonction (F) combinant trois variables essentielles : (1) le plaisir d’enseigner de l’enseignant (PE) ; (2) la motivation intrinsèque de base de l’étudiant (MIB) et ; (3) la motivation extrinsèque (ME).
 
 
Voyons quelques aspects de la motivation intrinsèque de nos étudiants, cette motivation naturelle que possèdent ceux-ci au début d’une session d’un cours couvrant 15 leçons de trois heures.
 
Plaçons-nous en contexte et revenons à cette période de nos études collégiales ou universitaires. Chaque étudiant qui se présente en classe, et nous n’étions pas différent, arrive avec un certain désire de satisfaire à trois besoins fondamentaux communs à chaque humain : (1) le besoin d’appartenance sociale ; (2) le besoin d’autodétermination et finalement ; (3) le besoin de compétence. Nous devrions ajouter à ces trois besoins de base, celui d’apprendre. Ce besoin que nous retrouvons naturellement chez les enfants des humains et ce, dès la naissance. 
 
Mon approche pédagogique de l’enseignement coordonné tient en compte, qu’à la base et naturellement, chacun de mes étudiants débutant mes cours :
 
1.  Désir entretenir avec autrui (ses pairs et l’enseignant) des relations satisfaisantes et enrichissantes ;
 
2.  Aime posséder le sentiment d’être le moteur (librement) de ses propres comportements et de ses choix ;
 
3.  Possède le désir de compétence et tendra à vouloir développer des comportements offrant une satisfaction liée à la réussite et à un sentiment de progrès. 
 
Pour ces raisons j’utilise naturellement et à profusion :
  • la collaboration entre élèves; des activités «relationnelles» qui se traduisent par une pédagogie très active en classe;
  • des situations qui offrent à l’élève de multiples possibilités de faire des choix;
  • des travaux qui présente un «écart maximal» entre la difficulté de la tâche et le niveau de compétence de mes étudiants.
 
Avant 2000, mon questionnement sur la motivation tournait autour de ceci : pourquoi certains de mes étudiants, au départ motivés, perdent-ils progressivement le goût et le plaisir d’apprendre au fur et à mesure de leur cheminement scolaire? Pourquoi les étudiants trouvent-ils certains cours plus motivants que d’autres?
 
C’est à cette période que j’ai glissée progressivement vers une mauvaise interprétation de la motivation étudiante. En effet, partant du principe que mes étudiants possédaient une certaine motivation intrinsèque naturelle, je me suis mis à croire que si j’ajoutais une récompense extérieure aux activités; je provoquerais une motivation extrinsèque qui maintiendrait leur plaisir d’apprendre.
 
Je me posais alors cette question : Est-ce que le renforcement par récompense augmente la motivation intrinsèque de l’étudiant ?
 
De 2000 à 2004, je me suis mis alors à inclure dans ma pédagogie du renforcement par récompense, sous la forme de notes, dans la relation suivante : un effort, une note. Ces notes étaient alors la composante principale et presqu’unique de ce que j’offrais à mes étudiants comme motivation extrinsèque pour alimenter leur motivation intrinsèque de départ. Je ne pouvais être plus dans l’erreur que cela et voici pourquoi.
 
Une expérience d’Edward L. Deci, professeur de psychologie de l’Université de Rochester et co-fondateur de la SDT (self-determination theory), a permis de trouver plusieurs réponses sur la question en cherchant à déterminer l’effet réel de la récompense sur la motivation.
 
Deci et son confrère Richard Ryan ont placé deux groupes d’étudiants dans le contexte suivant : chaque groupe devait faire des puzzles en équipe durant plusieurs périodes de temps obligatoires mais une équipe d’élèves (l’équipe test) était payée pour effectuer la tâche.
Le montant alloué était alors divisé à part égale aux membres de l’équipe. Deci et Ryan ont alors noté que les étudiants payés pour faire les puzzles sont devenus dépendants de la récompense monétaire et de moins en moins motivés alors que l’autre équipe continuait la tâche pour le simple plaisir de le faire et pour le défi en soi.
Deci et Ryan ont aussi observé, durant certaines autres expériences, que la menace de châtiment a le même effet que la récompense : les étudiants menacés réagissent comme ceux qui sont payés; ils deviennent dépendants de la menace. La causalité de la chose est très claire : si un étudiant fait quelque chose sans récompense apparente, on attribuera son comportement et sa motivation à des causes internes mais en revanche; lorsque nous donnons à l’étudiant des raisons externes (récompenses ou menaces), on attribuera alors sa motivation à des causes extérieures.  
 
Les expériences de Deci et Ryan nous apprennent donc que les actions externes comme les récompenses et les menaces ne sont pas efficaces pour augmenter et perpétuer la motivation intrinsèque.
 
Ces experts ont aussi démontré, par des expériences minutieuses, que les récompenses externes les plus efficaces et opérantes pour conserver et allumer la motivation intrinsèque de base sont :
 
  • la rétroaction verbale et écrite positive;
  • des activités générant l’estime de soi de l’étudiant;
  • des situations engendrant un sentiment de compétence chez l’étudiant et finalement;
  • des actions permettant à l’élève de faire des choix et de construire son autonomie vis-à-vis l’enseignant. Ils ont aussi remarqué que l’échec et la rétroaction verbale négative diminuent le sentiment de compétence chez l’étudiant et par le fait même, sa motivation intrinsèque.
 
Au fil des ans, j’ai aussi remarqué que certains de mes étudiants échouent parce qu’on exige d’eux des tâches monotones et banales et/ou, parce qu’on leurs impose des contrôles externes qui sont régis par la nécessité de certains enseignants à imposer un pouvoir autre que pédagogique.
Un pouvoir qui fait objet de castration sur leur désir d’autonomie et leur possibilité d’effectuer des choix et de garder un certain contrôle sur leurs apprentissages.
Un exemple ? Ces enseignants qui verrouillent leur porte au début de la leçon et qui disent aux étudiants en retard d’attendre 1h15 ou 1h20 pour la pause du cours afin de pouvoir entrer en classe. Certains diront que ce contrôle externe vise à faire apprendre à l’étudiant le respect des heures de début du cours; d’autres diront qu’ils appliquent un règlement vague de l’institution; plusieurs appliquent ce contrôle pour ne pas être dérangés pendant qu’ils parlent au groupe. Je suis en absolu désaccord avec ce contrôle excessif qui relève d’un pouvoir qui n’est pas pédagogique
 
Je suis aussi en accord avec certaines conclusions des chercheurs qui ont développé et raffiné la SDT 12 (self-determination theory) et qui avancent qu’un contrôle interne par l’étudiant, sous la supervision et les conseils de l’enseignant, aidera ce dernier à : préserver son amour-propre, augmenter le sentiment de sa valeur personnelle et développer son autonomie tout en augmentant sa motivation intrinsèque de base.
Yves Morin
 
Dernière modification le samedi, 21 mai 2016