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La société et l’école s’accordent généralement à décrire quatre grands domaines éducatifs : le savoir et le savoir-faire, l’être et le savoir-être. 
Ils ont été élargis par le rapport Delors pour l’UNESCO, L’éducation : un trésor est caché dedans, en 1996, où sont évoqué les 4 piliers de l’éducation (apprendre à connaître, apprendre à faire, apprendre à vivre ensemble, apprendre à être). Face à ces états quasi-ontologiques, physiques tout autant que psychiques, il s’agit de trouver les moyens pédagogiques permettant d’atteindre la situation de savoir et d’être optimal pour l’apprenant.

Ces états, —ou modes de faire et d’être du sujet—, ont été définis au cours du 20ème siècle, pour répondre à une vision de l’école moderniste et centrée sur la transmission et l’instruction.
 
Ces états nécessitent d’être enrichis au cours du 21ème siècle, pour répondre à une vision de l’école à l’ère numérique, centrée sur la cognition et la co-construction des connaissances, autour de l’apprentissage et la pédagogie du projet de l’apprenant. Outre l’idée d’un apprentissage à travers la réalisation d’une production concrète, dans projet il y a l’idée de projection dans l’avenir, ce qui suggère l’ajout de deux domaines nouveaux, le devenir et le « savoir-devenir ». Ils préparent à faire face à une ère « cybériste » caractérisée par la mobilité physique tout autant que psychique, l’inversion des actions (en ligne d’abord, avec ou sans conséquences enligne ensuite) et l’ouverture de nombreuses opportunités d’évolution augmentées par le biais des réseaux numériques, dans l’école et hors l’école.
 
Le savoir-devenir n’est pas que de type prédictif ou projectif, il se sculpte et se modifie tout au long de la vie. Il se caractérise par des activités finalisées et des compétences et habiletés d’un ordre socio-cognitif complexe : la mise à jour de soi, la réorientation des choix tout au long de la vie, la modélisation ludique et l’engagement citoyen. Il vise à inscrire l’apprenant dans le contexte actuel de construction du développement humain, appuyé sur les TIC et les cultures de l’information, dans un contexte de « développement numérique durable », localisé et situé.
 
La mise à jour de soi (self actualization)
 
Le besoin d’actualisation constante se définit comme le désir de l’accomplissement personnel qui fournit l’énergie pour l’engagement continu dans des besoins de second ordre (le respect de soi, l’esthétique de vie) au-delà des besoins de premier ordre (la survie, la sécurité), selon la hiérarchie des besoins d’Abraham Maslow, revisitée par Amartya Sen. Il se manifeste en ligne par le rafraîchissement des pages et onglets, la mise à jour des profils, l’attention à la e-réputation, l’enrichissement des productions en ligne, etc. L’utilisation de telles affordances médiatiques affecte positivement le développement de l’identité et son maintien dans le temps.
 
La mise à jour de soi peut avoir lieu sur le devant de la scène, mais aussi en coulisses, car l’apprenant peut utiliser les réseaux pour conduire ses recherches puis les trier avant de faire une contribution à un projet. Elle conduit à plus d’activités et plus de focalisation de l’individu, dans un effort soutenu, qui peut être étayé par des sessions de chat, synchrones aussi bien qu’asynchrones. Elle permet de maintenir l’exigence par rapport aux attentes des cours, des objectifs finaux et des résultats escomptés. L’apprenant développe sa capacité à l’auto-réflexivité, —ce qui ne doit pas être confondu avec du narcissisme (ou la sur-évaluation de ses contributions)— et lui permet de bien concevoir sa place dans un projet collaboratif, en prenant la mesure du travail des autres et de leurs apports en relation aux siens.
 
La réorientation des choix tout au long de la vie (lifestreams) 
 
Le deuxième besoin socio-cognitif est basé sur la satisfaction de désirs d’avenir en flux (lifestreams), qui ont tendance à évoluer tout au long de la vie, surtout dans le contexte de mobilité actuel (où les métiers changent et d’autres opportunités naissent, qui ne définissent plus un individu une fois pour toutes). Ces désirs sont des projections plus ou moins accessibles, qui induisent une auto-régulation adaptative pour faire face à des obstacles et inventer des stratégies de contournement ou de compensation, voire des réorientations inattendues. Ils se manifestent en ligne par la construction d’un capital symbolique à partir de pratiques personnelles, de type pro-am, c’est-à-dire qui démontrent des compétences, goûts, habiletés différents de ceux démontrés dans le milieu professionnel hors ligne. Ils se dévoilent dans une focalisation conjointe sur le passé, le présent et l’avenir où l’apprenant manifeste sa capacité à évaluer ses chances et à en tirer parti, comme dans des sites de curation comme Pinterest ou des blogs « violon d’ingres » concernant la cuisine, le jardinage, etc.
 
Ce processus se fonde sur l’auto-direction et a besoin de temps pour se déplier positivement. Il permet à l’apprenant d’avoir de nouveaux aperçus sur ses pratiques tout en les mettant à la portée des autres. Il assure le maintien du réseau collaboratif au delà du projet ; il incite à prendre des risques en sachant les mesurer avec un certain niveau de prévisibilité. Du point de vue du développement de l’identité, il permet de garder la conscience des diverses couches de soi et de faire évoluer les scripts de la persona, en contexte intime, privé, amateur ou professionnel. La complexité du processus est d’autant plus nécessaire à maîtriser que l’apprenant est amené à devenir membre de plusieurs communautés de pratique ou d’affinité, qui peuvent traverser plusieurs couches de soi (par la langue, la culture, les projets personnels, les activités professionnelles…).
 
Modélisation ludique (Play as problem-solving and information processing) Accès à l’article
 
Photo Credit : heathbrandon via Compfight cc
Dernière modification le vendredi, 10 octobre 2014
An@é

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