Ces poissons d’aquarium qui rêvent de vivre librement dans l’océan, qui font tout pour y arriver. Et là, on les voit, chacun dans son sac transparent, quittant le bureau, traversant la rue pleine de voitures, sautant dans l’eau du port de Sydney et célébrant leur réussite alors qu’ils flottent allègrement à la surface de l’eau, dans leur sac. Et puis cette réplique savoureuse : « Bon, on fait quoi maintenant ? » :-)
J’aime cette scène car elle nous rappelle des situations de vie personnelle et professionnelle ; nous travaillons forts pour mettre en place une initiative, convaincre des gens, dégager des ressources, planifier les actions, surmonter les défis, les oppositions et l’indifférence de ceux qui ne prennent pas trop la peine de comprendre de quoi il s’agit, faire rayonner des réalisations, etc.
Et pourtant, ce sentiment bizarre que la montagne franchie ne fait que rendre visible de nouveaux sommets plus loin. Quelques exemples comme ça, particulièrement pour le domaine des technologies à l’école :
- de nouveaux appareils numériques dans une école,
- l’accès à des applications de qualité,
- une connectivité plus performante,
- une participation à une conférence majeure,
- un plan de perfectionnement pédagogique axé sur les TIC qui reçoit un go !,
- un accès à une plateforme afin de se lancer dans une expérience d’apprentissage hybride,
- la création d’un blogue de classe ouvert et accessible,
- une initiative AVAN (BYOD) qui est acceptée,
- un réseau plus ouvert pour les professionnels de l’éducation,
Au fond ces cibles, il faut les voir comme des phares de mer (un de mes symboles préférés) vers lesquels on se dirige et qui nous guident. Mais ces phares se déplaceront toujours plus loin (the moving beacon) et nous incitent à poursuivre, à recommencer, à se revitaliser. J’imagine que les poissons d’aquarium sont en voie de rejoindre Nemo et son père sur le corail du Pacifique. J’imagine aussi leurs efforts renouvelés pour y arriver.
C’est la même chose en éducation. Cette école, vibrante, ouverte, connectée sur le monde, où le jeune est l’acteur principal, on commence à la voir ici et là. Mais il reste beaucoup à faire. Pour nous guider, je retiens cet extrait fort éloquent du Equinox Blueprint : Learning 2030, qui nous rappelle :
“Imagine if we could gaze into the future and see the implications of our present-day approaches to important challenges. What would we do differently now to help build a better world for the next generation ?”
(Equinox Blueprint : Learning 2030, page 5.)
Car le vrai défi, pour savoir « c’est quoi qu’on fait maintenant ? » réside grandement dans notre capacité de pouvoir se transposer dans un autre modus vivendi ou modus operandi, plus en synchro avec les réalités du monde aujourd’hui (et celui que l’on peut anticiper, autant que possible), ainsi que de savoir mettre de côté nos représentations souvent axées sur un modèle, voire un monde, qui n’est plus celui dans lequel vivent nos jeunes, qu’on le veuille ou non. C’est alors qu’on s’y lance avec plus de confiance, plus éclairés.
« Le problème avec l’école, c’est qu’on y est tous allé. » dit Ron Canuel.
Mais, des boules de crystal, ça n’existe pas, impossible de prédire l’avenir…
Vrai. Toutefois, il y a des développements, des usages et des indications qui peuvent guider notre vision et nos actions. Des énoncés, certaines plus audacieuses que d’autres, qui risquent de rendre obsolètes ceux qu’on énonçait il y a à peine 10 ou 15 ans (le monde a bien changé…) et qui ont le vilain défaut de perdurer dans l’esprit de nombre d’intervenants.
En voici quelques-unes, compilées par des éducateurs britanniques :
- La prochaine génération d’enseignants, plus techno, plus branchée. Le nombre d’enseignants qui « ne font pas de techno » qui diminuera. Soit, ils seront en classe, avec leur appareil mobile/tablette et comptes Twitter ou Facebook ou autre réseau social qui prédominera, mais je me permets ce petit bémol : attention à cette généralisation, tout comme celle des « natifs numériques » (et c’est un gars de 55 ans qui vous écrit ceci :-) ). Le vrai défi est/sera celui des facultés de l’éducation qui formeront cette génération d’enseignants et qui n’auront plus le choix que de s’actualiser à la lumière des changements en profondeur sur nos finalités, la pédagogie, le numérique, nos rapports au savoir.
- Portabilité : fini les labos d’ordinateurs bien ancrés au sol. Place aux tablettes, aux mobiles, au BYOD et même le BYON (bring your own network). Les sorties en milieu naturel, aux musées, les projets partout dans l’école et dans la communauté ne s’en porteront que mieux, à mon avis (lire : apprentissages des jeunes).
- La vitesse de l’innovation : Un grand défi pour tous les enseignants, celui de rester à l’affût des avancées et des nouvelles possibilités sans ressentir la noyade technologique ; du moins, être au courant et accepter de se placer dans un mode « bêta perpétuel ». L’enseignant est apprenant et n’apprend plus seul. Marc Prensky a déjà dit : « You don’t need to know ALL the technology but you should know ABOUT the technology. »
- La pertinence pédagogique : Fini les bidules ou les apps qui prétendent être LA révolution en éducation. L’enseignant saura discerner la valeur pédagogique des outils car son référentiel pédagogique aura évolué et le point d’entrée sera invariablement celui de la pédagogie. Cette force sera de plus en plus prisée et prise en considération par les concepteurs de nouveaux produits/services numériques. Du moins, on le souhaite vivement.
