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Depuis longtemps déjà, en matière culturelle, le problème n’est plus la quantité, mais bien la sélection. L’offre de livres a emboîté le pas à l’offre de musique pour atteindre un niveau de profusion entretenu par l’autoédition et la multiplication des prix littéraires. La massification est-elle forcément synonyme d’accessibilité ? Qui, pour orienter nos choix en la matière ?

Loi de la jungle numérique

On pourra arguer que le choix objectif existe encore en matière de publication d’œuvres littéraires : il reste possible parmi les œuvres autoéditées. Mais elles proposent généralement une matière brute, sans intermédiaire entre auteurs et lecteurs, parfois pour le meilleur, très souvent pour le pire. Surtout, la réalité du choix est ici illusoire et contestable : il reste au final dicté par des avis, des commentaires, des « likes »… en résumé par tout l’arsenal social du web 2.0. Le lecteur moderne n’a ni le temps, ni l’envie de choisir lui-même, parce qu’il sait que son temps de lecture est compté. Il est en demande de repères dans la jungle des publications où rien ne ressemble plus à un livre qu’un autre livre, au moins tant qu’on n’a pas franchi la barrière de la couverture.

Corne d’abondance

Ces repères nous sont fournis par le monde de l’édition, regroupant lui aussi l’infini des possibles ou presque. En moyenne, 550 nouveaux romans sortent à chaque rentrée littéraire, en janvier et en septembre. Nous avons accès à tout, que ce soit dans les librairies, les bibliothèques, les grandes surfaces ou sur Internet, et jamais la proposition n’a été aussi forte. Mais ce n’est qu’une infime portion de ce qui est proposé pour publication. Le choix proposé aux lecteurs par les maisons d’édition, pour imposant qu’il soit, est déjà le résultat d’une sélection draconienne. Pour arriver dans les rayons des librairies, il a fallu œuvrer en amont !

Premiers filtres

Au premier rang figurent les « éclaireurs » de la littérature, les éditeurs, au contact du monde parfois tourmenté des auteurs. Les méthodes de sélection diffèrent : « Souvent c’est par hasard, selon l’humeur de la journée. […] Il faut que le livre que j’édite soit conforme à celui que j’ai envie d’acheter lorsque j’entre dans une librairie », explique Suzanne Jamet, directrice littéraire chez l’éditeur « L’Age d’Homme ». « Nous recevons de plus en plus de manuscrits par la poste‚ et nous prenons le temps de les lire‚ mais il faut reconnaître que nous en publions très peu. Pas du tout par principe ; simplement parce que rares sont ceux qui correspondent à nos goûts‚ à notre désir d’“impressions nouvelles”‚ d’un ordre ou d’un autre », avance de son côté Benoît Peeters des éditions Les Impressions Nouvelles. Tout choix est un renoncement, mais certains sont moins faciles que d’autres.

Savoir dire non

Ce sont les éditeurs qui ont la lourde charge de refuser un texte qui doit être retravaillé, d’en défendre d’autres, et d’emporter ou non l’adhésion lors des comités de lecture. C’est à chaque fois une part de subjectivité qui parle, de la part de celui qui se laisse séduire par un manuscrit ; mais c’est aussi une expérience, des connaissances, un savoir-faire. Peu se trompent, même si des pépites littéraires échappent parfois à ces prospecteurs culturels. « Il y aura toujours des exemples de succès autopubliés, après avoir été refusés par des éditeurs. Mais c'est oublier les millions de textes mis en ligne qui ne servent à rien. […] La plupart [des auteurs] ont besoin d'un dialogue, d'un travail sur le texte, d'une relation avec une personne », confie Arnaud Nourry, PDG des éditions Hachette. Une relation de confiance et un principe de collaboration qui n’excluent pas l’exigence, bien au contraire. Comme le dit Olivier Cohen, le patron des éditions de L’Olivier, « Je suis un éditeur exigeant », et sans citer l’auteur dont il parle, de préciser : « Je lui ai fait réécrire six fois son texte. » Manuel Carcassonne, le PDG des éditions Stock nuance pourtant cette position, preuve de la diversité des approches : « il faut laisser ses défauts à un texte. C'est l'harmonie du visage ou d'un corps d'avoir ses défauts. C'est pareil pour un livre, on l'aime pour ses défauts et non pour la qualité excessive qu'il pourrait dégager. » Cette offre gigantesque va donc continuer à s’affiner et à se diversifier. Multiplicité et popularité ne vont pas forcément à l’encontre de la pertinence, de l’intelligence et du talent. Les éditeurs sont le tamis qui laisse passer quantités d’objets sans intérêt. Ils travaillent pour placer les meilleurs textes sur la table des librairies, tout en fournissant quantités d’informations aux lecteurs potentiels : salons, extraits, interviews, teasing

L’information pour éclairer les choix

Le lecteur est aujourd’hui orienté, informé, voire surinformé. Il regarde la télévision, surfe sur Internet, lit les journaux ou les blogs. Pourquoi aurait-il perdu son sens critique ? Au contraire, cette masse d’informations peut l’aider à aiguiser son choix. Cela lui donne aussi accès à des livres dont il n’aurait pas entendu parler dans un monde moins connecté. Lors de la seconde édition de la manifestation « Les petits champions de la lecture », organisée par le Syndicat national de l’édition (SNE), le choix des enfants - des élèves de CM2 - s’est révélé fort éclectique. Ils ont choisi Fred Bernard et François Roca, Cathy Cassidy, Anne Fine, Anna Gavalda, René Goscinny, Christopher Paolini, J.K Rowling… Un beau panorama actuel de la littérature pour la jeunesse, et en même temps, une belle preuve de diversité culturelle !

De tout temps, les gens ont lu sur recommandations ou conseils ; seuls les moyens techniques ont changé. On peut être influencé par un livre classé dans la liste des meilleures ventes, par un Prix, par un article, par l’avis d’un ami… Mais l’essentiel est ailleurs : si au final, cette masse d’informations constitue une incitation à la lecture et amène les gens à lire, alors c’est gagné. 

Dernière modification le jeudi, 28 mai 2015