" Il y a parfois une grande difficulté à positionner la recherche et l’université dans le monde extérieur ". Patrick Baudry directeur de la MSHA.
" Appréhender la science du point de vue de sa communication et de sa transmission au sens large, et s’interroger sur le rôle de la médiatisation des recherches académiques."
Présentation du colloque par Christine Lipani et Catherine Pascal.
" Il faut s’interroger sur la place du chercheur et le rôle des médias, et se demander comment ceux-ci rendent compte de leurs travaux. " Après avoir remercié la MSHA pour l'accueil, Marie-Christine Lipani etCatherine Pascal ont présenté le programme du colloque.
Dans la continuité de l’article de l’article du club de la presse[1], nous avons choisi de présenter une recension des apports de ce colloque, Journée d’étude, dans deux domaines : " état des lieux " et "langages professionnels ".
Un état des lieux
La diversité des intervenants permet de saisir les différents acteurs institutionnels qui traitent de la question et leur conception de la solution à apporter.
La recherche scientifique crée elle-même son mode de diffusion.
Les comptes rendus des travaux scientifiques publiés par les revues à comité de lecture ne sont que des échos de la science académique. Une médiation, qui n’est pas vulgarisation, est nécessaire et permet de dépasser cette situation. (Robert Boure).
La bibliothèque est le lieu de la validation de l’excellence scientifique et comme espace de documentation elle permet le contact entre la production scientifique et la sphère non académique. (Sabrina Granger).
La production de diffusion d’images et de sons en lien avec l’institution scientifique (ex. You tube) permet de contextualiser le discours scientifique en le rendant familier (du cours filmé ou de la conférence enregistré à la mise en scène dans un environnement familier du public), elle introduit l’univers graphique proposé par les logiciels informatiques, elle nécessite de porter une attention particulière sur la différence entre la culture numérique du monde scientifique et celle du public consommateur. (Jeanne Rolland).
Alexandre Marsat, rédacteur en chef, Cap Sciences
L’utilisation des médias comme relais de l’information scientifique pose le problème de la vulgarisation qui doit ne pas trahir le discours scientifique, celui de la vérification de l’origine des textes et celui du retour critique le plus souvent absent. (Christophe Lucet, Alexandre Marsat.)
La Recherche action est un lieu d’échanges et de contact direct avec le public acteur de l’action étudiée, elle est le partage de la compréhension de la finalité de l’action recherche et de sa fonction dans le domaine concerné. Elle associe les processus de la recherche à ceux de l’éducation des acteurs de terrain. Cette collaboration entre les acteurs universitaires et les publics acteurs de terrain assure les manifestations des « sociétés apprenantes » (Catherine Pascal).
Les écoles de la formation des journalistes sont des institutions où se posent les questions : Comment former le journaliste pour qu’il comprenne le discours scientifique? Comment peuvent-elles éduquer à appréhender les conflits économiques et idéologiques que les travaux scientifiques posent aux décideurs sociaux, économiques et publics ? Comment appréhender des rapports souvent asymétriques entre le journaliste et l’universitaire ? (Jean-Marie Charon).
Les langages professionnels.
Si cet aspect de la question n’est pas directement abordé en dehors de Jean Marie Charon, il est présent dans toutes les interventions.
Parler de la façon dont les média rendent compte des informations de la recherche pose l’existence de deux langages celui des médias et celui de l’univers scientifique.
Poser la question de la légitimité de la parole universitaire introduit un débat sur la constitution du langage légitime et celle du langage illégitime : les processus d’articulation entre le langage jugé illégitime et celui jugé légitime dépassent le domaine de la communication scientifique et il est un des fondements de l’apprentissage de la délibération et de la faculté de juger.
Sur quelle base pourrions-nous dialoguer avec l’autre si nous considérions son langage comme illégitime ? Cela renvoie à deux conceptions de l’enseignement : d’une part, la parole de l’enseignant est unique et légitime les enseignés n’ont une parole légitime que si elle est conforme au langage institué, d’autre part la parole de l’enseignant n’a de sens que confrontée aux paroles multiples des enseignés..
