L’école, qui fait jeu égal avec les pratiques écraniques des enfants et des adolescents en nombre d’heures quotidiennes, conserve un rôle primordial pour accompagner les élèves.
En maternelle, travailler sur les genres télévisuels
Dès la maternelle, en grande section, un travail peut être réalisé sur les genres télévisuels, la télévision demeurant un média de prédilection pour les petits.
Les expériences menées sur la perception des programmes de fiction et authentifiants (au sens de François Jost, il s’agit de programmes qui entendent parler du réel, de notre monde, comme les journaux télévisés par exemple) auprès d’enfants de 5 ans plaide en ce sens. Quasiment tous les enfants font une différence entre les deux genres.
Cependant, leur capacité à distinguer ce qui est réel et ce qui fictif et leur aptitude à argumenter leurs réponses dépendent de leur expérience télévisuelle – seul ou avec leurs parents – et des programmes dont ils sont familiers.
Surtout, les distinctions s’opèrent davantage sur ce qui est de l’ordre du vraisemblable et de l’invraisemblable, plutôt que sur la césure entre ce qui relève de la fiction et de l’authentifiant : un dessin animé paraît aisément fictif, une publicité semble parler du réel.
Des programmes pour le premier degré
Dans le premier degré, un programme à destination des élèves âgés de 6 à 8 ans, qui sont encore partiellement dans une pensée magique, peut les aider à identifier d’une part les communications persuasives et d’autre part le pouvoir de l’image, susceptible d’être trompeuse.
Ce sont deux objectifs importants. Jouer avec les images, déformer les photos, changer le cadrage, ce qui permet de prendre conscience de son impact sur la signification de la photographie : le numérique facilite grandement ces exercices de déformation, de transformation.
Concernant les élèves de 9 à 11 ans, une réflexion sur l’information et l’actualité peut débuter. La création d’un journal scolaire est un bon moyen de comprendre le rubriquage d’un journal, les attentes du lecteur, etc.
Internet doit être appréhendé comme une source d’appropriation des connaissances, mais aussi parfois comme un risque de brouillage. Préparer des exposés en classe en accompagnant les premiers pas des enfants sur le Net pour chercher des photos illustratives, des définitions de dictionnaires, offre la possibilité d’insister sur la richesse des informations accessibles – à condition qu’il y ait un accompagnement adulte.
Expériences collaboratives au collège
Au collège, les jeunes adolescents peuvent mener à bien des expériences collaboratives comme la création d’émissions de radios, de journaux scolaires, de podcasts, de blogs partagés.
L’écriture numérique, ou plutôt les écritures numériques, sont à penser en liaison avec les formes sémiotiques sollicitées qui impactent et transforment les textes et leurs significations.
Insérer des liens, offrir des rebonds, travailler le rapport du texte et de l’image, maîtriser les bases des langages informatiques ouvrent le champ des possibles. Les notions d’« e-réputation » et de cyberharcèlement sont à expliciter au moment où les adolescents utilisent massivement Internet pour communiquer et s’inscrivent sur les réseaux sociaux.
La logique des moteurs de recherche, des sources et de leur validité peuvent être abordées, ainsi que la question des traces numériques, laissées volontairement et involontairement par chacun.
Par ailleurs, les représentations, les discriminations et les stéréotypes qui sont susceptibles d’être véhiculés par les médias nécessitent d’être interrogés en classe.
Rapport au savoir au lycée
Ce travail est à poursuivre au lycée. Les dynamiques sociales induites par Internet ont écrasé la variété des fonctions possibles des pratiques numériques, à tel point qu’oublier son smartphone donne l’impression d’être diminué, amputé de son réseau, dans un rapport au temps diffracté, dilaté, alors même que les dernières innovations promettent l’instantanéité et une temporalité contractée.
Plus le temps se réduit, plus le registre de l’émotion est sollicité : en cela, les études qui soulignent à quel point les adolescents et les jeunes investissent affectivement leur téléphone portable ne sont pas étonnantes.
Mais c’est oublier le rapport au savoir, à l’information et à l’innovation que proposent les interfaces numériques. Les lycéens peuvent être incités à créer et gérer des médias de façon autonome, à développer l’auto-formation via le numérique et les formes créatives d’expression sur Internet (développement d’une position d’auteur par exemple), intégrant les systèmes experts.
L’information, la manière dont elle est éditorialisée selon les supports, tout comme ses rebonds et ses réappropriations par les usagers permet de réfléchir à ses propres usages. La force de l’école réside dans le temps dilaté dont elle dispose qui facilite la réflexion et, idéalement, l’expérimentation.
Expériences internationales à l’université
À l’université, les expériences internationales foisonnent, notamment avec les MOOCS, qui améliorent la flexibilité de l’apprentissage et l’auto-formation.
Le colloque organisé par l’Unesco en mai 2015 intitulé « Enseignement supérieur et numérique : quelles attentes des sociétés africaines ? » montrait que les MOOCS en Afrique étaient massivement investis par les adultes soucieux de parachever leur formation, mais ne concernaient que 10 à 12 % d’étudiants.
Pour les étudiants, les expériences américaines semblent indiquer que l’enseignement hybride, mêlant formation à distance et cours en présentiel est une formule plus efficace. Une réflexion sur les certifications des MOOCS est sans doute à venir. Les MOOCS n’ont sans doute par fini leurs mutations. Modes et formats doivent à la fois trouver des normes et des standards pour fonctionner tout en s’adaptant aux besoins locaux. Les GROOCS commencent à se développer : non plus conçus pour des individus, mais pour des groupes.
Pour réussir une éducation aux médias et à l’information qui permette à chacun d’exercer son sens critique face à Internet, il faut plus que des mesures prises dans l’urgence des drames qui se succèdent.
Il faut une action concertée à grande échelle au plan national, une volonté politique affirmée, des chaires universitaires dédiées à l’éducation aux médias.
L’actualité, douloureuse, l’impose dans les agendas politiques, mais l’action doit se penser à long terme.
Article publié sur le site : https://theconversation.com/face-a-lactualite-lecole-doit-eduquer-les-jeunes-dans-leur-pratique-de-linternet-57100
Auteur : Laurence Corroy
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