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Article initialement publié par Julia Gualtieri sur Digital Society Forum
Dans la mesure où une intégration réussie des technologies dépend d’une révision de la pédagogie, tous les dispositifs éducatifs doivent être repensés à l’aune des TICE : outils, méthodes, objectifs et bien sûr évaluation.
En pédagogie traditionnelle, l’évaluation porte principalement sur l’acquisition des savoirs et, dans une moindre mesure, sur les savoir-faire. Or, le numérique a rendu les savoirs disponibles et accessibles à (presque) tout le monde. Quel intérêt à continuer de les enseigner ? L’éducation repensée a donc pour objectif d’enseigner à exercer des capacités et des compétences, exercice où les connaissances sont naturellement convoquées. L’enseignement se départit de son rôle de transmission des savoirs pour se consacrer au développement de la réflexion et de l’échange.
Selon le modèle de la pédagogie inversée, les étudiants apprennent individuellement les connaissances et les restituent dans le cadre d’un enseignement interactif et participatif. La classe ou le groupe en ligne est ainsi réservée au débat, à la réflexion et aux productions collectives. De plus, les réseaux numériques favorisant la communication, les échanges et le partage, ils facilitent le développement de l’intelligence collective. À partir du site TwittClasses, né en France et au Québec, plusieurs classes ont développé ensemble un projet d’écriture au long court, #140etplus, en partant d’idéestweet, avant de finaliser l’expérience en réunissant les différents travaux sur un blog. Mais pas d’illusions : rien dans les technologies n’incitent à ces usages. 
 
L’évaluation des compétences
 
Comment évaluer des compétences ? Selon le modèle classique, l’objet de l’évaluation est l’acquisition de savoirs. Il est d’ailleurs aisé d’évaluer en ligne les connaissances de façon automatisée : quelques QCM et exercices en lignes autocorrigés intégrés aux cursus permettent de vérifier les acquis. Impossible en revanche d’évaluer des compétences avec un QCM. Cela dit, il n’est pas non plus besoin de refonder entièrement le système d’évaluation. Il n’y a en effet rien de nouveau à évaluer un étudiant sur la base d’une production ou d’un projet demandant la mise en œuvre d’un certain nombre de compétences et de capacités orientées selon la consigne et la matière concernée.
La nouveauté avec le numérique demeure l’étendue des possibilités : variété des formes, des supports (image, vidéo, prises sonores) qui, à l’image des e-portfolio ou des cartes conceptuelles, ne se réduisent plus uniquement à l’écrit. Du coup, les productions sont presque contraintes à être innovantes : si les savoirs ne sont plus l’objet premier de l’enseignement, la création de nouveaux savoirs ou de nouveaux outils est un objectif important qui pourrait prendre la forme de résolution de situations problématiques réelles. La pédagogie active, selon Marcel Lebrun, doit poser aux étudiants des questions qu’ils se posent eux-mêmes, plutôt que de leur donner des réponses à des questions qu’ils ne se posent pas. Les Serious Games sont d’ailleurs nés de ce principe. En adoptant un modèle inversé, la pédagogie choisit l’interactivité, les travaux en groupe et la co-production des cours. Mais comment vérifier que les compétences attendues ont été mobilisées par chacun dans un travail d’équipe ? Une tâche difficile pour l’enseignant qui doit s’attacher à suivre au plus près les participations, les interactions et la progression. Si cette activité était très délicate en « présentiel », elle est finalement plus simple en ligne car toutes les actions des apprenants laissent des traces. Il est même possible, grâce à des outils d’analyse, d’évaluer la qualité des discours, des discussions ainsi que le taux de contribution dans une conversation. Autre avantage, les données peuvent être matérialisées sous forme de graphiques. Un format mieux adapté aux compétences puisqu’il rend visible un processus alors que les notes ne font état que d’un résultat et ne donnent pas aux élèves les moyens de comprendre leurs difficultés.
 
L’évaluation par les pairs
 
Ainsi, à l’heure de la pédagogie participative, de l’auto-évaluation et l’évaluation par les pairs, le professeur n’est plus le seul juge. Cependant, autant il est difficile pour l’enseignant d’évaluer les capacités collaboratives lors d’un travail en groupe, autant l’étudiant est le mieux placé pour le faire. Matthieu Cisel, doctorant à l’ENS de Cachan qui participe au projet MOOC Uved, défend un modèle dans lequel les enseignants passent rapidement sur chaque copie et distribuent un corrigé type, mais où le gros de la correction est effectuée par les pairs. Chaque participant se voit donc attribuer un certain nombre de projet rendus et doit estimer, sur la base d’une grille de compétences et d’objectifs plus ou moins définis, le travail effectué. De leur côté, les formateurs, présents également dans l’évaluation, se chargent des observations plus individualisées ainsi que de produire un corrigé général. 
 
D’expérience, de nombreux acteurs constatent toutefois les réticences des apprenants à juger les autres et à être jugés par les autres. Pourtant, cette pratique est au cœur de l’intelligence collective : qu’est-ce que la capacité critique, la capacité d’évaluation sinon l’activité principale des chercheurs quant aux productions de leurs pairs ? Qu’est-ce que l’évaluation par les pairs sinon la connexion entre les cerveaux ? Outre l’intelligence collective, ce type d’évaluation développe la créativité. Deux éléments indispensables à la résolution de situations problématiques toujours plus complexes.
 
 
Photo Credit :woodleywonderworks via Compfight cc
Dernière modification le dimanche, 12 octobre 2014
An@é

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