Recommandations :
- L’auteur préconise d’utiliser les MOOC pour la formation continue des enseignants. Certains MOOC proposent des thématiques transversales qui peuvent convenir à de nombreux enseignants. En plus des apprentissages réalisés, les MOOC facilitent la réalisation de travaux collectifs. A titre d’exemple, on peut citer le MOOC EMI (Education aux médias et à l’informatique proposé par les ENS de Cachan et de Lyon) hébergé sur FUN, qui débutera le 6 mai 2015.
- L’acquisition des compétences nécessaires à ce type de formation en ligne (organisation, autonomie…) doit aussi pouvoir être envisagée pour les élèves du secondaire.
Depuis 2012, les MOOC (Massive Open Online Courses) suscitent un engouement important, notamment dans l’enseignement supérieur français. Présenter et décrire ce qui se cache derrière cet acronyme n’est pas chose aisée. Mangenot (2014) relève que la plupart des chercheurs qui s’intéressent aux MOOC insistent sur le caractère mal défini de ce type de cours. Les MOOC ne sont en effet pas tous conçus sur les mêmes principes pédagogiques. Daniel (2012) distingue par exemple les cMOOC des xMOOC. Les MOOC ont cependant en commun une ouverture massive. Le nombre important de participants, plusieurs centaines voire plusieurs milliers, sur un même MOOC rend difficile la mise en place d’un tutorat (Moeglin, 2014 ; Mangenot, 2014). Une fois inscrits, les participants devront pour réussir faire preuve d’autonomie et utiliser des compétences acquises antérieurement (Bruillard, 2014). Cette particularité conduit de nombreux chercheurs à s’intéresser de plus près aux participants de MOOC. Qui sont-ils et pourquoi suivent-ils des MOOC ?
MOOC et choix pédagogiques des concepteurs
Plusieurs chercheurs distinguent les MOOC en fonction des choix pédagogiques de leurs concepteurs. Daniel (2012) a proposé de classer les MOOC selon deux grandes catégories, les cMOOC et les xMOOC. Cette catégorisation a été abondamment reprise par les médias et la blogosphère car elle présente l’avantage de la simplicité.
Les cMOOC : une vision sociale des apprentissages
Les cMOOC sont basés sur les principes du connectivisme développés par Siemens et Downes. Le connectivisme met en avant le rôle des technologies du web participatif qui sont censées faciliter les échanges, la production collective de ressources et l’auto-organisation des apprenants. Loin de promouvoir des idées neuves, cette théorie reprend à son compte la dimension sociale des apprentissages développée par Vygotski au siècle dernier. Mangenot (2014) relève que dans la littérature, les cMOOC sont souvent présentés comme les « bons » MOOC, c’est-à-dire ceux qui s’appuient sur une « bonne » pédagogie.Les xMOOC : une vision transmissive des apprentissages
Les xMOOC, eux, sont organisés autour de la transmission de contenus. Lebrun (2014) défend la capacité des xMOOC à faciliter la mise en œuvre de « classes inversées ». Les apprenants étudient les contenus chez eux et le temps de présence en classe est consacré à des discussions, des études de cas ou autres travaux collectifs. Là encore, ce concept est antérieur aux MOOC. De plus, il repose sur un pari : dans quelle mesure les apprenants vont-ils consulter les contenus proposés dans le MOOC ? Celui-ci devra être suffisamment attractif pour que l’enseignant ne se retrouve pas face à une classe où seule une (petite) partie des élèves aura pris connaissance des contenus. Cette catégorisation, simple, ne rend toutefois pas compte de la complexité des MOOC. Dans un MOOC conçu sur le principe du xMOOC, on peut tout à fait imaginer que les participants décident par eux-mêmes de créer des lieux d’échanges et s’organisent afin de produire collectivement les tâches demandées. Des recherches sont actuellement en cours dans le but de proposer des caractérisations plus fines des MOOC. A titre d’exemple, Rosselle et al. (2013) utilisent pour décrire les MOOC une typologie basée sur les caractéristiques des formations hybrides.Les caractéristiques générales des apprenants de MOOC
Une étude sur les apprenants de MOOC menée en 2013 par Christensen et ses collègues (Université de Pennsylvania) synthétise les caractéristiques de 34 779 apprenants inscrits dans au moins l’un des 32 MOOC proposés par les universités de Pennsylvanie. Une autre étude concerne un MOOC français consacré à la gestion de projet proposé par l’Ecole centrale de Lille. Cisel (2014) a analysé les 2 250 réponses à un questionnaire posté en ligne à destination des apprenants de ce MOOC. Ces deux études mettent en avant que les MOOC sont davantage suivis par des hommes de moins de 30 ans : 57 % d’hommes pour les MOOC américains et 68 % pour le MOOC lillois. Dans l’étude de Christensen et al., 72 % des apprenants sont des professionnels insérés dans la vie active. Les choses sont plus nuancées pour le MOOC consacré à la gestion de projet. Il se distingue par une proportion importante (38 %) d’apprenants étudiants ou en situation de recherche d’emploi. Enfin, dans les deux études, la proportion de répondants titulaires d’un diplôme au moins équivalent à un master 2 est très importante (plus de 70 %). Ces premiers résultats questionnent l’idée que les MOOC, parce qu’ils sont gratuits et ouverts, faciliteraient l’accès à la connaissance pour tous. A priori, ils séduisent un type particulier d’apprenants, les hommes jeunes, très diplômés et insérés dans la vie active. Les MOOC concourent à la formation continue de professionnels et assez peu à la formation initiale d’élèves ou d’étudiants. Finalement, quelles sont les motivations des apprenants de MOOC ?Suivre un MOOC répond à 2 types de motivations complémentaires
