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Sous prétexte de défendre la propriété intellectuelle, l’accord de libre échange transpacifique veut restreindre l’usage libre d’Internet.
Article publié sur MyScienceWork
 
Mis en place en 2006, le partenariat de libre échange entre les Etats-Unis et 11 pays du Pacifique devrait bientôt intégrer un nouveau volet sur la propriété intellectuelle qui forcerait les grands acteurs d’Internet à mettre en place des outils très stricts de surveillance des infractions aux droits d’auteurs. Les négociations autour de ce futur chapitre du TPP, pour Trans-Pacific Partnership, ont été gardées secrètes jusqu’à ce que le site WikiLeaks publie le projet d’accord mercredi dernier et mette le feu aux poudres.
 
Qualifié sur les réseaux sociaux et dans la presse, ni plus ni moins de censure et de conspiration contre les libertés numériques, le texte est considéré par WikiLeaks comme peut-être le plus controversé des chapitres du TPP. Julian Assange a affirmé dans un communiqué de presse que ce chapitre sur les libertés intellectuelles piétinerait les biens communs de la création et du savoir.
 
« Le modèle draconien du TPP met l’Open Access en grave danger » s’inquiète Matthew Rimmer, professeur en droit à l’Université ANU en Australie, spécialisé dans le domaine de la propriété intellectuelle. Le texte prévoit de protéger les intérêts des propriétaires, mais ignore l’équilibre qui s’est mis en place entre la propriété intellectuelle et les libertés fondamentales d’accès à l’information et au savoir. « Une protection technologique renforcée de la sorte bouleversera immanquablement l’Open Access en terme de travaux soumis à un copyright. L’accord réduit la marge de manœuvre pour les exceptions légales du droit d’auteurs » explique Matthew Rimmer. « Le TPP est littéralement un accord créé pour booster les intérêts des studios Hollywood comme Disney. Des droits d’auteurs qui durent plus longtemps appauvriraient terriblement le domaine public ».
 
Il s’indigne de la mise en place de mesures légales toujours plus sévères à l’encontre de ceux qui souhaitent un accès plus ouvert à l’éducation, la science, le savoir et les informations gouvernementales. « L’arsenal proposé par le texte de recours civils et d’infractions criminelles pourrait être un danger considérable pour les acteurs de l’Open Access. L’affaire Aaaron Swartz donne un avant goût des risques et de l’injustice d’une mise en place légale telle que celle que prépare le TPP ». En 2011, un jeune étudiant et activiste brillant du très prestigieux Massachussetts Institute of Technology (MIT) s’est suicidé suite aux poursuites judiciaires sévères engagées à son encontre. Il avait prélevé illégalement des millions d’articles scientifiques dans la base de données payante JSTOR dans le but de mettre ces travaux spécialisés en libre circulation sur le Web.
 
Des risques de contamination à l’échelle mondiale
 
De telles mesures dans le TPP pourraient contaminer le partenariat de commerce et d’investissement Transatlantique qui associe les Etats-Unis à l’Union Européenne. A l’heure de la réflexion sur la refonte de la propriété intellectuelle pour promouvoir la liberté d’accéder à l’information et aux savoirs et de les faire circuler, une pareille entente entre les pays du TPP pourrait bien ralentir et même inverser la tendance à l’échelle internationale. Sans compter que, encouragé par le texte, le secteur privé, particulièrement les grands lobbys de l’édition et de la production (les studios d’Hollywood en tête) pourrait exercer une pression exacerbée sur les gouvernements nationaux et rendre les législateurs frileux.
 
A l’image de la révélation, en novembre 2009, du contenu de l’accord ACTA (Accords de Commerce Anti Contrefaçon), la révélation du TPP tire l’alarme sur la sauvegarde des libertés numériques. L’Union Européenne avait majoritairement rejeté ce projet très similaire à celui du TPP, justement à cause des risques importants de dérives liberticides qu’il représentait. Des dispositions menaçantes par ce qu’elles proposent mais aussi par les pistes alternatives qu’elles sabotent et risquent de faire disparaître. En première ligne des dommages collatéraux éventuels : l’Open Access.
 
Flickr/DonkeyHotey
Simon Virginie

Fondatrice de MyScienceWork, réseau social professionnel à destination des scientifiques. MyScienceWork soutient la diffusion des articles scientifiques en Open Access en proposant plus de 12 millions d’articles en ligne. MyScienceNews est le site de vulgarisation scientifique de MyScienceWork, les sujets phares sont #openaccess #science20 #femmesetscience et #doctorant