Il existe aujourd’hui, en caricaturant à peine, deux modes de conception de l’organisation des enseignements : la carte ou le menu. La modalité française est plutôt de l’ordre du menu. Une fois qu’on a choisi la formation, le contenu de celle-ci s’impose comme évidemment obligatoire. Très peu de choix en interne sont laissés à l’étudiant. Et le plus souvent s’il a à choisir, c’est sur une liste fermée et définie par l’organisme de formation.
D’autres pays ont développé une formation que l’on pourrait dire « à la carte ». L’étudiant choisi et compose sa formation. Il combine sa formation. Ses choix le rendent responsable de sa « qualification », mais aussi sans doute plus impliqué dans son processus d’apprentissage.
Le modèle « paquet-cadeaux » se justifie dans un système de travail relativement rigide qui met en relation formation, diplôme, qualification-définition et stabilité dans le temps du métier. L’autre modèle de la combinaison est sans doute plus pertinent dans un monde moins rigide et protégé, et qui permet sans doute une adaptation aux changements et évolutions des métiers et des professions.
On peut observer diverses tendances.
Physiquement tout d’abord. On est passé de la faculté à l’université, de l’université au PRES, et aujourd’hui à … On a ainsi une tendance de fond au regroupement des unités d’enseignement et de formation (voire de recherche) sur un territoire. Bien sûr il y a des raisons économiques (économie d’échelle), des raisons de réputation internationale ( Shanghai et autres classements…), mais il y a une conséquence possible. Plus une unité d’enseignement est petite, et plus la formation quelle propose réduite et contraignante pour l’étudiant. Le rassemblement, en étoffant la palette des formations, peut permettre de concevoir une formation combinatoire plus développée.
On assiste à une évolution très rapide dans tous les domaines, technologique, scientifique, organisationnel, professionnel. Difficile de prévoir une « formation » adéquate à une « activité professionnelle ». Les ajustements et aller-et-retour entre travail et formation vont s’accélérer.
Une évolution conceptuelle est aussi engagée. Ce mouvement d’une organisation combinatoire et par modules a été initiée par l’Europe, essentiellement pour des questions d’équivalences facilitant les échanges d’étudiant. C’est le principe du LMD et des ECTS. Mais on voit combien est très difficile de le mettre en place dans notre enseignement supérieur et comme il est détourné dans son principe combinatoire. La conception de la formation en France reste encore très « fermée » ;
Sans doute une conception plus modulaire de la formation serait plus pertinente face aux évolutions. Mais elle supposera un développement du conseil et de l’accompagnement non seulement à l’entrée dans la formation pour la choisir, mais également en cours de formation et en retour en formation.
Le basculement vers les MOOCs
Ce mouvement de numérisation des contenus de formation s’est aujourd’hui emballé. Les établissements d’enseignements supérieurs comme les pays s’engagent dans ce processus. Les universités américaines bien sûr, mais aussi les grandes universités asiatiques ont initié le mouvement. Quelques pays africains pour des raisons économiques s’y lancent également.
En France la thématique est apparue il y a à peine un an. Je vous propose un petit échantillon d’articles récents pour une approche de l’état du débat :
- Université : enfin une réforme démocratique et nul n’en parle… 7 octobre 2013 | Par Robert Chaudenson
- Quand les #MOOCs débarquent en France et déstabilisent l’enseignement par Louis Carle
- La France se lance (enfin) dans la course aux MOOCs par Olivier Rollot
- HEC, première business school française à se lancer dans les MOOC par Lucile Quillet
- Le présent gouvernement a opté pour un accompagnement par l’état de ce mouvement au travers du FUN (France Université numérique). On peut en voir la vidéo de présentation sur la page : « France Université Numérique, enjeux et définition : Le numérique au service d’une université en mouvement ».
Pour le moment le recrutement des futurs étudiants d’un organisme de l’enseignement supérieur est essentiellement pour un enseignement « physique ». L’argumentaire actuel met en avant de manière importante (ce qui est relativement nouveau) les services physiques rendus aux étudiants : hébergement-restauration, bibliothèque, espaces de travail, « campus », proximité urbaine, etc… Qu’en sera-t-il avec le déploiement des MOOC ?
Avec le MOOC, la limitation physique du nombre de places, et donc la limitation de l’accès par diverses procédures de sélection, ne se justifie plus. La question de la capacité porte sur les formations mises à disposition et non sur le volume de l’immobilier en capacité de recevoir les étudiants. L’encombrement physique des places ne se pose plus.
La question essentiel est la palette des formations proposées, leur qualité, leur attractivité. Et l’offre n’étant plus physique, elle peut franchir les frontières. La confrontation des offreurs de formation se fera en partie à l’international.
Il est donc tout-à-fait possible que les frontières des marchés de la formation du supérieur s’effondrent assez rapidement.
Le futur étudiant verra son rôle de décideur du design de sa propre formation prendre une très grande importance. Le secondaire devra l’y préparer. Des services, publics et/ou privés devront répondre à une demande d’information et de conseil.
Bernard Desclaux