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Popularisé par la biologiste Janine Benyus dans son ouvrage paru en 1997, Biomimicry: Innovation Inspired by Nature, le biomimétisme est aujourd’hui l’objet de nombreuses études et applications et interroge sur la nécessité de nouvelles pratiques pédagogiques.

D’autant plus qu’on le voit, les pratiques pédagogiques ont besoin de se réinventer devant les contraintes imposées par des restrictions sanitaires, qui si elles sont levées, risques de bouleverser définitivement notre consommation de la pédagogie.

Formation en ligne, cours à distance, coaching, conférence et cours en présentiel et si le biomimétisme était de nature à faire évoluer les modes de transmission de son savoir ?

Biomimétisme, mais encore ?

3,8 milliards d’années se sont écoulées depuis la naissance de la vie sur la planète Terre et ce sont autant de temps de « recherche-développement » qui ont permis aux organismes vivants de s’adapter et de « durer » (cf. Janine Benyus). Mais s’adapter et durer ne sont pas les seules leçons à tirer de l’observation et de l’imitation du vivant : Léonard de Vinci a mis en lumière de façon spectaculaire à quel point l’innovation humaine pouvait trouver sa source dans l’étude d’autres espèces (voir la chauve-souris pour la création d’un engin volant).

Depuis, les domaines d’application du biomimétisme, mobilisant des centaines de chercheurs et spécialistes, n’ont cessé de s’étendre : ingénierie des transports (le TGV japonais inspiré pour sa forme du bec du martin-pêcheur), de la construction (influence de la termitière sur la régulation thermique d’un bâtiment) et des matériaux (pales d’éoliennes moins bruyantes imitant les nageoires des baleines à bosse), médecine (travail sur les virus), recherche pharmaceutique (bienfaits de certaines molécules), neurosciences, biotechnologies, intelligence artificielle en sont l’illustration.

On a même pu trouver un exemple de biomimétisme appliqué à un domaine où on ne l’attendait guère : les cycles des marchés financiers et leur inspiration par les ondes marines… Cette analyse n’a pas totalement convaincu, et bien que les marchés financiers peuvent suivre des tendances saisonnières, les prédire est impossible. Mais quoi qu’il en soit, de façon générale, le biomimétisme est considéré aujourd’hui comme « le terreau de technologies émergentes promettant des applications dans tous les domaines déjà réputés comme stratégiques ». 

Le biomimétisme : quelles leçons pour l’apprentissage ?

La démarche du biomimétisme est classique mais rigoureuse. De façon simplifiée, elle se décompose en trois étapes : observer et détecter une propriété intéressante d’un point de vue technique, organisationnel ou scientifique, comprendre les principes qui sous-tendent le fonctionnement de cette propriété et conditionnent son opérationnalité, la reproduire et l’adapter à un projet.

Cette démarche a essaimé dans le domaine éducatif.

Ainsi, développé et porté par le Biomimicry Institute, l’Institut de Biomimétisme créé par Janine Benyus, un programme - Biomimicry Institute’s Youth Design Challenge (YDC) – vise à former des formateurs qui apprendront à leurs étudiants à concevoir des projets inspirés de la nature. À partir d’une problématique concrète identifiée, le formateur accompagnera les équipes d’étudiants dans la recherche de la façon dont les organismes naturels se sont adaptés à ce type de difficultés et dans l’élaboration d’une solution innovante. La méthode pédagogique est nouvelle en ce qu’elle se fonde sur les principes suivants : classes en plein air (« hors les murs »), observation, travail d’équipe et expérimentations itératives.

Les exemples de l’influence du biomimétisme dans le domaine éducatif se multiplient.  Une méthode éducative évolutive, « agile », développée par un enseignant - Educaryote (nom inspiré par la cellule dite eucaryote) – repose ainsi sur une autonomie laissée aux élèves encouragés, face à un problème, à raisonner sous forme d’hypothèses et à les confronter ensuite aux différents retours qu’ils obtiennent. Cette démarche n’est pas sans rappeler les stratégies couronnées de succès des organismes vivants, dont « l’intelligence » n’est pourtant pas comparable à l’intelligence humaine, pour survivre et s’adapter aux modifications et aux défis de leur environnement depuis des millénaires. L’exemple des virus – d’une triste actualité –, qui testent toutes les solutions et tous les chemins jusqu’à trouver le bon, jusqu’à épuisement de toutes les possibilités, en fournit la parlante illustration. Pour favoriser apprentissage et innovation, il y a là matière, en s’en inspirant, à enrichir les techniques éducatives en y incluant ce type de démarche exploratoire entraînant hors des zones de confort.   

La synergie et le partage des objectifs communs que produit l’organisation de certaines espèces du monde animal, les mécanismes d’apprentissage développés par d’autres (le jeu et l’imitation par exemple) constituent également d’intéressants modèles pour la formation des humains, permettant d’y intégrer une dimension sociale et collective.

 

Enfin, autre élément réinterrogé par le biomimétisme en matière pédagogique, notamment dans l’enseignement supérieur : la mono-disciplinarité. La création en France de deux masters en 2020 associant biologistes, physiciens et chimistes est le premier pas d’un tournant vers plus de pluri-disciplinarité.

 

On le voit : la nature peut encore nous apprendre beaucoup de choses et, parmi elles, nous apprendre à... mieux apprendre.

Christopher B

Dernière modification le jeudi, 17 décembre 2020