Moutons technologiques

Le titre de l’exposition « Je est un autre ? » est inspiré d’une lettre d’Arthur Rimbaud à un de ses professeurs, il renvoie à l’impact des technologies sur nos personnalités. Les mondes virtuels ont bouleversé notre façon d’agir. Les plasticiens questionnent nos liens avec les technologies pour amener à réfléchir à l’individualité et à l’altérité, à des problèmes sociétaux comme la désinformation de masse. Les technologies de l’ego ont modifié les repères. Dans « Madotsuki_the Dreamer » (2023) d’Ismaël Joffroy Chandoutis, un individu cumule jusqu’à soixante-quatorze personnalités contradictoires sur Internet réunissant un néo-nazi, une féministe et un djihadiste ! Comme le rappelle José-Manuel Gonçalvès, directeur du CENTQUATRE-Paris et co-commissaire : « La virtualité rend possible des expérimentations irréalisables dans la vraie vie, mais qui en retour peuvent avoir des conséquences pour le meilleur et parfois pour le pire. » Où nous mène l’ère du numérique ? Sommes-nous devenus un troupeau de moutons technologiques ? « TribuT » (1992) de Jean-Luc Cornec représente des moutons dont les têtes sont des téléphones à fil.

"TribuT" de Jean-Luc Cornec CENTQUATRE-Paris Biennale Némo ©Fatma Alilate

Le phénomène d’emprise est-il inévitable ? Robbie Cooper dans « Immersion » (2008) montre des visages d’adolescents en train de jouer à des jeux vidéo. « Heaven’s Gate » (2021) de Marco Brambilla est un étrange tableau vivant. Sur un triple-écran de huit mètres de haut, cette fresque de la vie inspirée de peintures de la Renaissance assemble avec frénésie un flot d’images du cinéma hollywoodien. Un volcan engloutit dans l’Enfer la machine à rêves, avant un éternel recommencement.

Solo de danse

Le parcours propose différents formats, des expériences immersives, des dispositifs ludiques, et des œuvres poétiques comme le solo de danse de Christian Rizzo. Dans l’immense Halle Aubervilliers du CENTQUATRE-Paris, l’installation monumentale « avant la nuit dernière » (2016) invite à la danse dans de multiples reflets en miroir. Venu des arts plastiques et de la mode, Christian Rizzo est directeur depuis 2015 d’ICI-Centre chorégraphique national de Montpellier. Il est également danseur, chorégraphe, musicien, scénographe d’opéras. L’œuvre exposée avait été créée pour la Nuit Blanche. Le mouvement hypnotique révèle une étrange présence. En regard d’un danseur, le public se démultiplie à l’infini dans un jeu d’ombres et de reliefs. A la tombée de la nuit, l’œuvre atteint sa plénitude par un effet diffracté en mille éclats. Cette pièce de danse mécanique apparaît, disparaît et la Halle Aubervilliers du CENTQUATRE-Paris se met en mouvement. Christian Rizzo inscrit ce solo dans une allégorie de la vie d’artiste confrontée à la solitude. Par la création, l’univers s’enrichit et devient grandiose.

Christian Rizzo CENTQUATRE-Paris Biennale Némo ©Fatma Alilate

Le parcours de l’exposition offre une autre découverte chorégraphique cette fois-ci dans une pièce fermée. « Ataraxie » (2022) de Maxime Houot du Collectif Coin est une installation lumineuse sur plus de trente mètres de long dont les bras mécaniques suivent un rythme de plus en plus complexe en différents tableaux.

Fatma Alilate

Exposition « Je est un autre ? »
Biennale Némo – Biennale internationale des arts numériques d’Île-de-France
Le CENTQUATRE-PARIS : 5 rue Curial - 75019 Paris
Téléphone : 01 53 35 50 00
Jusqu’au 7 janvier 2024
Commissaires : José-Manuel Gonçalvès, directeur du CENTQUATRE-PARIS et de Némo – Biennale internationale des arts numériques de la Région Île-de-France ; Gilles Alvarez, directeur artistique de Némo – Biennale internationale des arts numériques de la Région Île-de-France

 Fatma Alilate