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« Non vraiment je reviens aux sentiments premiers
l'infaillible façon de tuer un homme
C'est de le payer pour être chômeur
Et puis c'est gai dans une ville, ça fait des morts qui marchent. »

Felix Leclerc, Les cent mille façons de tuer un homme ? Crise d’octobre 1970 au Québec

Nous aurons tous et toutes en mémoire le vécu de ces années 2020- 2021 marqué par le risque d’être une victime de l’épidémie venue de Chine et par « l’état d’urgence sanitaire » que décréta le Président de la République Française, décret du 17 octobre 2020 suivi de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire.

Le temps est venu d’un partage collectif des résonances de ces deux années. La transmission de notre perception de l’état de la société serait insuffisante si elle ne provoquait pas débats et controverses.

Des thèmes sont apparus comme utiles à la poursuite du partage d’une vie collective qui est le propre de la démocratie :

- La fragmentation effective de la population française en catégories.

- L’individualisation des intérêts privés par médias interposés suite à la fragmentation de la population

- La perte du sens de la collectivité et de la valeur travail.

- La valeur de la qualification comme droit au travail.

- La dynamisation de la production avec la technologie : la question de la valeur du travail.

- La proposition des acteurs de terrain de l’éducation et les orientations institutionnelles.

- L’éducation et le droit à « la qualification du travail », bases de la démocratie.

La fragmentation effective de la population française en catégories.

Ce qui surprend en ce début d ‘année 2021, c’est la fragmentation de la population au nom de la sécurité sanitaire.

Il y a les commerçants qui ont des magasins essentiels et ceux dont le commerce ne serait pas essentiel.

Il y a les jeunes qui perturbent la vie des adultes. Mais à bien regarder les images qui en montrent des regroupements conviviaux et festifs, ces jeunes font partie de la population de 25 à 35 ans qui débutent dans la vie active et créent des espaces de parentèles avec enfants : ils tentent de rendre joyeux un présent aux lendemains incertains et ils deviennent la cible du gouvernement et d’une partie de la population.

Il y a des tranches d’âge qui ont droit à des traitements médicaux sans attendre et ceux dont les traitements sont reportés.

Il y a les étudiants interdits des espaces universitaires dans la grande précarité économique mais aussi dans la grande inquiétude quand leur formation n’a plus de repères à la différence des étudiants des grandes écoles.

Il y a dans les administrations de l’Etat un personnel qualifié par la reconnaissance de leur formation et les contractuels pour qui cette formation n’est pas exigée.

Il y a les ainés dans les EPHAD et le personnel soignant.

Il y a ceux qu’on applaudit et ceux que l’on subventionne.

Et ainsi de suite. …des réactions s’enchainent :

Ces jeunes qui participent à des regroupements sont présentés comme des dangers pour leurs ainés. Ils focalisent sur eux un certain nombre de critiques émanant aussi bien de leurs pairs que de leurs ainés.

Tel professionnel qui dans le contexte local transgresse une règle qu’il trouve injustifiée devient de ce fait un opposant à ses confrères qui eux suivent les instructions.

La société est divisée en autant de catégories définies par le pouvoir comme des faits irréfutables donnant des droits et des servitudes : le droit à obtenir les subsides de la survie et le devoir de respecter toute une réglementation qui peu à peu s’inscrit dans la loi.

Ces règles sont décidées dans le secret du cabinet présidentiel, elles sont une réponse à la pandémie qui impose un état d’urgence décrété par le Président de la République et elles risquent de perdurer au- delà de la crise par des décisions parlementaires.

Une contradiction apparaît, elle oppose l’aspect théorique de l’égalité des droits de l’Homme et du citoyen à la validité pratique de droits et devoirs que le gouvernement attribue aux citoyens suivant leurs caractéristiques personnelle, sociale et professionnelle.

En l’absence de tout débat sur leur bien fondé, ces mesures gouvernementales présentées comme transitoires risquent de s’inscrire durablement dans les mentalités et dans la production.

Ces prises de position, qui soutiennent telle catégorie professionnelle sans prise en compte de la collectivité, nient que l’ensemble des activités fait le ciment d’une société. Elles créent aussi une division de la société en catégories concurrentes suivant leurs droits et leurs obligations.

Cela n’annonce-t-il pas des affrontements au sein même de groupes sociaux dont les intérêts convergent et que les groupes d’influence transforment en adversaires ?

La discrimination générale en groupes différenciés auxquels une décision gouvernementale attribue d’autorité des droits ou des contraintes, est inscrite dans l’Histoire comme annonce soit d’un régime totalitaire qui s’appuie sur la division de la population, soit de guerres civiles entre fractions de la population.

