Le 8 octobre 2003, j’animais la table ronde du matin pour fêter les 30 ans des procédures d’orientation organisé par le GREO ! 2013 approche à grands pas ainsi que l’horizon du quarantième anniversaire cette fois-ci. A moins, à moins qu’une décision courageuse ne soit prise par Vincent Peillon : la suppression des procédures d’orientation.
Je vais reprendre ici l’introduction que j’avais préparée pour ouvrir cette table ronde ainsi que quelques textes que je viens de trouver sur le net.
Introduction de la table ronde
Le système de formation que nous connaissons aujourd’hui en France est à l’époque un ensemble d’organismes séparés, parfois étanches, relevant de ministères différents ou d’autres organisations, et l’histoire des procédures est liée à l’histoire de la mise en système comme le rappellera sans doute Antoine Prost cette après-midi.
Je rappellerai quelques caractéristiques de ces éléments dans un premier temps, et ensuite je ferai un rappel rapide de l’état des lieux juste avant 1959 sur l’aspect « circulation des élèves » et notamment :
- Le développement du Décret de 1938, qui place maintenant les conseillers en position dominante dans le rapport entre l’école primaire, l’apprentissage et l’enseignement technique.
- L’articulation entre l’école primaire et après. Se fait sur la base d’une commission départementale alimentée par des « observations » de trois ordres : des résultats scolaires, des appréciations des instituteurs, et des tests psychotechniques (depuis 1956). L’examen d’entrée en sixième a été supprimé en 1956. Liaison entre OS et OP.
- Il existe une réglementation très ancienne (1880) qui concerne le passage en classe supérieure, basée sur le jugement professoral (notation et appréciation), avec un système d’épreuves scolaire s’il y a doute entre les enseignants. Ceci concerne le secondaire c’est-à-dire le lycée.
- Une aide, « inorganisée administrativement », mais encouragée, pour les rebus du système. Directive aux chefs d’établissement, utilisation des centres.
A la suite de la première guerre mondiale, le thème de l’école unique fut lancé. Le Front populaire étend ce slogan à l’école moyenne, ce qu’on appelle aujourd’hui le collège unique. Et l’on constate que parallèlement aux avancées sur l’entrée en sixième de lycée des élèves provenant du primaire, on assiste à une augmentation de la fonction de contrôle des élèves attribuée à cette première année de scolarité dans le lycée.
Il y a donc deux moments où l’observation de l’élève est réclamée pour fonder une décision, le moment de l’articulation école primaire et ensuite, et le moment de la sixième comme sas d’entrée.
Cela pose un double problème : quelle est la nature de ces observations qui vont fonder le jugement d’entrée, de poursuite ou de sortie, d’une part et d’autre part, y a-t-il d’autres professionnels que les enseignants considérés comme des experts ?
Cela introduit des conflits potentiels :
- Entre le pouvoir professoral et le pouvoir administratif ;
- Entre le pédagogique et le psychologique ;
- Entre les trois psychologues disponibles (Conseillers d’Orientation, Psychologues scolaires)
- Entre l’administration et les familles.
Rajoutons pour finir quelques éléments d’ordre politique Cette réforme est l’une des toutes premières réformes de la période gaullienne et le démarrage de la cinquième république. D’une certaine manière elle s’inspire du plan Langevin-Wallon en reliant le besoin social de démocratisation de la scolarisation d’une part, et d’autre part le besoin économique de la production notamment de techniciens et de cadres.
A un an du quarantième anniversaire
Les « nouvelles procédures d’orientation » ont répondu à ces différentes questions. Le poids de la « performance scolaire » évaluée par notre système de notation s’est renforcé dans le processus de l’orientation. D’une certaine manière, le combat d’Henri Piéron pour la docimologie a été perdu.Jean-Paul Sauzède dans son article Les notes et l’orientation ou comment le système scolaire distille ses élites… pp. 9-11 du bulletin syndical Inspecteur aujourd’hui n° 75- 2011 formule cette hypothèse qui me semble assez juste.
« … le corps enseignant vivait l’intrusion des « orienteurs » dans les établissements comme une prise de pouvoir remettant en cause leurs pratiques et jusqu’à leur existence même, puisque les décisions d’orientation se seraient fondées sur la détection d’aptitudes indépendantes des résultats scolaires…
Nous faisons l’hypothèse que la résistance des enseignants à cette intrusion s’est manifestée par une crispation durable sur les pratiques de notation (le professeur reste le maître dans sa classe), crispation qui fut, en France, à la mesure des efforts déployés par Piéron et ses collègues pour remplacer les examens par les tests. » (p. 5)
De mon côté j’ai beaucoup écrit sur ce blog et ailleurs à propos des procédures et de la notation. Il vous suffit d’explorer ce blog. Mais je voudrais vous indiquer un article que je viens seulement de repérer : Des professions et leurs doutes : procédures d’orientation et décisions de « réorientation » scolaire en fin de seconde, de H. Buisson-Fenet . Je vous invite à le lire bien sûr et à méditer sa conclusion :
« Le souci moral que produit l’exercice délibératif sur la réorientation a sans doute partie liée avec le sentiment trouble qu’un « lycée pour tous », du moins dans sa première année, devrait prolonger le « collège unique ». En toute logique, la remise en cause du collège unique permettrait de reporter le dilemme en amont. Reste à savoir si l’on doit accepter de payer la fin du « malaise enseignant » d’un tel prix ? »
Il y a bien sûr un prix à toute refondation et à tout changement sérieux. Si ce n’était pas le cas…
Bernard Desclaux
Crédit photo : l’article sur http://placedenseignement.com/index...