Tout en insistant sur ce qui a mieux fonctionné qu'en 2018 - première année de mise en oeuvre de cette plateforme venue remplacer celle qui se nommait "admission postbac (APB)" - ces déclarations et articles mettent en évidence un certain nombre de points qui continuent de poser problème, et feront pour partie l'objet de décisions modificatives en 2020.
1) Les données statistiques :
D'après le "tableau de bord 2019 des indicateurs de Parcoursup" (accessible sur le site www.enseignementsup.recherche.gouv.fr ), on a recensé 639.885 candidats lycéens (scolarisés dans les classes terminales de l'enseignement secondaire) ayant fait acte de candidature via le portail Parcoursup, et 148.952 autres en demande de réorientation (après un échec en première année de l'enseignement supérieur) ou scolarisés à l'étranger. Il existe une troisième catégorie de candidiats, en très forte croissance, faite d'adultes décidant de reprendre des études supérieures (le plus souvent dans le but de se reconvertir professionnellement), mais ces derniers ne figurent pas dans le tableau de bord 2019 du Ministère. Cependant, diverses estimations évoquent le chiffre de 110.000 candidats de ce type. Au total, ce sont près de un million de personnes qui, en 2019, ont fait acte de candidature via la plateforme Parcoursup.
Les près de 790.000 candidats des deux premières catégories ont exprimé un total de 7.436.678 voeux validés, soit près de dix (9,4) par candidat en moyenne. Indicateur intéressant : les trois quarts (74,2%) de ces voeux concernent des formations sélectives.
A la date du 19 juillet 2019, 58724 candidats étaient encore en attente d'une proposition. Ce chiffre est en baisse par rapport à celui observé à la même date en 2018 (65145) mais il est considéré comme étant encore trop important. En outre, en 2019, on a constaté que 50597 candidats ont quitté la plateforme bien que n'ayant pas reçu de proposition. Pour la plupart d'entre eux ce phénomène s'explique par le fait qu'ils ont reçu une réponse favorable pour leur admission dans une formation hors Parcoursup, en France ou à l'étranger. Enfin, certains ont renoncé à leur(s) candidature(s) parce qu'ayant finalement choisi de s'insérer sur le marché de l'emploi ou de vivre une année de césure (en milieu professionnel, à l'étranger...).
Quand à celles et ceux qui ont eu recours à la phase complémentaire, ils n'étaient que 1175 à ne pas avoir reçu de proposition a l'issue de cette ultime étape, en très forte baisse par rapport à 2018. Cependant, force est de reconnaître que pour ces derniers, les formations proposées étaient fréquemment éloignées de leurs vœux de départ.
Concernant les diverses moyens mis en œuvre pour mieux accompagner les candidats, on a comptabilisé environ 250.000 appels téléphoniques transmis via le numéro vert spécialement dédié à Parcoursup. En outre, les lycéens et/ou leurs parents ont été destinataires de 5 millions de SMS en réponse à leurs questions. Enfin, plus de 110000 jeunes ont bénéficié de possibilités d'entretiens, en face à face ou à distance.
2) Forte croissance du nombre des adultes en reprise d'études, faible progression du nombre des candidats lycéens, stabilité des candidats en demande de réorientation :
Entre 2018 et 2019, la population des élèves scolarisés en classes terminales n'a crû que faiblement, et celle des étudiants en quête de réorientation scolaire (pour la plupart ayant échoué en première année et sollicitant leur admission dans un autre premier cycle de l'enseignement supérieur) est demeurée presque stable. Il en va tout autrement de la troisième catégorie, celle composée de personnes plus âgées, qui décident de reprendre des études supérieures, le plus souvent dans un but de reconversion professionnelle : une des grandes surprises observées en 2019 est la forte augmentation de cette dernière population de candidats inscrits sur la plateforme Parcoursup : + 40% en une seule année !
Comment expliquer la forte et brusque croissance de cette population ?
Née en 2018, cette plateforme de centralisation des inscriptions en première année de l'enseignement supérieur s'est ouverte aux candidats "sans limite d'âge", alors que la plateforme APB ("admission postbac") qui la précédait n'était accessible qu'aux moins de 26 ans. En s'ouvrant aux candidats de tous âges, le portail Parcoursup a progressivement attiré un plus grand nombre de personnes classées dans cette catégorie. Peu connue en 2018, cette disposition a manifestement été mieux prise en compte en 2019, ce qui explique en partie la forte augmentation de cette catégorie de candidats .
Autre élément explicatif fréquemment évoqué : la relative simplicité d'un système qui permet aux candidats qui souhaitent demander leur admission dans une formation présente en plusieurs lieux (un BTS par exemple), de dresser la liste des établissements demandés et de ne constituer qu'un seul dossier pour cet ensemble de candidatures, ce qui donne le sentiment de pouvoir maximiser ses chances d'être admis. C'est certes là un élément explicatif qui ne concerne pas que cette seule catégorie de candidats, mais les lycéens (surtout) et les étudiants en demande de réorientation après un échec en première année de l'enseignement supérieur (en grande partie), avaient été préparés à l'usage de Parcoursup dès la première année de son existence. Il n'est pas illogique de penser qu'en ce qui concerne les candidats adultes, plus éloignés des lieux de formations prodiguant de l'information et du conseil sur le portail Parcoursup, le décalage d'un an à été bénéfique pour en découvrir les caractéristiques et modes de fonctionnement. C'est une des raisons du fait qu'ils ont été nettement plus nombreux à s'en servir.
