Cette fuite est démente puisque l’éducation est à l’origine et est supposée être le lieu de l’épanouissement personnel, de l’ouverture à la pensée et à la connaissance, de l’élévation à la culture, et le lieu de l’intégration à l’âge adulte et à la société. Pourtant, le système éducatif est en panne car il échoue à rencontrer ces impératifs premiers.
Le problème de l’éducation actuellement c’est que son système est engoncé dans un autre système, celui de l’économie, de la compétition, de la consommation et de la spéculation. L’éducation s’est écartée de son objectif social et sociétal pour intégrer un objectif plus à la mode : l’économie de marché. Le savoir n’est plus intégré mais consommé. Les programmes sont normalisés et standardisés au lieu d’être libres et sources d’inspiration. L’évaluation discrimine les élèves au lieu de les aider à progresser. Des jeunes s’ennuient au lieu de s’épanouir et des professeurs sont coincés dans un programme à respecter.
Le problème lié au système éducatif vient du fait que nous avons persuadé insidieusement les élèves, les professeurs, les parents et la société entière que le droit à l’erreur était banni… Nous avons instauré l’apprentissage de la certitude alors que nous ne savons même pas à quoi ressemblera le monde dans cinq ans… Nous avons instauré la peur de l’échec et plutôt que d’éduquer les individus, nous avons fabriqué un système scolaire qui reproduit l’inertie méméplexe. Autrement dit, la peur de l’échec (élément devenu objet culturel) est répliquée inconsciemment par les professeurs et retransmise aux élèves dans une logique mimétique de sauvegarde du paradigme. Et tout cela pour supprimer la faute, pour lutter contre l’erreur, pour résister à l’échec. Mais l’échec de quoi ? En stigmatisant l’échec, le système éducatif se prive d’une prise de risque essentielle et formidable : la contingence, la culture du « pourquoi pas », la pensée alternative ; en somme la créativité. Dans une culture où l’on refuse l’échec et où l’on s’éduque dans la peur, il n’y a pas de place pour la créativité, ni pour la liberté…
Sans compter les désastres que peut avoir l’évaluation sur les élèves : au lieu de stimuler l’apprentissage, les notes sont vécues comme une forme de prix ou de sanction et sont donc source d’angoisse et de stress. Les notes ne donnent aucune indication sur le « comment progresser ? » mais donne une information très précise sur le rang… car « elles sont utilisées de façon normative », autrement dit elles comparent les élèves entre eux. En réalité, « ce ne sont pas les notes qui induisent une culture de la peur mais c’est la culture qui s’en sert comme d’un bras armé » (1) : elle structure l’esprit de compétition et elle est un outil de classement puis de sélection.
Les effets de cette calamité ne sont pas durs à cerner : crispation, échec scolaire, décrochage des professeurs, ennui général et frustration…
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