Avec une préface de François Muller et une postface de Nicole Desgroppes, il retrace l’histoire de Claire et des réseaux d’échanges réciproques des savoirs, une belle histoire que le premier ministre a récemment mis justement à l’honneur en élevant Claire au grade d’Officier de la Légion d’honneur. Le titre du livre, édité par la Chronique Sociale (Lyon), révèle une grande ambition et une inspiration profondément humaine : « Plaisir d’aller à l’école ».
L’évocation du plaisir répond à une terrible actualité. Non seulement le plaisir n’a jamais été un objectif affiché pour l’Ecole, mais la politique ultra libérale autoritaire que notre pays a connu a complètement étouffé le plaisir, avec le pilotage par les résultats, des programmes sans intérêt, une évaluationnite négative, une conception mécanique du soutien scolaire, une technicisation exacerbée par un encadrement contraint. L’ennui ne cesse de se développer chez les élèves et le désenchantement chez les enseignants.
François Muller introduit parfaitement la réflexion : « Qu’est-ce qui fait que l’école a du goût ? Quand chacun revisite son expérience d’école, peut-il repérer ce qui l’a vraiment fait apprendre ? A quelles conditions les savoirs sont-ils utiles ? Plus prosaïquement, l’enseignant exerce-t-il un effet sur les apprentissages et sur la réussite de ses élèves ? »
La trentaine d’expériences décrites et analysées démontre qu’il est possible de contribuer à l’émergence du plaisir d’aller à l’école, du plaisir d’aimer apprendre, du plaisir de partager ses savoirs et ses compétences dans le respect de chacun, élèves, enseignants, parents, avec un regard positif et bienveillant, humain, humaniste, aux antipodes de la technocratie, du contrôle, de la défiance, de la condescendance. Chaque témoin et chaque partenaire des réseaux depuis leur création à Orly en 1971 apporte des idées et des solutions pour la mise en œuvre de véritables réseaux mobilisateurs entre les élèves eux-mêmes, entre l’école et les familles, entre les enseignants. Ils concrétisent de manière lumineuse le concept d’éducation globale sur un territoire défini. La notion de projet prend alors tout son sens, se libérant des carcans administratifs qui la réduise trop souvent à un document formel. La place de chacun des acteurs et des partenaires se redéfinit progressivement et durablement sans jamais occulter l’importance des valeurs et des finalités partagées par tous.
Au moment où la refondation de l’école, malgré l’ouverture annoncée à l’éducation populaire, risque de succomber au totalitarisme de l’entreprise Education Nationale et de ses usines à cases, au contrôle hiérarchique tatillon plus attaché à l’apparence qu’au fond, l’appel à l’ouverture de l’école et à la création de réseaux peut être une bouffée d’oxygène salutaire.
Retenons la portée politique de telles expériences, recommande Claire à la page 20 : « Il s’agit bien de transformer à la fois la représentation des personnes sur elles-mêmes, sur les autres, sur l’école, sur la ville, sur la société. Il s’agit aussi d’expérimenter autre chose pour transformer le bout de société sur lequel on peut avoir prise, de l’analyser, de le faire savoir. De telles expériences requièrent des intelligences reliées et des conceptions de l’humain, de l’école et de la société partagées. »
Pierre Frackowiak