Voie professionnelle
Le CEREQ vient de publier une étude[1] dont les contributions sont issues des travaux du groupe de travail sur l’enseignement supérieur (GTES) qui réunit des chercheurs issus de divers organismes d’observation de l’enseignement supérieur. Ces travaux, menés de 2016 à 2019, portent aussi bien sur le public de la formation initiale que celui de la formation continue. Le projet général : « Le type de baccalauréat, les diplômes intermédiaires, les stages en cours d’étude, l’apprentissage… sont autant de composantes qui redessinent les parcours et influent sur les premières années de vie active. Comment se répartissent les jeunes dans ces nouveaux parcours en formation initiale ? Quels en sont les effets sur l’insertion et le rapport au travail ? »
L’atteinte de l’objectif des 80% niveau bac s’est fait en particulier par une énorme progression de la voie professionnelle et technique. L’objectif des 50%, et maintenant des 60% au niveau licence, se fait également par le développement des formations professionnelles : accès facilité aux BTS et DUT, création de la licence professionnelle, troisième année du DUT. On avait observé une demande de poursuite d’études au-delà des diplômes professionnels (Bac pro, BTS et DUT). « Le même phénomène s’observe au niveau supérieur puisque, actuellement, près de 30 % des diplômés de licence professionnelle poursuivent leurs études, alors qu’il s’agit d’un diplôme selon l’institution, à l’entrée sur le marché du travail. »[2]
Du coup l’Université se trouve sous la concurrence des formations professionnelles courtes (de moins en moins courtes) et des classes préparatoires aux grandes écoles, pour alimenter leurs premières années.
La structuration et la sélectivité
« En France, contrairement à ce qu’on dit le plus souvent, il n’y a pas deux enseignements supérieurs (les universités et les « grandes » écoles), mais, en réalité, si l’on regarde les principes de fonctionnement, les sociologies et les débouchés, au moins trois enseignements supérieurs hiérarchisés et fonctionnellement différenciés : les filières très sélectives, les filières moyennement sélectives et les filières apparemment peu sélectives, mais qui reposent sur l’élimination différée ou les parcours complexes, les universités stricto sensu qui d’ailleurs en leur sein créent des sous-ensembles sélectifs. Au bout du compte, elles sont aussi très sélectives, compte tenu du taux d’abandon, si bien qu’elles produisent moins de diplômés que les systèmes officiellement sélectifs. »[3]
Jusqu’à présent, la sélection se faisait « au fil de l’eau », tout au long de la formation, par éliminations successives et abandons. Mais Parcoursup a introduit une nouveauté : la sélection à l’entrée avec d’une part les « attendus », les auto-critères universitaires, et la réponse « ou-si ».
L’excellence
Ces dernières années, l’évaluation internationale de l’enseignement supérieur a provoqué des réorganisations importantes des établissements. En particulier sous l’argument de la taille réduite de nos établissements de nombreux regroupements ont été lancés. Mais la taille n’est pas la seule raison. Ainsi, « Les différentes mesures prises depuis 2005 vont toutes dans le sens, non de la démocratisation, mais de l’élitisation, de l’alliance des forts entre eux contre les faibles abandonnés à leur triste sort (politique des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), plan Campus, agences de financement de la recherche (ANR : Agence nationale de la recherche, AERES puis HCERES : Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement ; Haut conseil à l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), plus récemment LabEx, Equipex, Idex (Laboratoires d’excellence ; Équipements d’excellence ; Initiatives d’excellence ) financés par le « grand emprunt », recherche des laboratoires financée sur contrats au détriment des ressources récurrentes). »[4]
Les régions sont également largement impliquées dans l’accompagnement de ces opérations. Responsables de plus en plus de la formation professionnelle, l’enseignement supérieur est un outils de développement pour les habitants mais aussi un appel pour faire venir non seulement des étudiants, mais aussi des entreprises.
Le/les territoires
Même si en effet les régions se sont engagées dans le développement des structures de formations supérieures il reste que la région parisienne à elle seule propose 30% des capacités de formation nationale.
Des villes moyennes ont facilité l’installation d’IUT ou des premiers cycles universitaires. Ces projets supposent de mettre en rapport des questions de formations, des liaisons avec les besoins et les capacités des entreprises locales, les capacité immobilières pour héberger certains étudiants.
Explications des échecs…
Christophe Charle conclu son papier, cité précédemment, par une recherche d’explications de l’échec d’une réforme d’ensemble de l’enseignement supérieur des divers gouvernements qui se sont succédés.
« La première origine des échecs successifs, l’esquisse antérieure l’a montré, c’est l’improvisation de la plupart des réformes. Les gouvernements et en particulier les ministres de l’Enseignement supérieur ou de l’Éducation nationale ont agi ou agissent de plus en plus dans l’urgence et en fonction de diagnostics conjoncturels, alors qu’il faut résoudre des problèmes structurels de longue durée qui mettent en jeu des processus sociaux et culturels de grande ampleur. »
La deuxième raison qu’il propose serait : « La diffusion des principes du « new public management » étendue aux universités heurte de plein fouet les mêmes secteurs puisque les critères d’évaluation sont hétérogènes par rapport à leur mode de fonctionnement. » Et l’un des effets dévastateurs porte sur le recrutement des personnels sous des contrats précaires.
Enfin, « Le processus sélectif esquissé par « Parcoursup » est masqué par le mystère de la technologie et des algorithmes obscurs que seraient censés utiliser les bureaux universitaires, contes pour étudiants de l’ordre du petit chaperon rouge. Le grand méchant loup n’est pas dans l’ordinateur, il est dans les structures du jugement scolaire de l’enseignement secondaire et dans les fantasmes qu’entretiennent les médias sur les « bonnes études » à faire ou pas. »
Ce comportement d’évaluation-sélection sera l’objet au moins d’un des prochains articles, mais le prochain sera consacré aux inégalités sociales au sein de l’enseignement supérieur.
Bernard Desclaux
http://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2021/03/15/les-nouveaux-paysages-du-superieur/
[1] Couppié Thomas (Coord.), Dupray Arnaud (Coord.), Gasquet Céline (Coord.), Lemistre Philippe (Coord.), Enseignement supérieur : nouveaux parcours, nouveaux publics, Céreq Essentiels, n° 3, 2021, 146 p. https://www.cereq.fr/enseignement-superieur-nouveaux-parcours-nouveaux-publics
[2] Philippe LEMISTRE, Introduction, Enseignement supérieur : nouveaux parcours, nouveaux publics, Céreq Essentiels, n° 3, 2021, 146 p. https://www.cereq.fr/sites/default/files/2021-02/Introduction_0.pdf
[3] Crises universitaires et réformes en France, par Christophe Charle, le 16 février 2021 https://laviedesidees.fr/Crises-universitaires-et-reformes-en-France.html un chapitre de L’université pour quoi faire ?, qui paraît le 17 février 2021 aux Puf/Vie des idées, sous la direction de Stéphane Beaud et Mathias Millet.
[4] Christophe Charle, déjà cité