L’individualisation des intérêts privés par médias interposés suite à la fragmentation de la population.

Les médias se font l’écho de cet éclatement de la société en un grand nombre de groupes d’intérêt allant de la Société anonyme à la grande pauvreté. Eux-mêmes vivent l’éclatement de l’information par des horaires imposés par une succession d’informations brèves l’une chassant l’autre dans l’urgence de la dernière minute et le plus souvent sous contrôle et injonction.

Cet émiettement des informations alimente les angoisses d’une population qui est ballottée d’un côté puis d’un autre dans un spectacle médiatique qui n’a rien de culturel.

Il renforce l’atomisation de la population en s’adressant tantôt aux uns tantôt aux autres quand les décisions gouvernementales médiatisées détaillent les propositions à l’égard de telle ou telle profession, telle ou telle catégorie.

Cette première segmentation de la société est complétée par la procédure individuelle nécessaire à appliquer pour obtenir par exemple une subvention, chaque individu est le demandeur d’un avantage ou d’une mesure spécifique. Cette seconde segmentation oppose une procédure collective d’acquis à une performance individuelle pour obtenir un droit.

Cette double atomisation de la population en catégories et en procédures individuelles pourrait n’être qu’éphémère. Le sens du vivre ensemble, de la solidarité collective pourrait renaître une fois écartée la peur d’une crise majeure, comme une pandémie.

Les injonctions gouvernementales seraient alors oubliées et les contraintes donneraient lieu à des débats démocratiques.

La perte du sens de la collectivité et de la valeur travail.

Cette vision utopique se heurte aux constatations médicales portant sur les marques psychiques et psychologiques laissées par des contraintes vécues dans des situations de pression sociale, de peur et dans un contexte mortifère.

Dans le contexte de la pandémie, ces répercussions sont prises en compte dans un second temps.

Pour asseoir sa décision et l’imposer, le pouvoir politique a choisi de s’appuyer essentiellement sur 2 disciplines l’épidémiologie utilisée comme moyen d’information quotidien et la réanimation comme limite adaptative.

La psyché de chaque membre de la société devient porteuse de ces informations univoques proposées par le gouvernement et en accepte les conséquences dans un contexte de sidération proche d’un comportement de servitude volontaire.

En s’inscrivant dans les mentalités de chacun, les conséquences d’une telle politique imprègnent le sens que chacun donne à la vie collective et personnelle. 

Si le questionnement de ce temps vécu et de l’identification des parties immergées des injonctions gouvernementales réclame pause réflexive et débats contradictoires, ce questionnement ne peut attendre pour l’éducation des enfants scolarisés à 3 ans et pour les adolescents qui ressentent consciemment et inconsciemment les effets de la crise sanitaire et de la gestion gouvernementale sur eux-mêmes et sur leur entourage.

Les psychologues et les psychiatres font progressivement part de la charge que font porter sur eux les décisions gouvernementales qui affectent profondément la vie des parents, des parentèles, des éducateurs, des enseignants soit tous ceux qui sont proches d’eux.

Quand la fragmentation de la population affecte l’enfant dès son plus jeune âge, il apparait nécessaire qu’il trouve des appuis dans sa proximité pour en assurer la résilience.

L’éducation nationale qui accueille les enfants à partir de 3 ans peut participer à cette résilience. Il faut alors qu’elle ait une certaine indépendance vis à vis des décideurs dont les injonctions paradoxales ont provoqué doute et angoisse.

Cette séquence de la vie des enfants et des adolescents renforce la nécessité de donner un temps à l’accueil tout au long de la scolarité comme le développent les publications sur le thème de « savoir accueillir ».

La prise en compte de la fragilité psychologique, psychique et comportementale créée par la crainte d’une contamination et les normes sociales imposées par la déclaration d’un état d’urgence sanitaire ne doit pas faire ignorer les effets que cette crise sanitaire et cet état d’urgence sanitaire provoquent sur la production nationale. Ainsi, les notions d’essentiel et de non essentiel, attribué à la valeur d’un travail dans la production collective ont deux effets. Elles nient le rapport relationnel de certains commerçants avec leur clientèle et favorisent le développement des plateformes de vente en ligne qui éliminent le rapport humain commerçant client. Elles créent une dissymétrie entre la production de la petite et moyenne entreprise et les groupes financiers internationaux gestionnaires de sous-traitance. Elles privilégient une production dépendante d’une technologie, le numérique et l’informatique, au dépens des rapports sociaux.

