La crise mondiale que nous traversons, créée par un phénomène sanitaire sans précédent, montre paradoxalement les limites et les manques d’une mondialisation qui semblait inéluctable quoique décriée.
Nous ne pourrons plus accepter, même lorsque le danger sera écarté, si tant est qu’il le soit un jour, de dépendre d’un pays tiers pour nos approvisionnement en médicaments, ou principes actifs, matériel médical ou paramédical…Il y aura une nécessaire relocalisation d’activités vitales à l’intérieur de nos frontières : la nation comme modérateur de la mondialisation.
Cette crise installe clairement la suprématie de la solidarité nationale face à l’égoïsme individuel ou régional.
C’est à l’échelle de la nation que le confinement est décrété afin que la responsabilité de chacun s’exerce pour le bien de tous. C’est également à cette échelle là que se conçoit désormais l’offre de soins avec déplacement des malades d’une région très touchée à une autre encore relativement épargnée. Tous les moyens sont réquisitionnés, public, privé, armée…Il n’est plus question de médecine à plusieurs vitesses !
Et l’état, tout d’un coup, redevient providence, balayant entre autres la vision à court terme qui a refusé à l’hôpital public les moyens qu’il réclame depuis des années et à la recherche les mêmes moyens que le gouvernement promet de lui accorder dans l’urgence. Etat providence, c’est le cas de le dire puisque c’est lui qui s’engage à garantir le salaire de tout un chacun, la survie de nos entreprises et de nos entrepreneurs indépendants ou non. C’est lui qui s’engage à hauteur de 300 milliards d’euros pour garantir les prêts bancaires qui seront nécessaires à la pérennité de notre tissu économique. Il fait au passage fi des directives européennes limitant le déficit public à hauteur de 3% du produit intérieur brut.
C’est bien l’état nation qui tente de rétablir les équilibres mis à mal par une cause aussi soudaine qu’imprévisible.
Il serait mal venu de lui reprocher son impréparation alors qu’il n’était vraiment plus dans l’air du temps depuis des lustres. Nous le pensions nettement dépassé et pour tout dire obsolète et impuissant, en tous cas incapable de nous garantir stabilité politique, libertés et bien être matériel comme il le faisait encore il y a quelques dizaines d’années. C’est pourtant lui qui fait preuve d’une incroyable réactivité en ces temps difficiles. Il remet même au gout du jour un processus que l’on pensait enfoui dans les mémoires de l’histoire de l’économie : la nationalisation. Il en est question pour quelques entreprises vitales pour le pays.
S’il fallait un indicateur supplémentaire de l’omniprésence actuelle du concept de nation, on le trouverait dans la dénomination du programme lancé par les chaines publiques de radio et télévision : « Nation apprenante ». C’est ainsi qu’est baptisé le corpus de podcasts et vidéos mis à disposition en lien avec les programmes scolaires.
Que l’on ne s’y trompe pas, c’est de nation démocratique qu’il est question ici, car c’est d’elle et d’elle seule, à cause de l’adjectif fondamental qui lui est accolé, que l’on peut accepter les restrictions des libertés individuelles qui nous sont momentanément imposées. C’est elle et parce qu’elle est démocratique qui peut demander à certains de ses citoyens, personnels de santé en particulier, des sacrifices incroyables que les reconnaissances financières qu’elle s’engage à leur accorder ne pourront jamais compenser.
Une fois tout ceci terminé, elle devra, parce qu’elle est démocratique, rendre des comptes sur les choix qu’elle a fait et sur sa gestion de la crise…mais on peut espérer qu’alors, à l’heure des comptes justement, évasion et fraude fiscale ne seront plus de mise pour la priver de ses moyens indispensables car on saura alors que la santé n’a pas de prix.
Dernière modification le lundi, 06 juillet 2020