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Il est toujours surprenant de constater que la majorité des gens ne semble pas y croire à ce mot, ce concept, ce mantra – le progrès.
Apparence, réalité ou peut-être, encore, ont-ils simplement oublié sa signification ?
En tout cas, il faut leurs dire, malgré les oripeaux détestables de la Scène Internationale actuelle – le progrès est en marche. C'est d'ailleurs pour cela que, de toute part, il est attaqué par ses ennemis de la réaction.

Le progrès est un cercle vertueux, là où la régression est un cercle vicieux. Voilà une considération que mes élèves comprennent sans peine, après que je leur ai expliqué, en termes s'efforçant à la clarté, comment, par exemple, on a réussi, il y a plusieurs siècles de cela, à réaliser les chefs-d'oeuvre culturels, artistiques et scientifiques de la Renaissance.

Si vous le voulez bien, à votre tour de passer à la moulinette. Je vais vous la faire en grand angle, en respectant le programme de cinquième, pour que vous compreniez bien que tout est possible.

Résumons-nous : l'Empire Romain s'est effondré à cause des invasions barbares et pendant cinq siècles – la "première moitié" du Moyen-âge – l'Europe a été la proie d'un chaos plus ou moins organisé, selon la génération d'hommes de fer qui tenait ou prenait le pouvoir (sacré Charlemagne).

De ce tambour temporel rotatif et relatif est sortie la Féodalité : durant la seconde partie du Moyen-âge, les rois étaient les patrons d'une myriade de seigneurs des territoires montée en cône, plus ou moins autonomes, plus ou moins sympathiques – d'où la place de l'Eglise, qui devait régulièrement remettre les idées en place aux félons en tout genre, qu'ils obéissent un poil à papa-monarque et limitent leurs déprédations de vilains garçons à leurs couches nuptiales.

Soyons honnête, rien ne fut aussi efficace que les expéditions royales qui, avec force étendards, trompettes et chevaliers – sans peur ni reproche – ramenèrent à la raison les vassaux oublieux de la férule de leur maître, corrections à l'occasion desquelles la Couronne annexait, déplaçait et replaçait, clouait au pilori au besoin ceux qui, tels un Gilles de Rais, avaient décidément poussé le bouchon trop loin.

Avez-vous suivi, senti, le cercle vertueux en train de s'esquisser ? J'y viens, attendez-voir : foin d'innocence, clairement, c'est par la guerre et les victoires que les rois s'enrichirent, purent aussi financer les armées, les administrations, toutes choses qui généraient encore plus de richesses – et ainsi de suite, jusqu'à ce que même les plus grands seigneurs du royaume, tels de bonhommes caniches, vinssent admirer le roi en train de manger, – le roi à sa toilette, – le roi sur son trône (!), etc.

Concernant la "fin" du Moyen-âge – tout de même une petite centaine d'années – un grand historien a parlé d'"automne", au sens de transition, sorte de levier, grinçant tout doucement, découvrant un progrès multiforme, accompagné d'un changement de valeurs lent mais profond, qui aboutirent ensemble, pour faire simple, à forger ce que l'on a nommé plus tard la Renaissance.

Comment boucler l'explication, à ce point de chauffe, auprès d'esprits honnêtes mais exigeants, car en quête de vérité, que sont les enfants ? Allez, encore un peu d'attention, encore quatre phrases d'un mouvement wagnérien un peu pompier, imaginé juste pour vous, les grands enfants, pour arriver au bout de l'idée...

Donc, les royaumes se renforcèrent, qui purent ainsi transformer leurs territoires en havre de paix relatif, d'où une augmentation des populations, dont les consommations entraînèrent une prospérité des activités de production, de commerce, cependant que l'on chercha de nouvelles solutions face aux nécessités d'économie d'échelle et que l'on découvrit des technologies fantastiques comme les moulins à eau et à vent (sic), qui ne firent qu'aggraver la prospérité.