- La créativité : Ahh, je ne peux m’empêcher que de reproduire ici cette belle phrase de Katrina Schwartz dans Mindshift et qui résume bien l’apport de la créativité à l’école transformée :
« If it’s true, in Sir Ken Robinson’s words, that “Creativity is not an option, it’s an absolute necessity,” then it’s that much more imperative to find ways to bring creativity to learning. »
- La fiabilité : ces ordis qui prennent 12 minutes à démarrer, des piles à faible rendement, un réseau peu fiable, des filtres internet frustrants, des mises à jour qui n’en finissent plus. Les outils, la vitesse et l’infrastructure de réseau seront de plus en plus performants et fiables. Plus de temps « hands on, minds on » alors.
- La connectivité : pas celle des réseaux (voir le point précédent) mais bien celle des gens, des professionnels, de la communauté et des jeunes. Le partage d’idées, de créations, de débats ne se limitent plus à la classe ou au « public de 1 ». On partage, on apprend ensemble. Avec des gens d’à-côté ou de l’autre bout du monde. Le face-à-face et le virtuel se complémentent et permettent des connexions plus fortes, plus vraies, plus stimulantes. L’isolement professionnel sera un choix de l’enseignant.
- Les coûts : On a vu depuis 15 ans environ des coûts et des achats à grande échelle qui ont eu l’effet pervers de limiter toute nouvelle tentative de renouvellement ou de déploiement à plus grande échelle, surtout avec un contexte économique mondial et local difficile.
“Leaders, teachers and students are now seeing through this, demanding costs come down to a more reasonable level and not being hood-winked into thinking they need technology because the marketers tell them. The shift of balance will once again fall onto the schools, which will drive down costs by shopping around more sensibly. Schools will reduce their costs by encouraging pupils to bring in their own devices into lessons, with less emphasis on the school providing tech. Leaders who ‘get tech’ will be at the forefront of innovation, with many who don’t expected to leave the profession within the next ten years.”
- La simplicité : Ou plutôt la convivialité d’usage des outils performants. Cela contribue grandement à ce sentiment de « pouvoir d’agir », ce qui sera bénéfique pour tous les usagers, experts ou profanes. Une meilleure courbe d’adoption est à anticiper alors.
Et plus concrètement, on parle de quoi quand il s’agit de l’école « de demain » ? (*Ouf, je n’aime pas ce terme car il sous-entend qu’on peut la remettre à plus tard…)
En 2009, Shelly Blake-Plock identifiait 21 choses qui seront obsolètes en 2020. Nous sommes à mi-chemin entre ce billet de Blake-Plock et cette année-phare que semble devenir l’an 2020.
- Pupitres d’élèves
- Laboratoire de langue
- Salle d’ordinateurs
- Les devoirs à la maison
- Les résultats aux examens externes comme critères d’entrée au post-secondaire
- L’enseignement à « la tranche du milieu »
- La crainte de Wikipedia
- Les livres en format papier seulement
- Le bureau des assiduités
- Les casiers
- Les Services informatiques
- Les institutions centralisées
- L’organisation par niveaux/grades scolaires
- Les classes sans technologie
- Le développement professionnel fourni par des agences externes
- Le curriculum bien ancré dans le roc
- La soirée parents-maître
- La bouffe à la caféteria/cantine
- Les sites web montés par services externes spécialisés
- L’algèbre 1 pas avant le niveau secondaire
- Le papier, toujours le papier
Où en sommes-nous, réellement ? La discussion est ouverte… Mais parions que plusieurs éléments de cette liste seront toujours là en 2020…
Et référentiel technopédagogique dans tout ceci ? Il y a des pistes, de bonnes. Notamment, l’initiative de perfectionnement pédagogique iClasse, les normes ISTE-NETS, traduites par Marc-André Girard, et le référentiel Destination Réussite, volet II, qui nous offre notamment cette vidéo :
Et l’organisation de l’école, dans un tel paradigme ? Les exemples sont de plus en plus nombreux, heureusement…
Celui que je retiens ces temps-ci est le cas de la Science Leadership Academy de Philadelphie, une école publique dans un quartier avec défis socio-économiques. Son directeur, le fantastique Chris Lehmann et son équipe ont pris le soin de décrire comment TOUTES les composantes pédagogiques et fonctionnelles dans leur école (l’organisation du temps, les espaces d’apprentissage, les rubriques d’évaluation, les activités d’apprentissage par projets signifiants et engageants, le curriculum, voire même le processus d’embauche des enseignants, etc.) sont calquées, façonnées, inspirées par, reliées à, conçues en fonction du profil de l’élève-apprenant qui y vit. Inspirant. Leur conférence est un must.
Et puis, en parlant de conférences à caractère technopédagogique, je me permets un constat encourageant : le propos de fond, et en large, est surtout d’ordre pédagogique, les outils viennent après qu’on s’installe dans un référentiel où l’apprentissage est au coeur des interventions. Clair 2014, Sommet iPad 2014, Awakening possibilities, et j’en passe… On discute, on réseaute, on apprend.
Des outils qui permettront à nous, ces poissons d’aquarium qui visent ou qui avons atteint la mer, d’aller au large et de se rapprocher un peu plus de cette école qu’on imagine, qu’on désire pour chaque enfant.
Avant 2030, peut-être ?
Dernière modification le mercredi, 19 novembre 2014