Comment ces technologies apportent un plus dans la pratique des enseignants en donnant aux jeunes la possibilité d’ouvrir un nouveau champ à la connaissance ? Quel sera dans cette perspective la place du professeur ?
Patrice Carré, directeur du département Relations institutionnelles à la Direction des relations avec les collectivités locales Orange / France Télécom, et historien de formation apporte ses réponses à ces questions.
Enseignant également l’histoire et la sociologie de l’innovation à L’École Nationale Supérieure des Télécommunications et au CELSA (Université Paris Sorbonne / École des hautes études en sciences de l’information et de la communication), il est l’auteur de très nombreux articles scientifiques et d’une douzaine de livres sur les relations entre technologie et société, parmi lesquels « Télégraphe : innovations techniques et société au XIXe siècle » (Éditions du Téléphone, 1996), « Le téléphone, le monde à portée de voix » (Gallimard, 1993) ou bien encore « La Fée et la servante, la société française face à l’électricité XIXe-XXe siècle" » (Belin 1991, traduction japonaise en 1999).
C’est encore en historien qu’il apporte un regard aigu sur les nouvelles pratiques de la démocratie que permettent ces technologies avec les réseaux sociaux, les blogs, les forums, en comparant leurs effets sur la vie politique d’aujourd’hui aux libelles des « Rousseau des ruisseaux », décrits par Robert Darnton ; la publication par de jeunes écrivains de ces pamphlets érotico-politiques aurait ainsi tout autant que les œuvres plus connues de Montesquieu, Diderot, Rousseau sapé les fondements de l’Ancien Régime et contribué aux origines de la Révolution française. Roger Chartier décrit bien comment dès 1770 les cabinets de lecture se développent en France où « les lecteurs y peuvent lire sans acheter, et surtout, trouver là pour un prix d’abonnement accessible les ouvrages philosophiques édités aux frontières du royaume », concourant ainsi au développement de la lecture et de l’esprit critique.
De la même façon, face à la répression exercée par les autorités en Iran, en Syrie et plus généralement lors « des révolutions arabes » du printemps dernier, Internet et plus particulièrement YouTube ou les microblogs comme Twitter apparaissent comme des espaces de liberté pour les peuples et une source d’information inestimable pour les médias du monde et les organisations humanitaires.
L’irruption d’une nouvelle parole, cette « parole sauvage », qui se distingue de la « parole d’élevage », plus propre, plus normée, et qui surgit dans le monde entier permet aux citoyens d’avoir une plus grande exigence vis à vis de leurs élus et contribue par son hybridation à donner de la vie dans l’arène politique.
« Si l’histoire ne nous apprend pas à prédire l’avenir, elle nous apprend au moins à ne pas le craindre ».Citant Emmanuel Le Roy Ladurie, Patrice Carré voit toutefois dans ces technologies de l’information et de la communication les prémices d’une nouvelle révolution industrielle et un changement de civilisation.
Dernière modification le vendredi, 08 décembre 2017