De même Les critères d’attribution de droits et de devoirs des sociétés anonymes ou des personnes physiques instaurent des modes de production dans les deux cas qui sont basés sur des démarches individuelles tributaires de la décision du pouvoir politique.

Dans les deux situations, la valeur du travail de la personne dans la production dépend de l’appréciation d’une décision gouvernementale et non de la qualification dont il est détenteur.

La valeur de la qualification comme droit au travail.

Le retrait du droit d’exercer une activité à quiconque par décision même rationnalisée du gouvernement revient à nier toute vie sociale au citoyen. Une contradiction existe entre le droit de participer à la production collective et son retrait par décision gouvernementale parce qu’elle considère qu’un citoyen n’est pas un acteur « essentiel » de la production collective.

Par ailleurs, quand pour compenser cette exclusion de la vie collective, le gouvernement propose d’avoir des « aides directes ou indirectes » prises sur les ressources de la collectivité par une demande individuelle, il substitue une attribution personnalisée à l’action collective de solidarité.

La question est bien celle que chacun soit reconnu comme un participant à part entière de la vie collective.

Elle est que chaque citoyen ne soit pas dépendant d’une allocation qui le désolidarise du mode de production, elle est qu’il ne soit pas celui qui est à la disposition de celui qui le paie à ne rien faire pour être disponible pour toute éventualité. Un cinéaste documentaliste résumait l’enjeu de cette situation en citant un propriétaire viticole qui proposait un traitement social de ses employés correspondant à des vacuités saisonnières : « vous savez, je les loge, ils sont disponibles…il y a toujours un grenier à balayer… »

Quelle valeur dans la production était attribuée à la qualification professionnelle de ces vignerons ?

Une contradiction existe entre la reconnaissance que la collectivité attribue à chaque citoyen qui participe à l’appareil de production et l’attribution par un gouvernement ou par un employeur d’une aide pour qu’il cesse de participer à la production.

La substitution de la valeur du travail reconnue par la société par une attribution financière de survie pour cesser d’être cette valeur, a pour conséquence d’amener celui dont le travail a perdu toute valeur à se retirer dans son monde privé comme le décrivait en 1990 Olivier Schwartz dans Le monde privée des ouvriers, Hommes et Femmes du nord (PUF 1990).

L’aide apportée est le résultat d’une contractualisation entre un individu et une institution que mettent en évidence les démarches individuelles nécessaires à l’accès aux « aides directes ou indirectes » de l’Etat. Par cette décision, l’Etat d’urgence met en place un clivage entre la valeur du travail reconnue comme qualification donnant un droit et le contrat de travail défini par un employeur, personne morale ou personne physique, avec un employé. Dans les services et les agences de l’Etat, le recrutement de contractuels pour suppléer la faiblesse des recrutements basés sur la qualification en est un exemple que la situation d’urgence sanitaire a permis de développer.

Dans ce cadre, la valeur du travail défini comme qualifié par les organismes représentant le corps social concerné est à distinguer d’une compétence simplement reconnue par un employeur, personne physique ou morale, qui définit un contrat de travail. D’un côté, la qualification, soit la valeur reconnue du travail, donne un droit au travail, dans l’autre la compétence utile à l’employeur soumet la valeur travail non à la qualification mais à une adaptation à une demande sous la forme d’un contrat. Le choix d’une politique contractuelle s’oppose à celle qui considère la valeur de la qualification comme droit au travail.

Deux modèles de la conception de la valeur attribuée au travail dans la production, intellectuelle ou matérielle, existent.

Dans l’un, la qualification acquise avec les acteurs de la profession reconnaît que la valeur du travail est un droit au travail, elle est la reconnaissance du droit au travail relevant de la qualification concernée.

Dans l’autre, le contrat institue cette valeur non en fonction d’une qualification mais de compétences attendues par l’employeur, elle dépend de la décision de l’employeur.

Une politique, qui préconise une organisation contractuelle de la production, donne la priorité à l’employeur et à la notion de compétence propre à ses besoins.

La négation de la valeur du travail qualifié au profit d’un contrat correspondant aux compétences attendues par l’employeur ne risque-t-elle pas d’aboutir à la création de graves dérèglements dans la production collective ?

L’Histoire nous apprend les conséquences d’une telle politique qui provoque l’abandon de qualifications qui feront par la suite défaut à la production collective.

Quand la valeur travail est obtenue par la reconnaissance de ses pairs, elle s’appuie sur une collectivité qualifiée par sa valeur dans le procès de la production collective.

Quand cette valeur est dépendante d’une personne juridique, physique ou morale, elle puise dans les termes du contrat son évaluation dépendant non de la qualification mais des compétences attendues par l’employeur.