Il convient en outre de prendre en compte le fait qu'un nombre croissant d'établissements d'enseignement supérieur sélectifs abandonnent le système de tri des candidats par concours au profit d'une procédure sur dossier, le plus souvent complétée par un entretien. A tort ou à raison, cette façon de sélectionner est vécue comme étant plus "facile" que lorsque cela se fait sur concours. Cette apparente facilité a encouragé nombre d'adultes à oser tenter leur chance.
Enfin, comme nous allons le voir plus en détails dans le paragraphe suivant, il y a le fait que, d'année en année, la liste des établissements qui recrutent leurs étudiants "hors Parcoursup" s'amenuise, au profit de ceux pour lesquels on ne peut demander à s'inscrire que via cette plateforme. Ce phénomène provoque automatiquement une augmentation du nombre des candidats de toutes catégories, parmi lesquels des adultes en quête de reprise des études.
3) La plateforme Parcoursup concerne de plus en plus d'établissements, et tend vers une position de "guichet unique" :
Les autorités ministérielles ne s'en cachent pas : Parcoursup a vocation à l' "universalité".
Cette expression renvoie à l'idée qu'à terme, c'est l'ensemble des formations supérieures françaises de premier cycle qui exigeront que les candidats à l'admission en première année expriment leurs voeux d'inscription par le portail Parcoursup.
C'est d'ailleurs clairement dit sur le très officiel site ministériel https://parcoursup.fr : en 2019, à la rubrique "Les formations", en fin de texte, il est écrit que "d'ici 2020, toutes les formations de premier cycle de l'enseignement supérieur seront disponibles sur Parcoursup". Nombreux sont ceux qui doutent qu'un tel objectif puisse être atteint dès 2020, mais force est de constater que, d'année en année, la liste des établissements "hors Parcoursup" se restreint, au profit de celle des établissements qui se placent désormais sous la bannière Parcoursup. C'est ainsi qu' 2019, l'ensemble des IFSI (instituts de formation aux soins infirmiers) et EFTS (établissements de formation au travail social), mais aussi nombre d'écoles de toutes sortes (de commerce et management, d'ingénieurs, etc.), ont décidé de sauter le pas. D'autres formations ont d'ores et déjà annoncé qu'elles le feront pour la campagne d'inscriptions de 2020 : l'Institut des Sciences Politiques de Paris ("Sciences po'") et l'ensemble des Instituts d'études politiques de province, l'université Paris-Dauphine, la plupart des écoles de commerce a recrutement niveau baccalauréat, et bien d'autres. De facto, Parcoursup devient progressivement une sorte de "guichet unique" concernant l'ensemble des demandes d'inscription en première année de l'enseignement supérieur français.
4) Une nette amélioration de la fluidité de la gestion des candidatures et des réponses :
L'année 2018 - première année d'existence de la nouvelle plateforme Parcoursup - avait été marquée par le constat de délais considérés comme étant trop longs : un beaucoup trop grand nombre de candidats n'avaient reçu aucune proposition en fin de la phase principale, et le temps d'attente d'une réponse positive avait été considéré comme étant fréquemment beaucoup trop long. En outre, nombre de formations n'avaient pu pourvoir l'ensemble de leurs places que très tardivement (pour certaines, il avait été nécessaire d 'attendre la fin de la phase complémentaire, le 5 septembre).
La résolution de ce problème fut alors considérée comme étant prioritaire pour la version 2019 de Parcoursup, et c'est pour cette raison qu'il fut décidé d'avancer de quelques semaines le calendrier national, mais aussi de réduire la durée des délais de validation dont disposent les candidats qui reçoivent une ou plusieurs propositions.
Ces mesures ont indéniablement eu un effet très positif : en 2019, 89% des candidats avaient reçu au moins une proposition d'admission à la fin de la phase principale (le 19 juillet), alors qu'ils n'étaient que 83% dans ce cas en 2018. Bien plus, de l'avis de la plupart des responsables d'établissements supérieurs, les places disponibles ont été pourvues beaucoup plus rapidement que l'an dernier. Tout cela a fortement contribué à réduire le stress, aussi bien du côté des familles que des responsables d'établissements supérieurs.
5) La campagne 2019 de Parcoursup a été marquée par un gros "bug" :
A la mi mai 2019, 67000 candidats (7,4% de l'ensemble) ont reçu par erreur un premier message leur annonçant la bonne nouvelle d'une proposition d'admission, suivi quelques jours après d'un second message leur annonçant que suite à une erreur, ils étaient rétrogradés sur liste d'attente.
