Non pas qu’il ne faille pas évaluer comme m’en accusent mes détracteurs les plus obtus. Mais il faut, de l’avis de tous les pédagogues sérieux non conquis par le stupide pilotage par les résultats,
- Mettre les pratiques en concordance avec les finalités du système, pas seulement avec les programmes disciplinaires juxtaposée, à court terme
- Faire une véritable évaluation et la distinguer clairement du contrôle. Une véritable évaluation ne peut se concevoir que sur des compétences transversales : observer la capacité d’un élève à mobiliser tous ses savoirs et ses compétences pour résoudre un problème (pas seulement mathématique), répondre à une question ouverte (c’est-à-dire différente de l’exercice d’application), engager une recherche (en pensant à la méthode plus qu’au résultat)
- Concevoir une évaluation positive qui ne soit pas stigmatisante mais qui permette d’enraciner les apprentissages dans des réussites (ce que les élèves savent et savent faire) et non sur la détection maladive et pointillistes des échecs, même si c’est au nom de la volonté affichée mas illusoire de remédier, ce qui n’a d’ailleurs pas toujours été « médié » correctement
- Distinguer l’évaluation, outil de l’enseignant pour programmer les situations, modalités, méthodes d’apprentissage, de l’évaluation des établissements et du système éducatif dans une perspective de compétition inévitable (danger des tableaux de bord, des feuilles de route, de la technocratie, de sa paperasse et de ses camemberts)
La remise à plat est à faire d’urgence car l’évaluationnite liée au pilotage par les résultats est un des facteurs majeurs de la destruction de l’école, bien engagée depuis une dizaine d’années au moins, et considérablement accélérée en 2007. Elle ne pourra se faire sans une nouvelle définition des finalités du système et des programmes. Chacun sait à quel point les programmes de 2008 sont indigents et coupés des finalités. Espérons qu’il ne faudra pas attendre de longues années pour que le conseil national (essentiellement composé sans aucun doute de « savants disciplinaires ») des programmes ne mettra pas des années à annuler ces programmes. Sarkozy / Darcos ont eu le courage, d’une certaine manière, de balayer ceux de 2002, sans concertation, d’un revers de main et d’imposer autoritairement les leurs.
Malgré les décisions ministérielles, le risque existe cependant que la persistance des dérives autoritaristes observées et incontestables, détourne ou contourne les instructions. On se souvient que lorsque le ministre avait décidé, très vite de renoncer à la remontée des résultats des évaluations, une grand majorité des DASEN et donc des IEN a maintenu ses exigences : « Le ministre n’en veut pas, certes, mais nous nous en avons besoin pour piloter. Nous ne pouvons pas faire sans ». A la rentrée, au nom de la continuité, la poursuite des ces politiques désastreuses a été imposée, parfois avec un zèle accru.
Aujourd’hui, la continuité sera plus difficile à imposer. Encore que cela nécessitera souvent de la résistance et de l’opposition des enseignants eux-mêmes, qui auront à dépasser l’obéissance, l’infantilisation, l’interdiction de penser.
Il est amusant d’entendre aujourd’hui des DASEN, qui ont imposé la continuité, dire aujourd’hui que le ministre a raison, qu’il faut remettre tout à plat et concevoir d’autres formes d’évaluation véritable, s’exonérant de leur part de responsabilité dans la mise en œuvre autoritaire des politiques précédentes. La responsabilité du désastre ne serait pas au niveau de l’institution mais serait collective. Les exécutants devenant subitement autant responsables que les hiérarques.
Il est donc urgent de ne pas laisser faire… et de ne pas laisser dire, même si l’on sait bien que le retournement de veste peut être pénible, exige une grande souplesse et de nombreux exercices de style oratoire.
L’essentiel est qu’un terme soit enfin mis à l’évaluationnite dont j’écrivais il y a de nombreuses années, qu’elle était le malheur de l’école.
Pierre Frackowiak
Crédit photo : Jacques Risso