Cependant, en divers temps et lieux il aura été fait état d'"éducation mésologique"3. Il s'agit alors de nature, d'environnement, d'écologie et parfois d'écologie humaine... Pour autant, il semble que jamais la pensée de l’éducation n’a su se saisir pleinement de l'exigence mésologique au sens fort du terme4. C'est à dire, reliant les lieux de notre être au monde : cosmos ou jardin, établissement ou maison...
1 Ce titre plagie celui d'un article que j'ai donné en 2006 à la revue Le Portique.
2 v. par exemple à cette occasion les déclarations de M. Nicolas Hulot à la "COP 21".
3 Stage international sur les programmes d’éducation mésologique dans l’enseignement supérieur et la formation pédagogique (London, Ontario, septembre 1972). Pourquoi oublier ?
4 "L'environnement s'accommode mal de la subdivision en .matières qui subsiste plus ou moins dans les écoles On peut penser que les enfants ressentent le monde qui les entoure comme un tout. L'environnement, dont l'enfant lui-même ne peut être dissocié, ne lui apparaît pas comme un assemblage d'éléments isolés. En rompant avec la classification rigide des matières scolaires. l'éducation mésologique recrée en partie les motivations que l'enfant tire de ses contacts avec l'environnement."
Ou encore "Beaucoup de maîtres ressentent la nécessité de recourir à une autre méthode que la confrontation exclusivement verbale avec l'environnement et les éléments qui le composent. Les enfants sont plus disposés à voir et à éprouver directement les choses qu'à en entendre parler." (Harry Walls, Conseil de l'Europe, 1976)
Pourtant, même latente, la préoccupation mésologique n'a jamais vraiment disparu. Ainsi, la Charte mondiale de la nature proclamée par les Nations-Unies en 1982, rédigée en termes de soin, stipule dans son article 19 que : « Les connaissances relatives à la nature seront largement diffusées par tous les moyens possibles, en particulier par l’enseignement mésologique qui fera partie intégrante de l’éducation générale (...). Car l'AG est Consciente que : a) L’humanité fait partie de la nature... ou encore : L’homme peut, par ses actes ou par leurs conséquences, transformer la nature et épuiser ses ressources et doit, de ce fait, pleinement reconnaître qu’il est urgent... (sic). Réaffirmant que l’homme doit acquérir les connaissances voulues pour maintenir et développer son aptitude à utiliser les ressources naturelles tout en préservant les espèces et les écosystèmes dans l’intérêt des générations présentes et futures, Fermement convaincue de la nécessité de mesures appropriées, aux niveaux national et international, individuel et collectif, privé et public, pour protéger la nature et promouvoir la coopération internationale dans ce domaine, Adopte, à ces fins, la présente Charte mondiale de la nature..."
Enseignement et mésologie
En quoi peut-elle aujourd'hui intéresser le pédagogue ? Pourquoi chercher en arrière et ailleurs ?
Ici se trouve l'important, qui rejoint le propos. Que "l'enseignement mésologique fasse partie intégrante de l’éducation générale". Soit. Mais sous quelles formes ? A l'époque de la Charte, l'ambiguïté demeure : s'agirait-il de seules approches disciplinaires ?
En amont de l'enseignement, comment l'intériorisation mésologique peut-elle se développer de façon cohérente ? Pour beaucoup encore, le rapport à l'environnement se décline selon une activité particulière, dès l'école, s'agissant d'"étude du milieu" par exemple1... Ou encore, selon les termes d'une "éducation à l'environnement et au développement durable". Etc.
Mais enfin, que se passe-t-il autour et alentour ? Et après ? Peut-on se contenter d'une sensibilisation annexe, et en fin de compte, superfétatoire ?
De la même façon, et par analogie, le débat autour de la question d'une matière scolaire "médias"2 - s'agissant de "milieu", donc - n'est pas clos J'ai milité autrefois pour une "approche intégrée" dans le cadre d'une "pédagogie muable". Muable, associée, évolutive. Cela suppose, outre le fait que la lecture des médias est transversale, une répartition des enseignements comme une partition pédagogique adaptées.
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Est-il désormais possible, et à quelles conditions, de passer à l'esprit d'une "pédagogie mésologique ? En pédagogie, on revient ainsi à la question du "milieu éducatif", qui a toujours été... au centre (sic) de la réflexion des "grands pédagogues"3. Qu'il s'agisse de la réflexivité relative à notre propre définition anthropologique, de l'intelligence du milieu de vie, de la compréhension critique des médias, de l'intelligence des Arts...
C'est notamment la capacité critique, dont la fonction ne s'exerce pas dans un immédiat, ni selon des recettes, sinon d'entraînement : elle s'ordonne à un horizon de sens, en raison duquel nous rapportons nos actions. En cela, l'état d'esprit mésologique peut nous aider au dépassement nécessaire à toute pédagogie.
