Et puis surprise hier, le site du Monde faisait état de l’audition par une commission de l’Assemblé nationale, de Patrick Lefas, président de la troisième chambre de la Cour, qui venait y présenté un rapport (transmis le 14 septembre 2012). Le Café pédagogique a reprisl’information ce jour, et a proposé le lien vers la vidéo de l’audition, visible jusqu’au 12/03/2013. Elle est également téléchargeable. Je vous conseille d’écouter au moins la présentation très claire du rapport par M. Lefas.
Les objectifs de la Cours des comptes
Je suis globalement en accord avec les constats et les recommandations présentés dans ce rapport. Néanmoins je propose quelques discussions de certains points qui m’ont frappé après une première audition de la vidéo.
Il faut tout d’abord rappeler que la Cours des comptes s’appuie sur deux préoccupations : quelle efficacité et quelle équité dans l’atteinte des objectifs que l’Etat a donnés à l’éducation nationale ? En particulier elle rappelle les trois objectifs quantitatifs, 100%, 80% et 50%, les deux premiers relevant de la loi de… 1989 (toujours pas atteints) et le troisième de la loi de 2005 (voir mon article sur ce blog ). Dans ce cadre-là, la Cours des comptes considère que l’organisation de notre système ne permet pas d’aboutir à ces objectifs.
Le report de l’orientation fin de seconde
Deux préconisations parmi quatorze ont fait sans doute sensation : le report de l’orientation à la fin de la seconde, et le pouvoir de décision ultime donnée aux parents. Je soutiens bien sûr ces deux préconisations, mais qui supposent de profondes modifications.
Pour la première, le report en fin de seconde, le président de la Cours a utilisé l’expression « lycée unique » que j’ai utilisé dans un post http://blog.educpros.fr/bernard-des... . Cette expression reprise dans ma « contribution » a déclenché des réactions très vives sur le site des anonymes de néoprof . Car cette proposition bouleverse et le fonctionnement du collège, et celui des lycées.
Des effets sur les établissements
Du côté des lycées
Dans la plus part des régions, existent deux types de lycée matériellement distincts, les LEGT rassemblant le général et le technologique, les BTS, classes préparatoires, et de l’autre les lycées professionnels préparant le Cap et le bac pro. Dans quelques académies, ces deux lycées ont été rapprochés, et dans d’autres, il y a encore un troisième modèle, celui du lycée des métiers qui a été développé. Celui-ci, rassemble l’ensemble des formations initiales et continues d’un même secteur professionnel. Par ailleurs, il faut rappeler que les enseignants appartiennent à des corps différents. Au fond on retrouve le même problème à cet étage du système scolaire, que celui qui s’est posé lors de la création du Collège, rassemblant les trois voies de formation après le primaire : problèmes immobiliers, mais aussi problème des corps enseignants différents.
Du côté du collège
L’une des recommandations de la Cours des comptes, est la suppression de tous les systèmes de différenciation, les filières pour « traiter » les élèves en difficultés, mais aussi les filières de « protection » (classes européennes par exemple). Il s’agit de mettre en place, enfin, un collège unique, ce qui suppose que la tâche de s’occuper de la difficulté scolaire soit prise en charge par l’ensemble de la communauté éducative, dans la classe (ce que réclame la Cours). Aujourd’hui, ce système de classe à profil, évite cette prise en charge par tous. Seuls certains y sont confrontés, certains parce qu’ils le veulent, et d’autres parce qu’ils sont… jeunes enseignants. La plus part de nos collèges sont aujourd’hui organisés ainsi. Mais il ne faut pas oublier que ce mode d’organisation repose sur un arrangement local (Jean-Louis Dérouet DÉSACCORDS ET ARRANGEMENTS DANS LES COLLÈGES (1981-1986) Eléments pour une sociologie des établissements scolaires ). Cet arrangement local évite finalement la confrontation des points de vue sur les objectifs pédagogiques de l’établissement, notamment.
La question du socle
Si je comprends bien, l’acquisition du socle est reportée à la fin de la seconde.
Et là, me semble-t-il, il y a un problème, dû à une incompréhension du fonctionnement « pédagogiques », que je vais lier à un autre point, celui de l’appréciation positive par la Cours des comptes de l’affectation par AFELNET. L’objectif de la fin de la scolarité obligatoire est l’acquisition par tous les élèves du socle. La cours des comptes est bien sur cet objectif (c’est celui que l’Etat s’est donné par la loi de 2005). Mais comme je l’ai déjà relevé de nombreuses fois dans ce blog et ailleurs, comment atteindre cet objectif pour tous les élèves, et en même temps demander aux enseignants de les hiérarchiser et de les sélectionner ?
Si la recommandation suppose de donner aux parents l’ultime décision (ce qui est bien), cela n’est pas suffisant pour réduire le fonctionnement sélectif de notre système et de la pédagogie. L’ensemble de la procédure, telle qu’elle fonctionne depuis 1973 ne semble pas remise en cause avec le « dialogue », la demande des parents et la réponse du conseil de classe. Cette organisation de la « communication » avec les parents et les élèves est jusqu’à présent peu égalitaire quant à ses effets.
Mais si on comprend bien la position de la Cours des comptes, cette procédure ne fonctionnerait que en seconde. Plus de redoublement et plus de procédures aux « paliers » du collège (6ième, 4ième, 3ième). Cette absence de répétition de cette procédure permettrait sans doute de réduire alors l’emprise sur les catégories sociales les plus faibles…
La notation maintenue ?
Un député a posé la question : pourquoi ne pas remette en cause la notation ?
Nous avons déjà abordé cette question (par exemple Les Français et la note ). Si la main est donnée aux parents pour ce qui concerne l’orientation, il reste à l’Etat la responsabilité de l’affectation, et ici le président de la Cours a considéré que l’application AFELNET (qui permet la gestion de l’affectation dans chaque académie) fonctionnait de mieux en mieux. Je suppose que la notion « de mieux en mieux » porte sur le fait qu’elle permet d’affecter de plus en plus d’élève sans en laisser trop sans affectation, et donc d’ajuster au mieux demandes et offre de formation. Mais il faut rappeler que pour faire ce travail, AFELNET utilise en priorité les notes produites par les enseignants…
Donc tout ceci me fait penser qu’il serait nécessaire de disjoindre le moment de l’objectif de l’acquisition du socle par tous les élèves, de celui du travail d’orientation qui se situerait en seconde. L’acquisition du socle serait l’affaire du collège, et l’orientation l’affaire du lycée.
Enfin dernières remarques (dernières peut-être pour le moment) : aucune réflexion sur les conséquences de l’orientation tout au long de la vie et des recommandations européennes et un interrogation sur la question des personnels d’orientation.
Bernard Desclaux