Du côté du Ministère on a très vite réagi, reconnaissant une grosse erreur, et prenant des mesures correctives qui ont pu rapidement faire rentrer les choses dans l'ordre. L'explication officielle fut que "certaines formations ont surévalué leurs capacités d'accueil dans certaines formations". Autrement dit : elles ont fait du "surbooking", une technique très répandue en marketing qui consiste à vendre plus de places qu'il n'y en a, anticipant un taux prévisible de désistements d'une partie de la clientèle. Le problème est qu'il arrive parfois que ces désistements soient moins nombreux que prévus, provoquant un excès d'ayant droit par rapport aux capacités d'accueil. C'est ce qui s 'est produit concernant un certain nombre de formations concernées par le portail Parcoursup. Des mesures correctives ont été immédiatement prises, permettant de mieux gérer les flux de réponses, mais le mal était fait : plusieurs dizaines de milliers de candidats ont eu le détestable sentiment qu'on leur reprenait ce qu'on leur avait octroyé.
Pour 2020 et les années ultérieures, il a été décidé de plus strictement encadrer ces pratiques de surévaluation des capacités d'accueil, voire de les supprimer.
6) Les nouveautés prévisibles de Parcoursup versus 2020 :
A l'heure où nous écrivons ces lignes, aucune décision définitive n'a été prise concernant la version 2020 de Parcoursup. Cependant, d'après nos sources d'information, on peut s'attendre aux évolutions et changements suivants :
- Environ 600 formations viendront s'ajouter aux 11.500 qui étaient concernées par Parcoursup en 2019, accentuant la tendance à faire de ce portail un "guichet unique" pour l'admission en première année des études supérieures françaises. Parmi les nouveaux entrants : l'Institut des sciences politiques de Paris ("Sciences po'"), les Instituts d'études politiques de province, l'université Paris-Dauphine, la plupart des écoles de commerce ( y compris les programmes "bachelor") à recrutement niveau bac, ainsi que les nouvelles formations médicales et santé qui vont remplacer les anciennes PACES.... Concrètement, cela signifie qu'en 2020, 98% des places à pourvoir devront être demandées via Parcoursup. Le secteur "hors Parcousup" aura quasiment disparu en 2021.
- Un effort particulier sera fait afin d'améliorer la qualité des fiches de présentation des établissements, et surtout de leurs "attendus". Il est considéré que si nombre d'entre elles offrent un bon niveau de transparence, il n'en va pas de même pour d'autres. On veillera à l'amélioration de ces dernières, tout particulièrement en ce qui concerne la présentation des règles d'examen des candidatures, et donc du classement des candidats.
- Concernant les établissements d'enseignement supérieur privé, nombreux à être entrés dans la famille Parcoursup, on s'efforcera d'améliorer le travail d'information des familles en introduisant une nouvelle signalétique qui permettra d'identifier toutes les formes de reconnaissance (les "labels") délivrés par l'Etat ou une autorité publique, et en se montrant plus exigeant en ce qui concerne les textes de présentation de ce type de formation, jugées comme étant parfois peu lisibles et susceptibles d'introduire diverses confusions. En outre, dans chaque académie, une "adresse unique de signalement" sera mise en place. Elle permettra à ceux qui s'interrogent sur la "valeur" académique d'un titre ou diplôme de contacter une équipe académique qui pourra répondre à leurs questions, voire mener des investigations.
- Pour ne pas courir le risque que se reproduise un "bug" du type de celui évoqué dans le paragraphe 5 de cet article, il a été décidé de contrôler les pratiques de "surbooking" qui conduisent certaines formations à afficher plus de places qu'elles n'en ont en réalité. De tels dépassements seront soumis à autorisation et contrôle plus strict de la part des autorités ministérielles. Concrètement, cela revient à dire qu'on ne compte pas supprimer ces pratiques, mais qu'on veillera à ce que les nombres de places affichés ne dépassent les capacités réelles d'accueil que dans des limites raisonnables.
- En 2019, on a assisté à la brusque croissance des demandes d'inscription émanant d'adultes désireux de reprendre des études supérieures et/ou en quête de réorientation professionnelle : leur nombre est passé de quelques dizaines de milliers à 110.000. Cette demande nouvelle s'est heurtée au fait que Parcoursup, élaboré pour une population de jeunes désireux d'entrer dans des formations initiales, est peu adapté aux spécificités d'une population d'adultes pour la plupart soucieux de trouver une place dans des formations professionnelles qui sont de l'ordre de la formation continue. Il a donc été décidé d'élaborer un nouvel outil de gestion de ce type de candidatures, en lien entre le Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le Ministère du travail et les conseils régionaux. Cet outil nouveau, nommé ParcoursPlus, sera mis en œuvre en 2020. A l'heure ou nous rédigeons ces lignes, on est en attente de ses caractéristiques qui devraient être officiellement présentées courant novembre prochain.
Bruno MAGLIULO
Dernière modification le dimanche, 13 octobre 2019