Une "éducation mésologique"4 qui n'aurait d'autre sens qu'"environnementale" ne serait donc guère pertinente. Car la bascule est en réalité radicale : l'essentiel est que "le milieu humain" redevienne une préoccupation majeure, et, au principal, pour l'éducation, comprise comme enjeu de société. On le comprend, les conséquences de ce retournement ne seraient pas minces,
- aussi bien dans l'organisation interne des systèmes éducatifs - une formation humaniste pour notre temps se décline de manière transverse ; il s'agit d'angle, de manière : ainsi, la mésologie ne peut se comprendre que dans la transdisciplinarité ;
- que pour la dynamique sociétale, supposant des actions d' ampleur, continuées...
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A l'utopie scientiste et libertaire du XIXè s, ferait donc écho à présent l'utopie d'une éducation mésologique dans le plein sens du terme. Ces orientations transversales sont proches de ce que les "grands rapports" ont avancé naguère, sans que d'ailleurs l'action éducative en soit profondément affectée.
Une pédagogie de la situation ?
Penser à nous-mêmes, dans notre milieu : en jeu, l'idée que nous faisons du "sujet de l'éducation". Je suis frappé par la métaphore générale de l’environnement et des espaces s'appliquant aux expansions techniques : "écosystème et environnements numériques"5. Supposons qu'il ne s'agisse pas que d'une image, ou d'un espoir : une autre topographie éducative est en effet possible.
Se rendre compte que "l'homme transforme son milieu" se lit dans une longue tradition6 d'étude de l'anthropisation7. De "l'environnement agit sur les êtres vivants" nous sommes passés à "l'homme agit sur les milieux". De l'influence de l'environnement sur les organismes, à l'influence des êtres sur le milieu. Ce n'est que justice anthropologique : l'homme n'est pas in-différent à l’univers. Constater donc que l'homme modifie son environnement, depuis toujours, c'est rappeler sans cesse ce qui induit notre responsabilité.
Comment ce paramètre majeur se traduit-il en éducation scolaire, au-delà des plages de sensibilisation ponctuelles ? Entre les grandes envolées lyriques et les rapports supérieurs8, puis les travaux d'approfondissement et d'exégèse, et aux antipodes, les considérations humbles ou les préoccupations modestes des pédagogues, il y a place pour une action médiane. Car les exhortations n'ont pas manqué, qui appellent à une "réforme de pensée"9! Elles non plus ne datent pas d'hier, et ne sont pas le fait des seuls intellectuels médiatiques. Où en sommes-nous ? La traduction de ces lignes de conduite peine à s'épanouir. Malgré les formidables exigences de notre époque. Et il y aura encore à impulser des voies nouvelles.
En cela, une mésologie renouvelée peut contribuer à sa façon, et à son niveau, comme approche transversale en pédagogie du milieu, et comme manière d'interroger les préoccupations actuelles, à forger le "mode de pensée" global et transversal à la hauteur de la mutation en cours : il n'y a là aucune complication, aucune prééminence, et chacun de comprendre que nous avons encore à procéder à une révision drastique de nos conceptions, en éducation scolaire, et "tout au long de la vie".
Ce qui comptera, ce sera la vérité pratique attachée à cette intelligence.
1 v. cependant un intéressant article daté replacé sur le site des "Cahiers pédagogiques". Le milieu y est encore compris comme "cadre de vie".
2 En France, "EMI", que certains voient possiblement portée par les professeurs documentalistes...
3 Ce que rappelle Dominique Ottavi (2008, op. Cit.). Pour y réfléchir : la notion de se réduit pas à la "forme scolaire", ou au "climat scolaire".
4 "les principes d'actions, les finalités et les valeurs de l'éducation mésologique doivent inspirer tous les programmes d'éducation qu'il s'agisse de programmes d'éducation de base ou de formation socio-professionnelle rurale. Tout secteur d'activité, comme tout projet de développement doit inclure un volet relatif à l'éducation et à la formation mésologiques (EFM) qui s'adresse à tous les individus, dans tous les secteurs, dans toutes les disciplines et tout au long du cycle vital;
l'EFM est un processus continu. L'éducation mésologique est orientée vers la solution des problèmes qui se posent dans l'environnement." (Séminaire Environnement et développement durable, Brazzaville, 1989).
5 Ou encore quelque applications particulière. Ainsi "Une écologie globale de la classe coopérative " etc.
6 Entre ex. il y a un siècle chez Vladimir Vernadsky, la notion de technosphère (part de l'environnement affectée par les modifications d'origine humaine).
7Exemple : L’anthropisation et ses impacts
8 On s'est ainsi souvent référé aux travaux de l'Unesco : notamment, "rapport Delors" (1996), texte d'Edgar Morin (1999). Ils " resteront au fond du tiroir" (Frackowiak) comme d'ailleurs quelques rapports pourtant commandés, mais vite occultés.
9Journée d'études IGEN 1994 (Titre d'Edgar Morin)