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Benoît HAMON a lancé mardi 24 juin 2014 la conférence nationale sur l’évaluation des élèves, dont les travaux se concluront avec "une semaine de l’évaluation" du 8 au 12 décembre.
Le Ministre qui recevra ensuite les conclusions d’un jury, présidé par le physicien Etienne Klein et composé de représentants de la communauté éducative et de la société civile, éclairé par les résultats de la recherche, les pratiques de terrain nationales et internationales et des auditions d’experts, remettra alors ses recommandations .
Pourquoi prendre ainsi le risque d’ouvrir aujourd’hui un chantier aussi délicat et clivant qui souvent faute d’une explicitation précise du sens des mots divise le monde de l’éducation comme celui des parents avec un fort écho dans les médias .
Car ce débat récurrent interroge aujourd’hui bien au delà de l’école le concept même d’évaluation.
« Trop d’élèves souffrent aujourd’hui des effets négatifs d’évaluations qui ne prennent en compte que leurs lacunes, qui peuvent les décourager dans leurs apprentissages et les freiner dans leur parcours. Il est nécessaire de construire une véritable politique de l’évaluation des élèves, au service des apprentissages et de la réussite de tous. Une évaluation dont les objectifs, les principes et les modalités doivent être partagés par les élèves, les familles, les enseignants, les équipes pédagogiques et éducatives. »

Peut-on lire sur le portail du MENESR où le Ministre ajoute « le système d’évaluation des élèves, tel qu’il existe à l’heure actuelle, contribue fortement à accroître les inégalités scolaires ...Il y a aujourd’hui urgence à changer le rapport des élèves français à l’erreur, à la faute, à l’échec.
Benoit HAMON, qui prône une évaluation « plus bienveillante » reprend en fait les termes de la loi de Juillet 2013 sur la Refondation de l’école de la République votée par le Parlement, tels qu’ils figurent dans son rapport annexé :
« Les modalités de la notation des élèves doivent évoluer pour éviter une « notation-sanction » à faible valeur pédagogique et privilégier une évaluation positive, simple et lisible, valorisant les progrès, encourageant les initiatives et compréhensible par les familles. En tout état de cause, l’évaluation doit permettre de mesurer le degré d’acquisition des connaissances et des compétences ainsi que la progression de l’élève. »

Le rapport récent, puisque publié en juillet 2013, établi par l’inspection générale sur « la notation et l’évaluation des élèves éclairées par des comparaisons internationales » concernant l’école primaire et le collège est venu à propos pour constater combien "l’absence de différenciation entre évaluation formative et évaluation sommative est récurrente. Le mélange des deux empêche les enseignants de connaître le niveau des acquis des élèves et donne aux élèves le sentiment d’être en contrôle permanent, ce qui engendre une forme de « stress » pour certains. Tout ceci est renforcé par la place très réduite des formes d’évaluation reçues positivement par l’élève (notamment l’auto-évaluation)"
Par ailleurs les enquêtes PISA menées par l’OCDE montrent que "les jeunes Français sont ceux qui redoutent le plus l’erreur" et qui s’abstiennent le plus de répondre "par peur de faire une faute".
Pour Frédérique Cauchi-Bianchi, IA-IPR de Lettres :
« L’erreur est considérée comme une « faute » dans le modèle d’apprentissage dit « transmissif ». Il s’agit d’une « faute » puisque cette erreur est mise à la charge de l’élève qui ne se serait pas assez investi, qui n’aurait pas mis en œuvre toutes ses compétences, qui n’aurait pas assez travaillé. Dans ce contexte, l’erreur doit être mentionnée et évidemment sanctionnée. Et là, le professeur se fait un devoir de matérialiser l’erreur sur la copie (souvent en biffant ou en soulignant en rouge), afin de faire remarquer qu’il a bien vu l’erreur. Le professeur sait bien, et d’ailleurs déplore, que les élèves ne tiendront probable-ment pas compte de ses remarques pour son apprentissage, pourtant le professeur le fait quand même…. L’erreur peut changer de statut si elle est prise en compte comme un élément du processus didactique, c’est-à-dire comme une information dont il faut élucider les composants (nature ou origine) pour construire une connaissance correcte. Là est le rôle de l’enseignant : il doit situer les erreurs dans leur diversité afin de déterminer les modalités de l’intervention didactique à mettre en œuvre. »

L’erreur changeant de statut pour l’enseignant, devient alors un outil pour enseigner.
Et le questionnement sur l’évaluation se construit comme ...une conséquence d’une réflexion globale sur la façon d’enseigner.
Cette réflexion est menée depuis plus de 20 ans par André ANTIBI professeur d’université émérite de mathématique à l’université Paul Sabatier de Toulouse et chercheur en sciences de l’éducation dont les travaux ont une renommée internationale. Agrégé de mathématiques, il est titulaire de deux thèses, l’une en mathématique, l’autre sur l’enseignement.
Il publie en 2003 un livre intitulé : « La constante macabre » .
« Imaginons un professeur excellent avec des élèves excellent, écrit André ANTIBI. Dans un tel contexte, si toutes les notes sont bonnes le professeur est montré du doigt et est suspecté de laxisme. Ainsi, pour qu’une évaluation soit crédible, il faut qu’il y ait un certain pourcentage de mauvaises notes, une "constante macabre" en quelque sorte. Sous la pression de la société, les enseignants sont donc des sélectionneurs malgré eux. Ce phénomène inconscient paralyse notre système éducatif. Il s’agit d’un véritable problème de société dont les enseignants ne sont évidemment pas les seuls responsables. »

Le Mouvement Contre la Constante Macabre qu’il préside propose un système alternatif d’évaluation évitant la constante macabre et la sanction violente des élèves, Système d’évaluation par contrat de confiance (EPCC). Plusieurs dizaines de milliers d’enseignants pratiquent déjà cette méthode.
André ANTIBI précise sa pensée dans cette interview à l’An@é pour Educavox.
Claude TRAN
Dernière modification le vendredi, 03 octobre 2014
Tran Claude

Agenais de naissance Claude TRAN a été professeur de Sciences Physiques en Lycée, chargé de cours en Ecole d’Ingénieur, Inspecteur pédagogique au Maroc, chef d’établissement en Algérie comme proviseur du lycée français d’Oran ; en Aquitaine il dirigera les lycées Maine de Biran de Bergerac, Charles Despiau de Mont de Marsan et Victor Louis de Talence. Il a été tour à tour auteur de manuels scolaires, cofondateur de l’Université Sénonaise pour Tous, président de Greta, membre du conseil d’administration de l’AROEVEN, responsable syndical au SNPDEN, formateur IUFM et MAFPEN, expert lycée numérique au Conseil Régional d’Aquitaine, puis administrateurà l'An@é, actuellement administrateur Inversons la classe, journaliste à ToutEduc, chroniqueur à Ludomag.