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Les jeunes nés entre 1995 et 2010 ont grandi avec un Smartphone dans la poche, mais l’utilisation qu’ils en font n’est pas sans rapport avec la réduction dramatique des espaces de rencontre physique pour les adolescents dans les villes depuis 20 ans, et avec les inquiétudes parentales qui les obligent à communiquer en distanciel.

Malgré l’existence de pratiques problématiques, diverses études[1] ont montré qu’une utilisation modérée de ces outils (entre deux et cinq heures par jour environ, en fonction de l’activité) semble avoir une légère influence positive sur leur bien-être mental. Elle augmente notamment le sentiment d’être en lien avec les camarades, réduit la sensation d’isolement et favorise les amitiés existantes. Et elle favorise l’expression du désir d’extimité[2] qui incite à dévoiler certains aspects de soi jusque-là gardés secrets, ce qui participe à la construction de l’estime de soi et à la création d’un réseau social élargi. La relation de cette génération au travail, à la culture, à la famille, à la politique et à la sexualité est en tous cas totalement différente de celle des milléniaux nés entre 1980 et 1995.

Le problème est que les jeunes qui vont mal peuvent être tentés de se tourner vers ces mêmes technologies pour se consoler.

C’est notamment le cas avec les réseaux sociaux et les jeux vidéo. Cette situation est d’autant plus préoccupante que certains algorithmes sont spécialement conçus pour exploiter les biais cognitifs des utilisateurs de façon à les faire rester toujours plus longtemps sur les plateformes, y donner toujours plus d’informations personnelles et leur faire acheter toujours plus d’objets, réels ou virtuels (comme des vêtements pour leur avatar).

Il existe même des algorithmes qui visent à manipuler à leur insu les utilisateurs des plates-formes numériques pour orienter leurs comportements d’achat, mais aussi possiblement leurs choix politiques.

Face à une telle situation, la prévention doit évidemment être multifactorielle et associer législateurs, travailleurs sociaux, enseignants, médecins pédiatres et généralistes, 

 

Le législateur doit imposer aux réseaux sociaux une régulation des contenus et une évolution des algorithmes rendant possible la coopération et le travail collaboratif.

 

L’éducation au numérique doit inclure l’exposé des pièges des algorithmes et de la façon dont le cerveau fonctionne face aux écrans.

Les enfants doivent être aidés à se repérer dans les « quatre jungles d’Internet » :

1) la logique économique des plates-formes, basée sur l’exploitation des données des usagers ;

2) la logique d’enfermement des utilisateurs des réseaux sociaux dans leur première opinion exprimée ;

3) l’influence délétère de la pornographie et des modèles sexuels machistes véhiculés par le cinéma occidental ;

4) et la mise en garde contre les risques de l’information en continue et des fake News.

Enfin, une politique de la ville audacieuse doit permettre à tout enfant, quel que soit son origine sociale, de bénéficier d’activités alternatives aux écrans, encadré et d’un coût adapté aux revenus de chaque famille.

Serge TISSERON, Psychiatre et psychanalyste, fondateur de l’Institut pour l’étude des relations Homme-Robots, membre du Conseil National du Numérique

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https://neujpro.fr/les-jeunes-et-le-numerique-et-si-une-des-reponses-etait-dans-la-ville-par-serge-tisseron/


[1] La situation des enfants dans le monde 2017 : Les enfants dans un monde numérique, Fonds des Nations unies pour l’enfance, New York, 2017.

[2] Tisseron, S. (2001). L’Intimité surexposée, Hachette.

Dernière modification le jeudi, 23 mars 2023
Laurissergues Michelle

Présidente et fondatrice de l’An@é, co-fondatrice d'Educavox et responsable éditoriale.