"D’une part, loin d’être de simples « interfaces » ou des « prolongements » du corps, des appendices en quelque sorte ajoutés à notre naturalité première – qui est elle-même à questionner dans sa prétendue évidence – ces objets contribuent à l’élaboration de nos identités.
Et il ne s’agit pas là d’accessoires, d’outils ou d’aides à cette construction, comme si cette dernière pouvait au final s’en passer.
Plus précisément, ces nouveaux artéfacts sont constitutifs de notre identité, ils font l’objet de ce que Gilbert Simondon a appelé une appropriation subjective. Autrement dit, nous ne pouvons plus aujourd’hui, du jour au lendemain, abandonner l’usage du téléphone portable, et considérer que notre identité sera la même, c’est-à-dire notre vie intime et subjective, notre rapport au monde, à l’espace et au temps, aux autres, etc. Il serait bien difficile de revenir à une vie d’avant ces objets connectés que sont nos téléphones portables dits « intelligents ».
La formule même d’appropriation subjective signale une interaction constante entre l’humain et l’objet, interaction dont les pôles finissent par être indiscernables tant l’un nourrit l’évolution de l’autre. Nous sommes nourris des objets, comme ils le sont de nous et, désormais, de nos données."
Dernière modification le mardi, 16 mai 2023