La plupart des études qui explorent les motivations des apprenants de MOOC s’appuient sur des questionnaires postés en ligne depuis les sites des plateformes hébergeant les MOOC. Ces enquêtes permettent de recueillir un grand nombre de données analysées en utilisant des méthodes statistiques. Davis et ses collègues en 2014 (Center for Innovation in Technologies and Education, University of Southampton) ont analysé 258 réponses à un questionnaire publié sur les réseaux sociaux ou adressé directement par courriel. Cette étude est intéressante car les questions ont été formulées en 3 langues, l’anglais, l’arabe et l’espagnol. Parmi les réponses obtenues, 52 étaient en langue anglaise, 193 en langue arabe et 40 en espagnol. Ce type de recherches donne des résultats statistiques sur les motivations que les répondants déclarent avoir. Des éléments complémentaires et explicatifs peuvent être recueillis en interrogeant directement les apprenants de MOOC. Quentin (STEF, ENS Cachan, ENS Lyon, 2014) a analysé les contenus de 22 entretiens semi-directifs menés auprès d’apprenants français de MOOC. Les questions posées étaient notamment orientées pour permettre aux apprenants d’expliciter leurs intentions.Les motivations professionnelles
Plus de la moitié des répondants de Davis et al. (2014) déclarent chercher à améliorer leur situation professionnelle. 77,5 % des répondants considèrent même cet item comme très important. Dans l’enquête de Quentin (2014), les répondants expliquent que les MOOC sont pour eux un moyen de valider des compétences obtenues sur le terrain par l’acquisition d’un savoir plus académique. Pour eux, il est important que le MOOC soit supporté par une université ou une école prestigieuse. Cela représente un gage de sérieux et de qualité. 4 répondants déclarent que suivre un MOOC est un moyen d’entretenir et de développer sa présence numérique. Les MOOC incitent en effet leurs apprenants à utiliser différents réseaux sociaux pour interagir et facilitent, de ce fait, la mise en relation avec d’autres professionnels. Un répondant ajoute que dans son secteur d’activité (l’ingénierie pédagogique), suivre un MOOC est un élément positif qui enrichit son curriculum vitae. Pour lui, cette démarche peut faciliter l’obtention d’un emploi. Dans l’enquête de Quentin, les répondants travaillant dans le secteur de la formation sont nombreux (15/22). Ils évoquent de la curiosité et un intérêt pour le phénomène en lui-même qu’ils cherchent à mieux connaître et à comprendre. Cet intérêt est directement lié à l’apparition récente des MOOC en France. Cela n’empêche pas les répondants d’être attentifs au contenu enseigné. Ils ont tous choisi leur MOOC en tenant compte du thème abordé.Les motivations personnelles
63,2 % des répondants de Davis et al. (2014) déclarent s’être inscrits à un MOOC dans un but de développement personnel. Ils sont 60,6 % à déclarer qu'ils souhaitaient réutiliser les connaissances acquises pendant le MOOC dans un projet personnel. Les réponses obtenues par Quentin (2014) apportent quelques éléments de précision. L’important n’est pas tellement d’obtenir un certificat mais bien d’apprendre de nouvelles choses. Les répondants qui cherchent à satisfaire une soif de connaissances personnelles ont suivi plusieurs MOOC, parfois en même temps et sur des domaines très variés. Dans leurs discours, ils évoquent l’existence d’une communauté de suiveurs de MOOC. Ils se retrouvent d’un MOOC à l’autre, apprennent ainsi à se connaître et finissent parfois par s’associer pour réaliser des projets communs. Pour ce type d’apprenants, le choix des MOOC se fait souvent au hasard de leur navigation sur internet en fonction de leurs envies du moment.Conclusion
Les MOOC sont des dispositifs de formation hétérogènes. Ils ont en commun le fait d’être massivement ouverts. Les apprenants de MOOC, pour réussir, doivent activer des compétences acquises antérieurement. Les études menées pour définir le profil des apprenants de MOOC montrent qu’ils disposent en général d'un diplôme au moins équivalent au master et qu’ils sont souvent déjà bien insérés dans la vie professionnelle. Ce profil correspond à celui des enseignants. Par ailleurs, si les MOOC se généralisent comme outils de formation continue, il est important que l’école aide les jeunes à acquérir des compétences qui leur permettront de se former sur ce type de cours en ligne dès le lycée.* Isabelle Quentin - Docteure en sciences de l’éducation STEF (ENS Cachan, ENS Lyon, Ifé)