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Puisque le soleil n’est plus le centre de l’univers, puisque l’univers est infini, et puisqu’il y a eu et y aura encore probablement plusieurs autres Big Bang, il faut admettre que l’univers n’a pas de centre. Dès lors il redevient évident et légitime pour les hommes d’affirmer que la terre est redevenue le centre de notre univers.

La révolution copernicienne a vécu ce que vivent les roses : l’espace d’un matin de Ronsard.

L’astrophysique copernicienne est morte, Galilée avait raison, mais en astrophysique seulement. Il est vrai que la terre n’est pas au centre du monde; jusqu’à preuve du contraire, c’est l’homme qui  est le centre du monde. Chacun de nous se représente le monde à partir de lui-même.

On nous dit que l’homme n’est qu’une poussière insignifiante dans une planète marginale d’une étoile quelconque, dans une galaxie banale parmi des milliards d’autres. Il est difficile de désenchanter davantage le monde, ni d’être plus négatif! Cela correspond à l’idéologie pessimiste de classe moyenne. Mais l’humanité y perd toute valeur et tout sens. Il faut rappeler que dans le non-sens apparent et généralisé de l’univers, nous avons encore un recours et une obligation : lui donner un sens, un sens humain. Ce devoir de sens, c’est le fondement même de notre humanisme. Donner un sens humain à cet univers insensé. Un sens basé sur la dignité humaine, la lucidité, l’effort de liberté, et peut-être une sorte d’héroïsme.

Cet univers si radicalement déboussolé.

Les nouveaux points cardinaux

Ce n’est pas peu dire! Notre univers et notre planète ont beaucoup changé ces derniers temps. Cet univers est radicalement déboussolé. La science quantique et l’impérialisme de la nouvelle économie ont  aussi  réveillé des univers parallèles et chaotiques. Les cinq points cardinaux ont dérivé avec le courant mondialiste de notre géographie politique. Ils sont devenus : le réel, l’imaginaire, l’arrogance, la détresse et au centre l’argent.

L’axe de rotation de la terre a basculé sous le choc du progrès. Il passe aujourd’hui par les mains d’un enfant noir aux yeux éteints qui meurt en Afrique dans les bras de sa mère, et les gants étincelants d’un enfant bleu du Nord, qui traverse triomphalement l’espace-temps du cybermonde en surfant sur une gerbe téléguidée d’électrons.

Dans la grande bataille des idées, c’est aujourd’hui la technologie qui a gagné. Les futurophobes à l’esprit lourd et penseur paraissent avoir été vaincus par l’insouciance et la magie des futurophiles.

Mais de quel point cardinal viendra celui qui détient dans sa main les jokers?  

Hervé Fischer

Image : http://www.hervefischer.com/catalogue.cfm?id_catalogue=94494

Dernière modification le mercredi, 03 juin 2015
Fischer Hervé

Artiste-philosophe, né à Paris, France, en 1941. Double nationalité, canadienne et française. Hervé Fischer est ancien élève de l'École Normale Supérieure (rue d'Ulm, Paris, 1964). Il a consacré sa maîtrise à la philosophie politique de Spinoza (sous la direction de Raymond Aron), et sa thèse de doctorat à la sociologie de la couleur (Université du Québec à Montréal). Pendant de nombreuses années il a enseigné la sociologie de la culture et de la communication à la Sorbonne-Paris V (Maître de conférences en 1981). A Paris il a aussi été professeur à l'École nationale Supérieure des Arts décoratifs (1969-1980). On lui doit de nombreux articles spécialisés, participations à des ouvrages collectifs et conférences dans le domaine des arts, de la science et de la technologie, en rapport avec la société. Parallèlement il a mené une carrière d'artiste multimédia. Fondateur de l'art sociologique (1971), il a été l'initiateur de projets de participation populaire avec la radio, la presse et la télévision dans de nombreux pays d'Europe et d'Amérique latine, avant de venir s'installer au Québec au début des années 80.