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La Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) vient de publier « Les élèves : connaissances, compétences et parcours », La documentation française, dirigé par Michel Quéré. La question centrale serait « L’évaluation des compétences par les enseignants est-elle juste ? ». François Jarraud, pour le Cafépédagogique, en a fait une présentation.

Nous n’avons pas encore pu lire cette étude de la DEPP, mais nous nous interrogerons sur cette question de la « justesse » de l’évaluation. Dans notre système scolaire, et en particulier au collège,l’évaluation peut-elle être juste ?

De l’objet de l’évaluation à son objectif

L’étude de la DEPP porte sur l’acquisition du socle commun de connaissances et de compétences. L’outil aujourd’hui utilisé dans les collèges français est le LPC (livret personnel de compétences). On trouvera sur Eduscol une présentation de ce livret, et de son utilisation.

Nous retiendrons dans cette présentation une petite phrase, anodine apparemment, mais qui signale toute l’ambiguïté dans laquelle évoluent les enseignants : « Le livret contribue à l’évaluation des élèves, comme le bulletin scolaire. ». Nos enseignants sont toujours amenés à utiliser deux systèmes d’évaluation : le livret et le bulletin.

Si le LPC porte sur l’acquisition de compétences définies par le socle commun, que fait le bulletin scolaire ? Non seulement il parle dans un autre code, celui des notes, mais il parle d’autre chose, il parle de la place relative de l’élève dans la classe. On est là typiquement dans le « classement », dans l’impérieuse utilisation de la constante macabre (Antibi). Classer suppose une diversité mais surtout une diversité ordonnée des élèves entre du mauvais et du bon.

Dans les deux cas, LPC et bulletin, il y a communication aux parents. Quelle est cette utilité ? Pourquoi communiquer avec les parents ? Il y a bien sûr l’aspect collaboratif autour de l’élève, de l’enfant. Parents et enseignants sont autour de l’élève, de l’enfant. Les deux outils permettent d’abord d’informer les parents, mais aussi d’en attendre leur action en retour auprès de l’enfant.

Mais ce discours de la collaboration parentale nécessaire ne justifie pas à lui tout seul l’existence de ces outils. Ils servent aussi à justifier des décisions prises à l’encontre de l’élève :

  • l’attribution ou non de l’attestation du socle, puis l’attribution du diplôme national du brevet (DNB) à la fin du collège ;
  • la proposition d’orientation, aux différents paliers d’orientation.

Autrement dit, l’évaluation de l’enseignant est non seulement complexe car elle se fait par deux canaux d’évaluation, mais en plus cette évaluation servira à justifier plusieurs décisions concernant l’élève. Il y a là une affaire de responsabilité sociale de l’enseignant, une responsabilité à justifier.

La justification de l’évaluation

Si l’évaluation doit donc être justifiée, comment dès lors peut-elle être juste ?

Dans un premier niveau de compréhension, la justesse renverra à l’idée d’une incontestabilité de cette évaluation. Il y a un système de mesure, il y a un étalon. Il y a donc un pouvoir-évaluer incontestable, qui ne trompe pas. On peut refaire trente fois la même mesure, on trouvera toujours le même résultat. Et bien même dans les actes de mesures physiques, on observe des écarts, et c’est cette question, de l’erreur de la mesure, qui a produit les statistiques (MOYENNE, MEDIANE, ECART-TYPE. Quelques regards sur l’histoire pour éclairer l’enseignement des statistiques. Anne BOYÉ, Marie-Céline COMAIRAS, Irem des Pays de la Loire ), mais qui a aussi produit la psychologie expérimentale.

Dans un deuxième niveau de compréhension, apparaît l’idée de la « justification à qui ? ». Au fond à quelle condition une évaluation, un jugement, une appréciation… serait-elle acceptable ? Et là nous avons trois dimensions : le social, le groupe, la personne.

