Est-ce une bonne idée ?
J’ai déjà abordé ce thème deux posts :
Je poursuis donc la discussion.
Quelques réactions sur la toile
Lionel Jeanjeau a proposé un petit récapitulatif de ce qui a été écrit, ici et ailleurs dans un article de son blog Orientation choisie : où en est-on ? Il n’est pas inutile de lire ou relire les références qui y sont cité citées.
Et suite à la communication du ministère signalée ci-dessus, à part les articles de journaux signalant l’information, il y a eu quelques réactions plus argumentées.
Emmanuel Davidenkoff en avait fait la matière de sa chronique sur France Info du 18 novembre :Orientation au lycée : faut-il donner « le dernier mot » aux familles ? Il identifiait un risque paradoxal. En donnant la main aux parents, au lieu d’avoir une « revalorisation de l’enseignement professionnel », on risquait d’avoir en fait plus d’élèves s’orientant vers l’enseignement général. Aussi il concluait sa chronique ainsi : « Il faut donc imaginer que le but réel du travail qui sera organisé pendant l’année de troisième avec les élèves et les familles va consister à en convaincre certains d’aller vers la voie professionnelle, afin qu’elle devienne une orientation positive et non pas liée à une « autosélection« . Mais pour cela il faudra un profond changement de mentalité dans certains collèges, et notamment qu’on arrête, à résultat équivalent, de conseiller la voie générale aux enfants de cadres et d’enseignants et la voie professionnelle aux autres. »
Le 19 novembre, Nathalie Anton et Emmanuel Davidenkoff ont été interviewés sur Atlantico Orientation : profs ou parents, qui est le mieux placé pour en décider ? A la question « cette expérimentation n’apparaît-elle pas comme un désaveu contre le système éducatif ? », Emmanuel Davidenkoff conclu ainsi : « Un désaveu, non. Une invitation à tisser un dialogue plus confiant avec les familles, oui. Une fois encore, l’éducation et l’orientation sont des tâches complexes dont personne ne détient les clés à lui seul. Tout confier à la seule institution scolaire n’est pas une solution. Tout déléguer aux parents serait un aveu d’impuissance, et un refus, de la part de l’institution, d’assumer ses responsabilités. »
Anthony Lozac’h sur le site du SE UNSA a proposé un long article « Faut-il revoir l’orientation des élèves en fin de Troisième en laissant le dernier mot aux familles ? ». L’auteur commence par rapporter et commenter l’étude de la DEPP Orientation en fin de troisième : une procédure marquée par de fortes disparités scolaires et sociales.
Je reprends quelques éléments de sa conclusion :
« Pour autant, laisser le dernier mot aux parents ne garantit pas fondamentalement une orientation choisie. Des garanties sont nécessaires : mobilisation des équipes pédagogiques tout au long du collège, et pas seulement en troisième, instauration d’un dialogue de qualité avec les familles, d’une culture de la co-éducation, autant d’éléments qui ne se décrètent pas.
Trois points de vigilance ont été soulignés et avancés par le SE-Unsa :
- Au lycée, les élèves ne doivent pas être identifiés comme ceux y étant arrivés par l’orientation choisie. L’effet Pygmalion risquerait de leur nuire alors.
- La place des Co-Psy (conseillers d’orientation psychologues), reconnue pleinement dans l’expérimentation, doit être indépendante du conseil de classe et du chef d’établissement. Leur présence doit être assurée, ce qui pose une question de moyens.
- Une approche qualitative passe par des temps identifiés et attribués au parcours d’orientation, passe aussi par de la formation pour les équipes éducatives. Cette exigence vaut pour tous les collèges en réalité, mais les collèges retenus doivent être priorisés. »
Une réelle remise en cause des procédures d’orientation ?
Mais toutes ces discussions montrent bien le poids, la pression de la procédure sur les parents jusqu’à la fin de l’année. Ils décident, oui, mais après tout ce parcours et ce dispositif de persuasion qui est maintenu tout au cours du collège. S’ils ont le droit de choisir, dans le cadre de cette expérimentation, ils doivent bien choisir !
Donner la main aux parents, ce n’est annuler la procédure d’orientation et tout le jeu de pouvoir qui s’y joue. Tout reste intact, tout au long du collège jusqu’aux dernières heures de la classe de troisième. Ce n’est qu’après toutes les tentatives de persuasion des parents, qu’avec la défaite institutionnelle on déposera les armes face à la résistance, et les parents décideront. Sacrée victoire pour eux, et durement obtenue !
Et ils seront bien seuls à assumer cette victoire contre tous. Avec l’absence d’un troisième lieu (la commission d’appel qui tranche entre les deux partis) le jeu d’opposition sera renforcé et les parents seront encore plus les responsables de la bien entendue mauvaise décision. La rencontre avec le COP avant cette décision n’a rien à voir avec une commission d’appel qui prend l’ultime décision, qui extériorise la résolution du conflit en dehors de l’établissement et de la famille.
Dans la procédure d’orientation, on parle de dialogue, comme si les deux « parties » étaient à égalité et avaient pour objectif de s’entendre, mais le vécu réel n’est pas celui-ci. Les désaccords sont violents, ce sont des désaveux. On y perd la face comme dirait F. Dubet.
J’ai donc beaucoup de doutes sur l’intérêt de cette expérimentation et les conditions dans lesquelles elle est faite. La fonction de sélection et de distinction des élèves reste bien attribuée au collège, aux équipes enseignantes et au chef d’établissement pour la quasi-totalité des cas. C’est à la marge et pour quelques élèves, que les parents de ceux-ci seront reconnus comme décideur de l’orientation de leur enfant.
Peut-on considérer qu’il y a là un réel changement dans la conception des procédures d’orientation et la fonction sélective du collège alors que depuis 2005 il doit faire acquérir par tous le socle commun ?
Bernard Desclaux
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Dernière modification le mardi, 02 septembre 2014