Les choix idéologiques de l’employeur imposés dans un contrat ne risquent-t-ils pas d’agir sur la production en créant soit un état de servitude soit une dérive autoritaire qui modifie les modalités d’information et de consultation des instances représentatives des contractants et qui met en danger la production collective ?

La collectivité qui représente la qualification est un contre-pouvoir qui a son éthique et sa déontologie, elle permet que la convention passée entre un employé et un employeur, personne physique ou morale, ne soit plus dissymétrique et que la controverse s’instaure non sur les compétences attendues mais sur l’apport des qualifications dans le procès de la production.

La dynamisation de la production avec la technologie : La question de la valeur du travail.

Dans la confrontation entre ces deux modèles de reconnaissance de la valeur du travail, des théoriciens et des idéologues définissent des orientations qui servent à appuyer les décisions gouvernementales et excluent toute controverse et débat scientifique. Ces orientations depuis le 18ème siècle s’appuient sur l’introduction de plus en plus performante de la technologie à la base de la création par exemple de robots.

Or un robot est à la fois lui-même l’objet d’une production mais aussi l’outil devenant effecteur d’une production.

En 2020-2021, le traitement de la crise par le gouvernement a accéléré un mouvement qui donne de plus en plus de place à la technologie numérique dans la production. Cette accélération se fait sous son double aspect.

Le développement de la technologie numérique dans les procédures de fabrication remplace le principe subjectif de l’activité humaine par le principe objectif d’une succession de procédures exécutées par une chaine de traitement informatique. Dans Le travail sans l’homme ? Pour une psychologie des milieux de travail et de vie (Editions, La découverte 1995), Yves Clot montre comment l’investissement subjectif qui imprègne toute forme de travail en détournant les règles formelles de la chaine de fabrication par l’informel en particulier par le langage et l’aptitude à résoudre la panne du système technologique, permet une régulation des rapports entre l’entrepreneur et les employés.

Cette subjectivité est créatrice de « la qualité au travail » possible médiation entre d’une part l’employeur et son projet d’améliorer la rentabilité de la production par des procédures technologiques et d’autre part les salariés qualifiés et leur vécu du travail : elle nécessite la reconnaissance de la nécessaire qualification du personnel dans le processus de la production. L’activité collective exprimée par les salariés qualifiés sur le processus de la production rend pérenne le fonctionnement de la chaine technologique en ayant une vue générale des procédures technologiques en cours. Elle utilise les ressources des informations recueillies sur la chaine pour permettre le meilleur rendement de la production.

Ce travail collectif est le cœur de l’entreprise et non la technologie qu’il s’agisse de production matérielle ou intellectuelle. Quand la technologie supprime les liens relationnels entre la collectivité et la personne, l’individu s’isole progressivement, perd le sens de la collectivité et la reconnaissance de sa qualification : c’est le risque social et psychologique du télétravail promu par une partie des financiers, des entrepreneurs et le gouvernement.

La triangulation, valeur travail – technologie – choix entrepreneurial, ne se limite pas à la production de biens, elle concerne aussi la production intellectuelle dont l’Education Nationale est un des acteurs. Dans le cadre de l’Education Nationale, elle concerne à la fois l’organisation administrative et les pratiques scolaires.

La proposition des acteurs de terrain de l’éducation et les orientations institutionnelles.

Le traitement gouvernemental de la crise sanitaire a accéléré le mouvement de l’emploi des technologies dans l’enseignement, il donne une priorité aux connaissances numérisées qu’il reconnaît utiles et à leur accès par l’informatique, tout en reconnaissant une place pour les échanges présentiels entre les différents acteurs.

Dans des espaces expérimentaux, enseignants, éducateurs, parents et parentèles ont étudié la place de la technologie en pédagogie et en didactique et les modes de fonctionnement nécessaires à son organisation au cours du siècle précédent.

Ils mettent en évidence la nécessité de préparer les enfants, les adolescents à comprendre la place de la technologie dans une organisation de l’enseignement et de la formation

Ce processus éducatif se fait conjointement à l’utilisation des objets produits pour et par cette technologie dans leur environnement. Parmi les pistes de travail proposées à la communauté éducative, trois retiennent l’attention quand le problème des rapports entre la technologie numérique et l’enseignement est posé.

La technologie est outil pour la transmission des savoirs, elle n’en est qu’une partie matérielle, elle nécessite un apprentissage de l’utilisation des machines mais aussi de leur fabrication comme partie des processus de production dans la société.

