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Publié par Sylvère MERCIER, bibliothècaire, médiateur numérique sur son blog : bibliobsession

"Vous le savez, nous avons organisé avec Lionel Maurel et Olivier Ertzscheid la première copyparty de l’univers. Il s’agissait à travers cet évènement de faire comprendre l’importance des pratiques de copie et surtout leur légalité pour un usage personnel, dans certaines conditions. Nous aurons le plaisir de défendre notre candidature à l’occasion du prochain salon I-expo où nous sommes très fiers d’avoir été nominés pour le Trophée Documentation et Bibliothèque du futur !

Trop souvent envisagée à travers le côté obscur de la force : le plagiat, la copie est dévalorisée et synonyme d’une pratique paresseuse. Il n’est pas rare qu’elle soit interdite, en particulier dans le secteur de l’Éducation…Pourtant il s’agit d’une des composantes essentielles d’ appropriation de l’information aujourd’hui. Nicole Boubée, du LERASS - Laboratoire d’etudes et de recherches appliquees en sciences sociales l’a montré en 2008 dans un article en accès libre. Les slogans anti-copie ne résistent pourtant pas longtemps à une observation de terrain qui décompose les processus. C’était l’objet de ce travail de recherche :

A partir d’observations directes et d’entretiens d’autoconfrontation croisée auprès de collégiens et de lycéens, nous décrivons les caractéristiques formelles et conceptuelles de cette collecte d’extraits de documents primaires ainsi que les fonctions attribuées aux copiés-collés par les jeunes chercheurs d’information 

 

Voici donc un copier coller des conclusions, j’ajoute des titres synthétiques :

La copie est partie prenante d’un processus

Une première indication de son importance dans l’activité est fournie par sa présence dans toutes les tâches, prescrites ou autogénérées. La pratique du copier-coller n’est donc pas strictement liée à la nécessité de communiquer à l’enseignant prescripteur une production finale.

C’est un mode essentiel de collecte

Comme composante du processus de recherche d’information. Ces collectes d’extraits de documents interviennent tôt dans l’activité et régulièrement tout au long de la recherche quel que soit le niveau et la tâche. (…) L’empilement des extraits dans l’ordre de « retrouvage », constant d’une session à l’autre, constitue une autre caractéristique majeure de ce mode de collecte. Il peut certes s’analyser comme une incapacité à organiser la documentation retrouvée (Pitts, Ibid). Mais divers éléments, verbalisations entre élèves s’assurant de l’empilement, remises à plus tard des opérations de mise en page pourtant jugées indispensables pour une lecture ultérieure, montrent la primauté accordée à la poursuite du processus informationnel et non au document en cours d’élaboration

Le copier-coller stabilise l’information du web et permet de construire un parcours de recherche

Les fonctions que les élèves assignent à leurs copiés-collés multiples renvoient avant tout à la nécessité d’écarter l’information non pertinente dans la masse informationnelle du Web, dans un temps limité, en fonction d’une tâche, à partir de leurs connaissances du thème de recherche. Mais on peut esquisser une autre compréhension du phénomène du copier-coller. Ce moment d’extraction de l’information et de dépôt dans le traitement de texte pourrait être traduit comme l’action de « stabiliser » la situation telle que formulée dans la perspective phénoménologique par les sociologues Garfinkel et Goffman et en LIS par Dervin (1983, 2005). Nous avons supposé qu’après chaque collecte un changement de direction était visible dans les requêtes. Sans que cela soit systématique, il est à noter que les requêtes après un copié-collé contiennent le plus souvent un nouveau concept.

Interdire le copier-coller n’est pas une bonne idée. Le situer dans un dispositif pédagogique d’apprentissage de la culture de l’information, est une bonne idée.

Conclure sur l’utilité du copier-coller dans les pratiques documentaires peut paraître difficile à entendre pour les pédagogues. Dans l’enseignement secondaire, les réponses pédagogiques visent généralement à éviter le copier-coller et à souligner l’importance du déploiement de la culture informationnelle dans les cursus. Dans ce cadre, nos résultats sur la pratique du copier-coller pourraient fournir une nouvelle piste didactique. En effet, s’il convient de pas sous-estimer les opérations de copier-coller alors il est nécessaire que les médiateurs et tout particulièrement les professeurs-documentalistes ne les interdisent pas dans les consignes orales ou écrites données aux élèves. Ceci suppose de mieux distinguer deux tâches, rechercher de l’information et produire un document de synthèse, afin de dissocier plus fortement les consignes données pour chacune d’entre elles. Le copier-coller devrait être autorisé dans les tâches de formulation du problème informationnel et d’interactions avec les systèmes de recherche d’information."

Bibliobsession

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