A trois, elles sortent le « ré » de révolution pour n’en faire qu’une évolution parmi d’autres, après d’autres. A trois, elles détruisent l’idée funeste qui prenait de plus en plus de place dans la pensée dominante : l’humain est une catastrophe pour la planète. Tout d’un coup, la seule chose qui compte c’est de permettre à l’homme de vivre et par conséquent on se remet à croire en lui, on le croit à nouveau capable de rendre la terre habitable comme l’écrit Bruno Latour.
La première conséquence est le phénomène de résilience : incroyable phénomène d’adaptation à l’échelle mondiale ; s’adapter pour survivre ;
- Résilience de l’individu d’abord qui accepte la privation de libertés fondamentales (circuler, travailler, se réunir…), la modification radicale de ses modes de travail, de ses modes de vie ; qui se recentre sur son propre essentiel, qui redécouvre que l’essentiel c’est de vivre.
- Résilience de l’état : l’économie avait pris le pas sur le politique mais c’est le politique qui dit quoiqu’il en coûte et soutient tout ce qui est menacé ; le politique avait pris le pas sur le scientifique et c’est le scientifique qui impose ses solutions dans la crise sanitaire.
- Résilience de la science : elle est capable de se mobiliser pour fournir en quelques mois une dizaine de vaccins avec des méthodes jamais expérimentées jusqu’alors dans ce domaine ; on lui prédisait des années de travail pour un résultat incertain. Le scientifique, synonyme de progrès au cours du 20 xx siècle, semblait être perçu comme cause de tous les maux de la terre : il reprend sa place dans la marche du vivant qui doit depuis toujours inventer pour s’adapter.
- Résilience du commerce qui a accéléré deux tendances a priori antinomiques : le développement des achats en ligne et celui du commerce de proximité comme si la frénésie de consommation pouvait laisser place à une maitrise de celle-ci.
- Résilience de la technologie qui profite de cet entre deux pour accélérer dans beaucoup de domaines sa mutation vers une réduction de l’empreinte de l’humanité sur la planète.
- Résilience de l’école qui fait de l’outil numérique qu’elle peinait à faire sien un instrument de sa survie, qui apprend à vivre hors de ses murs alors qu’elle ne savait pas comment en sortir : elle interrogeait vainement l’espace et le temps en adaptant la notion de continuum pédagogique ; ils ont changé de dimension et, vaille que vaille, elle fait avec. Et ce faisant, elle redécouvre l’importance, la primauté peut-être de l’humain dans l’acte d’apprendre. Paradoxe encore mais unanimement reconnu par tous les acteurs.
La deuxième conséquence est la lutte sans répit entre le rationnel et l’émotionnel, que ce soit à l’échelon de l’individu ou de la société.
Le phénomène est bien connu des philosophes, des spécialistes des sciences cognitives ou du fonctionnement du cerveau humain. La part de l’information sur la crise sanitaire est très ou même trop importante dans tous les médias et elle joue systématiquement sur les deux volets tour à tour ou simultanément ; Un exemple : la campagne de vaccination. Rationnellement nous ne connaissons de part le monde que deux moyens d’enrayer l’épidémie, le confinement strict et la vaccination. Ne voulant pas du premier, il ne reste que le second…mais 58% de la population se disent peu dispos à se faire vacciner car l’émotionnel fait surgir craintes et réticences de toutes sortes. Pour les lever appel est fait au rationnel avec demande de consentement, délais de rétractation… Erreur, un bon coup d’émotionnel est bien plus efficace et l’on montre la vaccination de quelques personnalités du monde de la politique, du sport, des arts, de la culture, bien « people « de préférence et mieux des queues interminables dans un centre de vaccination avec l’insinuation « qu’il n’y en aura pas pour tout le monde ». Le vaccin devenu denrée rare rejoint alors les pates et le papier toilette dans les syndromes de pénurie en temps de crise.
La troisième conséquence est l’accroissement des inégalités et surtout de leur caractère intolérable.
