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Article publié sur EducPros/Bernard Desclaux
A l’occasion du lancement de la concertation pour préparer la future loi, je voudrais intervenir sur le thème de la justice et de l’efficacité de nos procédures d’orientation dans notre système en rappelant quelques thèmes déjà abordé ici sur ce blog, et ce premier post portera sur la justice.

À propos de justice… et de son sentiment

 

Une structure de domination

L’idée de justice suppose au moins deux acteurs : un juge exerçant le pouvoir de produire un jugement et un individu qui subira ce jugement. Structurellement c’est une relation de domination de l’un sur l’autre. Et le cas de nos procédures d’orientation relève bien de cette structure basique.

 

Plaider sa cause

L’individu, objet du jugement peut, plus ou moins « plaider » sa cause. Cette possibilité de se faire entendre du juge, et donc de pouvoir agir sur la représentation du juge est un élément important pour la constitution du sentiment de justice. Mais il faut aussi que l’individu perçoive le fait que sa plaidoirie ait eu un effet sur l’élaboration du jugement.

Il y a bien des échanges prévus, en partie obligatoires entre professeur principal et parents et/ou élève, mais ils interviennent en dehors de la scène et du moment de la justice : le conseil de classe. Les représentants de parents d’élèves et les délégués élèves ont parfois ce rôle, mais ce ne sont pas des « avocats », c’est-à-dire des représentants institués de l’individu.

Le seul moment où une plaidoirie est exercée, ou peut être exercée, c’est au moment de l’appel : la famille et l’élève majeur ont le droit de s’y exprimer. Et n’oublions pas la rencontre de la famille avec le chef d’établissement à l’issue du conseil de classe du troisième trimestre, nouveau moment introduit en 1992 dans nos procédures, et dont aucune statistique peut nous indiquer ses effets.

Sur ce thème de la « plaidoirie », nos procédures d’orientation sont donc bien pauvres

 

La légalité

 

Sur quoi d’autres peut s’appuyer le sentiment de justice ? Sur un principe de fondement du jugement sur la légalité. N’importe qui ne peut pas juger, n’est pas en droit de juger. Le juge doit être institué par la communauté, l’état. Dans nos procédures, il y a un versant d’institution : il y a des textes, lois, décrets, circulaires qui organisent de manière réglementée le fonctionnement et les pouvoirs des différents acteurs qui interviennent dans ces procédures. Il y a en cela légalité des procédures. Mais…

La formule, « le chef d’établissement formule la proposition d’orientation sur avis du conseil de classe », crée une certaine ambiguïté. Et on peut se demander « qui c’est le conseil » ? Est-ce que les représentants et les délégués ont le sentiment de faire partie prenante dans la formulation de cet avis du conseil de classe ? Le chef d’établissement est-il tenu de « suivre » l’avis du conseil de classe ?
Mais la légalité du jugement, c’est aussi celle de son argumentation, et alors là, on peut dire que nos procédures sont particulièrement floues. La justification habituelle des propositions et décisions d’orientation repose sur l’idée que l’individu pourra ou non « suivre » dans la formation ou la classe demandée. Cela suppose deux choses : une « mesure » de cette capacité et une description des exigences pour suivre la classe en question. Or il n’existe aucune mesure de cette capacité, et le ministère n’a jamais produit de description des exigences. Depuis la création des procédures d’orientation, en 1959 tout d’abord, puis en 1973, l’état s’est bien gardé de légiférer en la matière, et à considérer que les acteurs locaux étaient capables de réguler par eux-mêmes ces décisions. Sauf que plusieurs loi sur la motivation des décisions administratives sont apparues depuis, et lorsque les parents rentrent en contestation judiciaires ils obtiennent raison en particulier sur cette absence de motivation légale.

 

La justesse du jugement

Elle concoure également au sentiment de justice. Qu’est-ce que la « justesse » ? C’est sans doute l’idée que le jugement suppose équivalent les individus face à la justice. Il n’y a pas de favoritisme. Le jugement s’applique de la même manière au sein d’un groupe. Car il y a l’idée et la possibilité d’un comparatisme des jugements. Ceux qui suivent de près le fonctionnement des conseils de classe savent que c’est une source de conflits et de ressentiments. Les élèves et les familles, souvent au cours des commissions d’appel invoquent ce principe de comparatisme et d’équivalence, ou plutôt de non-respect du principe d’équivalence dans l’élaboration des jugements : des résultats identiques ne reçoivent pas le même jugement !

 

Un jugement se doit d’être pertinent...

 
Desclaux Bernard

Conseiller d’orientation depuis 1978 (académie de Créteil puis de Versailles), directeur de CIO à partir de 90, je me suis très vite intéressé à la formation des personnels de l’Education nationale. A partir de la page de mon site ( http://bdesclaux.jimdo.com/qui-suis-je/ ) vous trouverez une bio détaillée ainsi que la liste de mes publications.
J’ai réalisé et organisé de nombreuses formations dans le cadre de la formation continue pour les COP, , les professeurs principaux, les professeurs documentalistes, les chefs d’établissement, ainsi que des formations de formateurs et des formations sur site. Dans le cadre de la formation initiale, depuis la création des IUFM j’ai organisé la formation à l’orientation pour les enseignants dans l’académie de Versailles. Mes supports de formation sont installés sur mon site.
Au début des années 2000 j’ai participé à l’organisation de deux colloques :
  • le colloque de l’AIOSP (association internationale de l’orientation scolaire et professionnelle) en septembre 2001. Edition des actes sous la forme d’un cd-rom.
  • les 75 ans de l’INETOP (Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle). Edition des actes avec Remy Guerrier n° Hors-série de l’Orientation scolaire et professionnelle, juillet 2005/vol. 34, Actes du colloque : Orientation, passé, présent, avenir, INETOP-CNAM, Paris, 18-20 décembre 2003. Publication dans ce numéro de « Commentaires aux articles extraits des revues BINOP et OSP » pp. 467-490 et les articles sélectionnés, pp. 491-673
Retraité depuis 2008, je poursuis ma collaboration de formateur à l’ESEN (Ecole supérieure de l’éducation nationale) pour la formation des directeurs de CIO, ainsi que ma réflexion sur l’organisation de l’orientation, du système éducatif et des méthodes de formation. Ce blog me permettra de partager ces réflexions à un moment où se préparent de profonds changements dans le domaine de l’orientation en France.
Après avoir vécu et travaillé en région parisienne, je me trouve auprès de ma femme installée depuis plusieurs années près d’Avignon. J’y ai repris une ancienne activité, le sumi-e. J’ai installé mes dernières peintures sur Flikcr à l’adresse suivante : http://www.flickr.com/photos/bdesclaux/ .