Pour qu’il y ait parole, il faut avoir accès aux lieux d’expression qui reconnaissent la multiplicité des langages !souvent nommée niveaux de langue ce qui introduit la confusion entre langue et langages).
Le langage du monde social se développe en dehors du langage scientifique qui crée ses propres expressions conceptuelles comme le langage social crée les siennes.
Cette situation se rencontre dans tous les secteurs : le langage de d’informaticien et langage de l’usager, le langage du formateur ingénieur ou technicien de la mise en fonction d’une nouvelle machine et le langage des utilisateurs de la machine……
Un nouveau langage celui de la culture numérique intervient non comme un facilitateur de dialogue entre les différents domaines existant mais comme un révélateur des différents langages sans créer de liens. Ce fait donne naissance aux différentes propositions faites au cours de cette journée par des journalistes, des communicants et des universitaires.
La médiation éditoriale est une action qui peut mettre en place un processus de confrontation de ces langages pour qu’aucun ne soit trahi. Cette mise en abîme des langages des uns et des autres est un élément qui rend possible le passage d’un langage à un autre sans qu’il y ait perdition de la valeur énonciatrice de chacun.
La complexité de la production associant images, paroles et sons incorpore plusieurs langages et mérite une approche spécifique. La multiplicité des différents langages aux structures distinctes sollicitent chez l’usager des choix qui privilégient une interprétation au détriment d’une autre et qui gomment ainsi le sens que la production souhaitait induire.
En conclusion, une recommandation
La prise en compte de l’existence de langages professionnels qui rend difficile l’échange d’informations validées nécessite deux types de formation.
Une formation des étudiants et des universitaires leur donne la capacité de s’exprimer non pas simplement dans le langage de leur discipline académique mais aussi dans ceux des autres disciplines universitaires et dans ceux de leurs interlocuteurs et en particulier les journalistes.
L’exemple des « Doctoriales du Maroc - Université Cadi Ayyad[2]» permet de saisir l’enjeu de cette aptitude à communiquer.
Elles réunissent en internat pendant une semaine des doctorants représentant l’ensemble des disciplines académiques.
Elles organisent des groupes de travail composés des représentants de chaque discipline, qui ont pour tâche de construire un projet sur un sujet imposé à soumettre aux représentants du monde économique. Chaque doctorant doit faire preuve de l’apport de sa discipline. Les doctorants comprennent que chaque discipline construit son propre langage, qu’il s’agit d’établir un dialogue entre eux et qu’il nécessaire d’élaborer un mode d’expression pour exposer le projet collectif à des professionnels qui, s’ils ont souvent eu une formation universitaire, ont par leur fonction acquis le langage de leur profession, le langage de l’action.
Ce projet de l’université Cadi Ayyad se base en partie sur une réflexion sur la structure et la sociologie des langages existant dans la société dans laquelle les étudiants vont devenir des acteurs sociaux, économiques et politiques.
Il a pour finalité de former à la délibération, c’est à dire à l’espace de discussion où la spécificité de chacun trouve sa place et non à un usage adaptatif au langage de son interlocuteur.
Il rejoint celui exprimé pour les journalistes, mais il s’en distingue car le journaliste a à informer son lecteur ou son spectateur alors que l’universitaire doit convaincre toutes les forces vives de l’intérêt de son travail et en premier les étudiants qui possèdent leurs propres codes et langages.
Professeur Alain Jeannel
Catherine Pascal, Maître de conférences, Groupe de recherche MICA-ICIN
Le programme du colloque - 11 avril 2019 -
[1] http://www.club-presse-bordeaux.fr/place-de-science-chercheurs-medias/
[2]Doctoriales du Maroc - Université Cadi Ayyad, 8ème édition décembre 2010
https://www.uca.ma/fr/page/doctoriales-du-maroc
Dernière modification le vendredi, 13 décembre 2019