On les savait présentes et réelles mais elles faisaient partie du paysage. Elles deviennent intolérables même si elles restent pour le moment sans réponses autre que palliatives. Pourtant il est inconcevable de sauver des hommes du virus pour les laisser ensuite mourir de faim ou de malnutrition. Si l’éducation, la culture, le sport, le numérique …sont vitaux et si l’on est d’accord pour les tenir en vie, il est inconcevable qu’ils soient réservés à quelques uns, qu’ils ne soient pas vitaux pour tous et partout et que certains n’y aient pas accès. Si les jeunes se voient sacrifier une partie de leurs études, de leurs loisirs, en un mot de leur jeunesse, il est inconcevable de ne pas compenser leurs efforts par la suite.
La quatrième conséquence est la difficulté de se projeter dans l’avenir et de le penser.
Difficulté liée aux incertitudes sur l’avenir du corona virus bien sûr. Va-t-il disparaître, muter ; pourra-ton en être débarrassé ou faudra-t-il continuer à vivre avec ? Mais ce n’est pas tout. Quelles modifications durables de nos comportements vont être induites par notre vécu de la période actuelle et la prise de conscience de l’urgence écologique? Retournera-t-on comme avant dans les cinémas les stades ou les salles de spectacle ou bien les plate formes et vidéos les auront-elles en partie remplacés ? Quelle part du travail sera désormais effectuée à distance ? dans quelles conditions ? Prendra-ton encore l’avion pour une réunion, un congrès, un spectacle, une visite, une « bronzette », à l’autre bout de la planète ? Quels sont les pans de notre économie qui vont disparaître et avec quelles conséquences sociales ? Questions sans réponses mais il est impossible d’attendre et voir. Des scénarii sont à écrire qui prennent en compte les incertitudes mais pour les maitriser autant que faire se peut. Les gens ont besoin de perspectives et rien n’est plus angoissant et destructeur que l’absence de visibilité sur l’avenir.
l’An@é avec son média Educavox, traversent cette période en s’adaptant, un peu en mode survie en faisant, eux aussi, preuve de résilience.
C’est indispensable et inévitable mais cela n’est sans doute plus suffisant. A quoi bon la résilience si elle ne permet aucun rebond ? La force de l’An@é et d’Educavox réside, depuis le début dans la capacité à toujours vouloir voir devant, à anticiper, à être précurseur, à faire de la prospective. Des habitudes et des savoir-faire ont été acquis dans ce domaine, des partenariats ont été noués : ceux-ci peuvent être maintenant d’un précieux secours. En effet, vu leur complexité et leur importance, ce n’est que collectivement que peuvent être abordées les questions scolaires et sociétales évoquées ci-dessus.
Il est temps de mobiliser des personnes ressources pour mener ensemble une indispensable réflexion. Il est temps d’organiser avec tous les acteurs de l’école, enseignants, parents, élèves et étudiants, collectivités locales, des moments de réflexion en distanciel ou en présentiel pour percevoir les craintes, les attentes, les urgences, les idées sur le mode des « Paroles de… »que nous avons déjà traduites en propositions par le passé.
Ces moments sont essentiels pour coller à une réalité de terrain : il ne sera pas possible de rêver le monde d’après ou d’avec en essayant de sauver le monde d’avant. Il faudra accompagner les inévitables adaptations et si possible avec un temps d’avance pour proposer des solutions. Il faudra aider à la définition de contenus et pratiques nouveaux après avoir repéré les invariants qui permettent d’évoluer sans heurt car il faudra aussi rassurer dans une école déjà soumise à rude épreuve.
Dernière modification le samedi, 23 janvier 2021Des échéances électorales se profilent cette année et la prochaine, il est important de déterminer ensemble quelques possibles pour une école en phase avec un monde résolument habitable. Et si vous nous rejoigniez dans une logique collaborative pour imaginer un monde, en dessiner les interactions et les relations entre acteurs au service de projets qui nous semblent porteurs de changements significatifs pour l’école ?