La place de la technologie numérique nécessite donc une réflexion d’une part sur les processus sociaux de fabrication et d’utilisation et d’autre part sur l’éthique des procédures qui en permettent la réalisation et l’utilisation. Ces deux domaines font partie de l’éducation en associant transfert de connaissances et formation citoyenne.

Quand le monde de l’éducation et de la formation évite de construire avec les générations montantes dès le plus jeune âge une réflexion collective sur une conception de la production matérielle et sociale qu’introduit la technologie, il désolidarise cette population de l’ensemble de la société dont la technologie fait partie et il ne prépare pas l’élève à être un acteur de la décision dans le triptyque, valeur travail- technologie-choix entrepreneurial.

Cette approche pédagogique et didactique de la technologie numérique est une approche du procès de sa production et de ses usages sociaux.

Une approche technicienne prend en compte les éléments nécessaires à l’utilisation des machines numériques : la dactylographie bureautique en permet l’usage en lien direct avec l’écriture et la lecture et traite des rapports entre l’agilité manuelle et le cerveau, la connectique est la compréhension des procédés techniques qui permettent la sauvegarde du fonctionnement des outils, l’arborescence est la mise à l’œuvre des algorithmes et nécessite que l’utilisateur conserve tout au long de sa consultation son objectif et en comprenne les prérequis .

Cette approche technicienne ne saurait suffire en éducation, elle est de l’ordre de l’apprentissage ; dans la production, elle correspond à une adaptation à un poste de travail.

En éducation, il est nécessaire que les apprenants conduisent collectivement des études sur la valorisation des connaissances apportées par l’usage d’une technologie, sur les usages qu’elle induit et sur les processus sociologiques et éthiques mis en œuvre par les entrepreneurs pour que cette technologie soit produite sous forme de bien.

Cette activité éducative collective envisage que l’usage d’une technologie peut être une ressource pour les pratiques pédagogiques mais non une pédagogie en soi. Elle est une première approche didactique des sciences humaines et sociales en traitant des usages et des modes de production qui lient l’entrepreneur et l’usager.

L’éducation et le droit à « la qualification du travail », bases de la démocratie.

Quand la procédure de l’enseignement promeut le télé enseignement qui a fait ses preuves avec les cours par correspondance destinés aux enfants et aux adolescents contraints à l’isolement, elle crée une individualisation du rapport à une connaissance et isole les apprenants de leur collectivité générationnelle. Ce constat est fait pendant les périodes de confinement.

Il montre la nécessité d’une réflexion sur la place de la technologie proposée par un gouvernement dans l’enseignement et l’éducation.

Dans la promotion du télé travail, la politique publique fragmente la société en catégories ayant des droits et des obligations différenciés suivant les caractéristiques des postes de travail. L’informatique sous son double aspect, collecte de données et distribution de l’information, est un outil au service de ce choix politique.  En individualisant les comportements à la fois dans les pratiques scolaires et dans la production matérielle et intellectuelle, elle met à la marge la vie collective et la construction des savoirs communs pour instituer une seule connaissance, celle qui est détenue par les entrepreneurs de cette technologie et les décideurs qui la promeuvent.

Le citoyen qui a vécu ce temps de retrait de la vie collective sous la double contrainte de la peur d’une épidémie et d’une situation d’urgence sanitaire doit dépasser les comportements imposés par l’isolement. Cet isolement a rompu toute vie collective en la remplaçant par des échanges d’informations modélisés par une technologie. Pour dépasser ces comportements induits par l’épidémie et sa gestion gouvernementale, le citoyen doit faire l’effort de retrouver des comportements d’altérité et de vie collective à la fois dans les espaces privés, publics et de production.

Le retour à ces comportements est une nécessité pour que la démocratie puisse se développer par la reconnaissance de l’égalité des citoyens et de leur autonomie, par la pratique des échanges collectifs nécessaires pour que s’expriment les controverses, par la reconnaissance du droit au travail pour tous basée sur une qualification.

La réaction de cet ainé qui vécut plusieurs états dits d’urgence peut-elle être utile ?

Il ne suffit pas d'être sage

Avec le jardinage.

Par modestie, faire le ménage,

Questionner couvre-feu et radotages,

Ne font que rage.

Ne plus supporter les dérapages,

Reconnaître les escamotages.

Refuser de devenir otage,

C'est le début de la Résistance

Professeur Alain Jeannel  

Dernière modification le vendredi, 25 juin 2021
Jeannel Alain

Professeur honoraire de l'Université de Bordeaux. Producteur-réalisateur. Chercheur associé au Centre Régional Associé au Céreq intégré au Centre Emile Durkheim. Membre du Conseil d’Administration de l’An@é.