Il y a la justice. Cette évaluation suit une procédure claire, qui s’impose à tous, partout et de la même manière. Et en matière humaine, c’est bien entendu une fiction, une convention. Il y a une tension vers cette « perfection ». Dans le domaine de l’éducation, cette notion de « justice » est relativement neuve. L’idée que le jugement professoral est pris dans une procédure qui le contraint et notamment qui le soumet d’une certaine manière à un extérieur de l’éducation est relativement neuve. C’est dans le cours de la deuxième partie du XXème siècle que l’institution éducative se trouve sécularisée. Les droits, timides, des parents s’élaborent et ouvrent l’institution.

Il y a la justesse. Ici on la comprendra comme la qualité d’un jugement qui le fait accepter par le groupe. L’autorité de l’enseignant ne suffit plus. Le jugement ne peut plus être « absolu », il se négocie, il se modifie, il varie. Le piédestal a sauté depuis belle lurette tout comme l’estrade. L’acceptation ne va plus de soi.

Enfin il y a la pertinence. Le jugement se doit d’être personnel, spécifique, bien correspondre à la personne évaluée. C’est la pertinence de l’évaluation qui aura un effet bénéfique pour la personne concernée. Ce jugement est-il bon pour elle ? C’est la question de la pertinence. L’éducation de qui, pour qui, pour quoi ? Notre éducation est-elle centrée sur la personne. On a bien aujourd’hui un discours qui agite « personnalisation », « individualisation »… mais se traduit-il vraiment dans les pratiques ? On y verrait même une preuve de l’envahissement de notre système par l’idéologie libérale.

Comment une évaluation qui doit se justifier, qui doit justifier les décisions qui seront prises grâce à elle, peut être juste lorsqu’elle doit combiner ces trois exigences ?

Bernard Desclaux

Desclaux Bernard

Conseiller d’orientation depuis 1978 (académie de Créteil puis de Versailles), directeur de CIO à partir de 90, je me suis très vite intéressé à la formation des personnels de l’Education nationale. A partir de la page de mon site ( http://bdesclaux.jimdo.com/qui-suis-je/ ) vous trouverez une bio détaillée ainsi que la liste de mes publications.
J’ai réalisé et organisé de nombreuses formations dans le cadre de la formation continue pour les COP, , les professeurs principaux, les professeurs documentalistes, les chefs d’établissement, ainsi que des formations de formateurs et des formations sur site. Dans le cadre de la formation initiale, depuis la création des IUFM j’ai organisé la formation à l’orientation pour les enseignants dans l’académie de Versailles. Mes supports de formation sont installés sur mon site.
Au début des années 2000 j’ai participé à l’organisation de deux colloques :
  • le colloque de l’AIOSP (association internationale de l’orientation scolaire et professionnelle) en septembre 2001. Edition des actes sous la forme d’un cd-rom.
  • les 75 ans de l’INETOP (Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle). Edition des actes avec Remy Guerrier n° Hors-série de l’Orientation scolaire et professionnelle, juillet 2005/vol. 34, Actes du colloque : Orientation, passé, présent, avenir, INETOP-CNAM, Paris, 18-20 décembre 2003. Publication dans ce numéro de « Commentaires aux articles extraits des revues BINOP et OSP » pp. 467-490 et les articles sélectionnés, pp. 491-673
Retraité depuis 2008, je poursuis ma collaboration de formateur à l’ESEN (Ecole supérieure de l’éducation nationale) pour la formation des directeurs de CIO, ainsi que ma réflexion sur l’organisation de l’orientation, du système éducatif et des méthodes de formation. Ce blog me permettra de partager ces réflexions à un moment où se préparent de profonds changements dans le domaine de l’orientation en France.
Après avoir vécu et travaillé en région parisienne, je me trouve auprès de ma femme installée depuis plusieurs années près d’Avignon. J’y ai repris une ancienne activité, le sumi-e. J’ai installé mes dernières peintures sur Flikcr à l’adresse suivante : http://www.flickr.com/photos/bdesclaux/ .