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Notre époque, traversée par des secousses parfois dramatiques, nous le voyons bien avec les récents attentats ou encore l'afflux de réfugiés, crée des tensions, augmente les idées reçues, les préjugés et toutes ces idées fausses qui sont lancées ici ou là et notamment sur les réseaux sociaux.

Mais, ce qui est sans doute le plus dommageable, c'est que l'école républicaine, à part de rares exceptions, rechigne à entamer le débat en classe pour aborder les thèmes d'actualité, car les enseignants, peut-être à juste titre et on peut les comprendre, craignent les réactions, les débordements si l'on évoque tel ou tel sujet délicat, je pense à la religion, le racisme, l'antisémitisme, la place des étrangers, des immigrés. Cela peut aussi poser des problèmes lorsqu'on évoque la pauvreté, si marquante aujourd'hui en France, mais qui est sujet à contreverses et qui amène aussi à la suspicion, voire au scepticisme vis à vis des plus fragiles et des exclus.

Pour argumenter à propos de ce constat, l'Education Nationale, qui avait lancé une bonne initiative, avec la création de la "réserve citoyenne", semble pourtant un peu frileuse pour la développer vraiment. Comme vous le savez, des personnes de tous horizons, de tous les âges et engagées dans la société, se sont inscrites pour aller témoigner dans les classes de leur parcours, pour entamer des discussions, des débats sur les thèmes de société, pour témoigner aussi de leur engagement, de leur expérience de vie, de leurs espérances notamment grâce au don désintéressé de leur personne qu'ils font pour les autres. Il y a, je crois, à ce jour, plus de 4000 personnes inscrites en France au niveau de cette réserve citoyenne destinée à épauler les enseignants dans tout ce qui concerne finalement l'éducation civique, le vivre-ensemble, le respect des valeurs fondamentales, etc... Mais, hélas, mille fois hélas, cela ne fonctionne pas véritablement dans les faits et ces personnes de bonne volonté ne sont pas très nombreuses à être appelées pour venir dans les classes.

C'est ce qu'on appelle régulièrement un "effet d'annonce", encore un de plus pour se donner bonne conscience à bon compte ! Pourtant l'urgence est là, car des écoliers, collégiens et lycéens vivent, avec dans leur tête, des idées reçues et des préjugés plutôt néfastes à terme pour une bonne cohésion de la société. A la maison ou sur les réseaux sociaux par exemple, on leur monte la tête, par des commentaires surprenants, contre les juifs, les musulmans, les étrangers, les pauvres. Des insultes, des violences physiques ont souvent cours ici ou là, ce qui amplifie encore un climat déjà assez malsain, nous sommes donc loin de "l'esprit Charlie" espéré en début 2015 ! Fort de ce constat de terrain, il ne faut pas être étonné si les enseignants hésitent ou refusent catégoriquement d'entamer le débat, car ils se rendent compte, dans certains endroits, qu'ils pourraient être après tout menacés eux aussi, par des parents ou des élèves eux-mêmes, tout cela est très grave et insupportable !

Dès lors, ici, je n'en voudrai surtout pas aux enseignants, qui ont une position difficile à tenir entre les exigences toujours plus fortes de l'Education Nationale, qui définit sans doute mal les priorités du moment, et le terrain, c'est à dire leur métier qu'ils doivent assurer au quotidien avec des situations délicates à gérer. Et c'est là, encore une fois, que j'en appelle à l'Education Nationale pour mieux former à la base les enseignants de toutes disciplines à mieux appréhender la discussion avec les élèves, pour commenter, analyser en toute quiétude, toute sérénité, l'actualité du moment qui est si fournie et que les jeunes commentent tous les jours entre eux en faisant parfois de la surenchère dans les propos pour faire, comme on dit aujourd'hui "le buzz" ! Cela n'est pas sans conséquences, et donc très dangereux pour des esprits fragiles ou influençables, c'est évident ! Par ce silence assourdisant en classe, on entretient ainsi les non-dits, les contre-vérités sur des personnes qu'on ne connaît même pas bien souvent, je pense aux juifs, aux musulmans, aux réfugiés et les amalgames faciles et détestables ne sont alors jamais très loin.

Non, l'école doit absolument reprendre la main pour lancer une parole forte et républicaine, pour oser le débat en classe en s'appuyant sur des témoins extérieurs engagés dans la vie de la cité et qui sont bien souvent, de par leur exemple de vie, une véritable source d'espérance qui peut donner un sens à la vie ! Il n'est pas normal de laisser filer les choses, de se résigner et d'entretenir dans les consciences le communautarisme, le repli sur soi, le repli identitaire, la haine de l'autre qui est différent. En agissant ainsi, c'est bien l'esprit démocratique qui est bafoué, insulté, nous marchons sur la tête et dès lors l'école ne peut pas baisser les bras. Je le répète, le danger n'est pas dans la discussion, le débat même animé en classe, mais bien dans les non-dits qui restent enfouis comme autant de bombes à retardement qui sont un véritable danger pour notre société future. Alors, chers enseignants, éducateurs, OSEZ, oui OSEZ, même si c'est difficile, faire de notre école le premier et essentiel défenseur de nos valeurs républicaines pour que nos élèves deviennent des citoyens responsables et engagés demain pour le bien commun de tous, merci de l'entendre et bon courage dans votre belle mission !

Dernière modification le dimanche, 24 janvier 2016
Gillet Guy

Initiateur de l'asso festive et humanitaire "Je bouge pour les autres"  Site : http://pourlesautres.fr - Ancien Responsable-bénévole (au Téléthon - au Secours Catholique - à Saint Vincent de Paul) - Editorialiste libre à vocation éducative, pour défendre des valeurs fondamentales, afin de susciter le débat et l'engagement de tous
Mes Editos sont LIBREMENT utilisables par tous : http://echangessolidaritefraternite.centerblog.net/