Ce changement quantitatif entraîna, conséquemment, une accumulation financière qui permit, au bout d'un temps, de songer au qualitatif. On se mit à dépenser les valeurs monétaires surtout dans les chefs-d'oeuvre des artistes, dans les idées folles des architectes, ingénieurs et artisans, élaborant les premières villes modernes, dans les idées des grands esprits, qui découvrirent, à une cadence plus soutenue à chaque génération, de nouvelles théories de la connaissance, de nouvelles philosophies de la création, engendrant elles-mêmes plus de puissance, plus de richesse, plus de raffinement... plus d'humanité aussi, car les valeurs chrétiennes (Europe XVe-XVIe siècles hein !) sont très gentilles mais exigeantes, donc chères à financer... Oui, ça coûte bonbon un hôtel-dieu, peut-être pas autant qu'un hôpital public actuel mais tout de même.

N'est-ce pas que cette époque vous en rappelle une autre ? Distinguez-vous le sens du mot progrès, de son synonyme, évolution, qui se dessinent ensemble sous vos yeux incrédules ? J'en suis sûr, même si vous n'osez pas vous l'avouer, un peu comme une intuition, qui fait mal au crâne tellement elle est évidente, mais qu'on repousse par un pseudo-"bon sens", à cause d'un pseudo-"réalisme", qui sont en vérité les mensonges utilisés par ceux qui ne croient plus en rien pour vous égarer, après qu'eux-mêmes se soient égarés et cherchent des compagnons pour meubler leur ennui morbide. Vous égarez ? – oui, mais sur le chemin de quoi dites-vous ? – sur le chemin de rien justement.

Prenez soin de vos chères petites engeances, elles sont le meilleur de vous-mêmes et contrairement au préjugé fort répandu qui dit que nous ne sommes pas égaux devant la clairvoyance ou tout ce qui "fait sens" dans ce monde, selon une expression qui n'a d'égale son imprécision que l'absence d'explication avec laquelle on passe notre temps à l'utiliser, en réalité, nous sommes capables, chaque jour, de nous étonner nous-mêmes, pour peu que l'on décide de se respecter et d'agir avec conviction, pas seulement de déblatérer de beaux sentiments à tort et à travers, pour cacher la misère quotidienne de notre implication.

Je le vois chaque jour, les enfants sont capables de tout, du meilleur comme du pire, et leur choix dépend, à l'origine, du choix que vous décidez de commettre pour eux. Pour cela, ne soyez pas non plus excessivement rationnel – penchez-vous sur la vie de "l'inventeur" de cette pensée, qui aurait, sans doute, fait des cauchemars à se voir ainsi manipulé par nos contemporains, sans rime ni raison (!), au mépris de sa Parole véritable. Vous verrez que tout n'est pas si évident ni logique, loin de là. On grandit et on progresse quand on l'accepte, en décidant quand bien même de continuer.

Car c'est aussi beau, bon, inépuisable, qu'aride et ingrat – vous le savez aussi bien que moi !

La vi(II) est belle !

Article publié sur le site : http://leonbellevalle.blog.lemonde.fr/2015/03/06/le-progres/
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Dernière modification le jeudi, 12 mars 2015
Bellevalle Leon

Professeur d’histoire-géographie au collège depuis cinq ans, je m’occupe de niveau 6e, 5e, 4e, 3e ; je suis prof principal en 5e et coordinateur de l’équipe disciplinaire au sein de l’établissement. Depuis mes débuts, je mets aussi en oeuvre des projets transdisciplinaires, avec des professeurs de mathématique, musique, français, art-plastique, technologie... Passionné par mon métier et mes élèves, je ressens le besoin d’exprimer mes idées sur un système qui me paraît souvent rigide et de moins en moins en phase avec la modernité. En plus d’articles spécialisés, je tiens un blog à vocation littéraire et historique.