Le débat ouvert par le ministre de l’éducation, Vincent Peillon, autour de la refondation de l’école témoigne de la volonté d’agir sur tous les leviers, conjoncturels, liés à l’augmentation prévu des moyens, 60000 ETP en cinq ans, promesse de François Hollande, mais aussi structurels, en réorganisant l’architecture de notre système éducatif.
Personne ne comprendrait que ce dialogue républicain ne débouche que sur des mesurettes permettant de gommer à la marge le fonctionnement même de l’école et n’ait l’ambition de lui redonner santé et vigueur au profit des élèves et en premier lieu de tous ceux qui fréquentent les bancs de nos écoles maternelles et élémentaires.
Depuis la loi Guizot de juin 1833, les communes ont la charge des écoles qu’elles ont l’obligation de créer et d’entretenir comme le prévoit le code de l’éducation. Propriétaire des locaux, la commune en assure la construction, l’entretien et le fonctionnement alors que le maire ou son représentant siège au conseil d’école sans se mêler des contenus et programmes définis nationalement.
Pour autant la place et le rôle des communes ont évolué depuis les premières lois de décentralisation par lesquelles ont été figé le niveau de compétence des collectivités confortant la relation charnelle entre les écoles et leur territoire de prédilection : la commune.
Ainsi, au- delà des compétences obligatoires, de nombreuses collectivités ont fait le choix d’investir dans l’éducation sous différentes formes : la création des projets éducatifs locaux, l’accompagnement scolaire, les activités périscolaires ou encore la restauration des enfants.
C’est dans le cadre de ces évolutions que de nombreux rapports ont émergé ces dernières années, posant la double question du statut juridique des écoles et de celui des « oubliés de la république », les directeurs d’école.
Le rapport de la commission Fauroux en avril 1996 évoquait déjà la possibilité d’attribuer au directeur d’école le statut de chef d’établissement. Par la suite, le rapport Pair reprit cette suggestion et proposa de créer un établissement public d’enseignement de premier degré ayant pour vocation de rassembler les écoles relevant d’un même collège.
Une proposition de loi (Reiss, Apparu) déposée en 2008, jamais examinée, offrait la possibilité, comme prévu par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, d’expérimenter les EPEP.
Enfin, de manière plus récente en 2010, le rapport du député Frédéric Reiss missionné par le premier ministre d’alors, François Fillon, revenait à la charge pour revoir l’organisation territoriale du service public d’éducation en consolidant les regroupements d’écoles ( environ 5000 écoles à une classe et 32 000 de une à cinq classes), en proposant la création expérimentale des E2P pour les écoles à plus de 14 classes et en confortant les directeurs d’écoles comme « leaders pédagogiques » (sic).
Le débat avait une nouvelle fois rebondi en mars 2011 alors que le sénat avait à l’unanimité, sur proposition du groupe socialiste, abrogé la possibilité d’expérimenter les EPEP pour une durée de cinq ans en supprimant l’article 86 de la loi du 13 août 2004.
En effet, prévue dans la loi de 2004, l’expérimentation des EPEP n’a jamais été mise en œuvre même si les regroupements d’écoles maternelles et élémentaires sous couvert d’un seul établissement et d’un seul directeur représentaient un solide instrument de la RGPP.
Chacun se souvient du mécontentement des organisations syndicales et des élus locaux dénonçant et redoutant à raison les effets pervers de la mise en place des EPEP à travers la fermeture de classe notamment en milieu rural.
Le contexte, à l’aube de la rentrée 2012 et des engagements du Président de la République, a changé, garantissant la priorité donnée au service public d’éducation et en premier lieu aux écoles maternelles et élémentaires.
L’augmentation du nombre de postes permettra assurément dans nos écoles publiques d’éviter les fermetures programmées, les regroupements intempestifs et la désertification scolaire et même, pourquoi pas, la réouverture d’écoles hier closes.
Trente ans après les premières lois de décentralisation, il est temps d’entamer un nouveau virage en évitant de faux débats. Nos écoles ont moins besoin d’un statut juridique que de politiques éducatives locales et en premier lieu celles des communes et des départements.
L’interventionnisme communal dans ce champ est aujourd’hui remarquable. Il est temps de donner corps à une véritable continuité éducative pour l’accompagnement du passage de l’enfance à la vie d’adulte autonome.
C’est pourquoi, à l’image de l’Appel de Bobigny signé en 2010 par les syndicats, les fédérations de parents d’élèves, les mouvements d’éducation populaire et de nombreux élus locaux, un nouveau pacte éducatif doit être co-construit et partagé avec les collectivités territoriales.
Après avoir assumé avec détermination la responsabilité de la construction, de la rénovation et de l’entretien de ces établissements, les collectivités territoriales ont largement dépassé, de façon volontariste, les missions dévolues par la loi pour contribuer à l’amélioration des conditions de vie et d’étude de toute la communauté éducative, en particulier par la création et le développement des projets éducatifs locaux.
Le débat ouvert par Vincent Peillon sur les rythmes scolaires en est un formidable exemple. Il serait en effet insuffisant de réduire le débat à la simple question du temps passé à l’école. C’est toute la logique du projet de la Ville de Lomme lancé à la rentrée prochaine, intitulé ATE –Aménagement des Temps de l’Enfant- entre le temps scolaire, périscolaire et extra scolaire.
A quoi servirait –il de régler les problèmes de rythme sans répondre en même temps à l’utilisation de celui-ci ?Sur ce thème, la place des collectivités et de leur compétence éducative est cruciale.
Les parcours éducatifs inventés et construits avec les enseignants répondent à ce souhait d’une complémentarité du travail et du rôle de chacun pour assurer une continuité éducative sur tous les temps et espaces d’activités de l’enfant. Les attentes des familles et des enseignants sont simples : rompre avec la semaine de quatre jours en réintroduisant le mercredi matin et en concentrant le temps scolaire sur les matinées, améliorer la pause méridienne pour en faire un temps de repos, construire un temps périscolaire qualitatif.
La loi doit à présent reconnaitre aux communes, aux départements et aux régionsleur qualité d’acteurs éducatifs aux côtés de l’Education Nationale tout comme l’importance de leurs projets éducatifs locaux pour assurer l’égalité éducative territoriale attendue par tous.
Enfin, il paraîtrait normal d’accorder aux directions d’écoles pour leur engagement au quotidien, pour leur travail et leur compétence au sein des écoles, une meilleure reconnaissance de la République en leur attribuant une rémunération et un temps de décharge plus importants qu’aujourd’hui.
Olivier Caremelle,
Fondateur du C.E.D.R.E , Conseiller délégué à l’éducation Lomme